La petite-cousine de Dries Van Noten a hérité du gène de la mode. Pourtant, l'approche de Sophie Van Noten est bien différente.
Fin août, nous rencontrons dans une galerie d'Anvers, Sophie Van Noten, créatrice de la marque de mode Vallverdù. "Vallverdù signifie 'vallée verte' en patois italien", explique-t-elle. Son nom vous dit quelque chose? C'est normal: elle est la petite-cousine du célèbre créateur. Pourtant, ce nom ne sera pas sur les étiquettes. "Le fait que la collection ne porte pas mon nom de famille est un choix délibéré. Indépendamment de sa notoriété, je n'aime pas me mettre en avant. Je voulais que la marque raconte quelque chose de plus profond, au-delà de la simple matérialité des vêtements. Vallverdù, représente le bien-être. L'image d'une vallée verdoyante correspond à ce que je veux offrir, à l'expérience globale. Pour moi, Vallverdù est un espace sûr, une évasion, quelque chose que je crée et qui me dépasse, où je ne suis pas au premier plan."
Vallverdù est le projet à petite échelle de Sophie Van Noten dans l'univers plus vaste du lifestyle et de la mode. Elle souhaite offrir un service "bespoke" à ceux qui recherchent une approche alternative de la santé, de la beauté et du bien-être. Les vêtements sont contemporains, féminins, décontractés et luxueux. Ils sont confectionnés en Italie, un pays qu'elle adore et où elle réside la moitié du temps. "Pour moi, il est essentiel de créer du raffinement. En matière de finitions, l'Italie est inégalée. Mes vêtements y sont fabriqués dans une petite entreprise familiale, composée principalement de femmes d'une soixantaine d'années, où l'amour du métier prime sur le reste."
Propriétés curatives
Elle me montre les modèles de base de sa collection. "Elle s'articule autour de deux axes", poursuit-elle. "Vallverdù, c'est pour moi une sorte de paysage mental, que j'essaie de traduire dans une partie de la collection à travers des imprimés floraux et des fragrances spécifiques. L'autre aspect est lié aux propriétés curatives, qui contribuent à la santé et à l'équilibre physique."
Elle présente un de ses kimonos à la lumière. Les imprimés botaniques de Vallverdù sont appliqués sur de la soie pure. La collection comprend une blouse, un pantalon et un foulard. "La soie que j'utilise est ce qu'on appelle de la 'non violent silk' ou 'peace silk', que j'ai dénichée chez un éleveur bio en Inde. Chez lui, les vers à soie ont le temps de sortir de leur cocon sans être sacrifiés."
Les vêtements en soie de Van Noten sont fluides comme du mercure, divins, royaux, donnant à chaque mouvement une élégance discrète. "Je teins la soie moi-même. Sur une première couche de couleur, j'applique des fleurs et des plantes, fraîches ou séchées. C'est un véritable travail d'expérimentation et chaque imprimé est légèrement différent, car il est réalisé avec des produits naturels. Les teintes varient en fonction de la saison de la récolte des fleurs et des plantes."
Héritage et passions
D'où viennent ces fleurs et ces plantes? "Ces dernières années, j'ai passé beaucoup de temps dans le jardin de mes grands-parents", précise-t-elle. "Je collabore également avec des agriculteurs bio aux Pays-Bas et en Belgique. J'en fais sécher une partie, ce qui me permet de continuer à teindre en hiver sans devoir en acheter des fraîches."
Ce que la jeune femme a créé, c'est un motif moderne, évoquant subtilement le passage d'une fleur, une abstraction qui lui confère l'apparence d'un imprimé de camouflage à la fois noble et raffiné. Chaque vêtement est accompagné d'un sachet de bouts de bois imprégnés, dont les senteurs s'harmonisent avec les éléments qui composent l'imprimé. Pour une expérience encore plus immersive, ces bouts de bois peuvent être brûlés, comme de l'encens. Ils sont accompagnés d'une tisane conçue spécialement pour la cliente. En effet, Vallverdù vise à offrir une expérience holistique.
Chez Sophie Van Noten, le sur-mesure prend une tout autre dimension. Tout repose sur la philosophie de l'ayurveda, domaine dans lequel elle s'est immergée au cours de ces dernières années. "J'ai grandi dans la mode et j'ai toujours adoré cet univers, mais plus je m'y plongeais, plus je réalisais que ce n'était pas ainsi que je voulais procéder. C'est à ce moment-là que le déclic s'est produit."
Le fait qu'elle ait réuni deux de ses passions, la mode et le bien-être, ne relève pas du hasard. Elle est issue de la famille Van Noten, qui a dirigé pendant des générations la boutique 't Meuleken à Anvers. "J'ai la vente dans le sang, c'est un héritage familial. Le processus créatif m'intéressait, mais je préférais me consacrer d'abord à la création, ensuite à l'aspect commercial."
Elle a suivi une formation en fashion business à Florence. "Une nouvelle formation, qui faisait le lien entre la création et l'expérience client", explique-t-elle. "Ma dernière année a coïncidé avec la période de la pandémie de covid. C'est alors que j'ai commencé à me poser des questions sur l'industrie de la mode, la consommation de masse, les techniques de teinture et d'impression ou la toxicité de certains produits. Je voulais revenir à l'essentiel, retrouver la sérénité. L'ayurveda m'est apparu comme une approche globale pour apprendre à écouter mon corps."
Vêtements bienfaisants
"J'ai alors été mise en relation avec un médecin ayurvédique en Inde. En parallèle, je faisais un stage dans une entreprise de mode spécialisée dans le travail artisanal: je participais à l'élaboration des collections, au choix des tissus et à l'organisation des ventes privées, tout en poursuivant mes études sur l'ayurveda. Cette discipline m'a tellement captivée que je l'ai intégrée dans mon projet de fin d'études: à Florence, je me rendais dans les parcs pour cueillir des plantes pour réaliser des imprimés dans mon petit atelier. Mon objectif était de créer une collection basée sur cette approche."
L'ayurveda a inspiré la créatrice pour concevoir et présenter sa mode de manière holistique, loin du modèle de consommation dominant. Elle a passé un an en Inde, où elle a étudié les principes, les traitements botaniques, l'aromathérapie védique ainsi que les archétypes planétaires et l'astrologie védique, des connaissances qu'elle a utilisées pour créer sa marque, Vallverdù, pour offrir aux femmes bien plus que de simples vêtements: un sentiment de bien-être.
Outre l'alimentation, les tisanes, les herbes et les couleurs, l'ayurveda favorise l'équilibre permettant à la peau de bénéficier des propriétés des plantes. "La peau, l'organe le plus étendu, absorbe les principes actifs des plantes. Cela peut se faire avec des bains de plantes, des préparations à base de plantes ou des massages avec de l'huile végétale ou en infusant des tissus avec des plantes. C'est ce qu'on appelle l'ayurvastra."
Pour sa collection curative, Sophie Van Noten a fait infuser du coton bio dans un bain d'herbes spécifiques en Inde. Ce tissu est ensuite utilisé en Italie pour confectionner des kimonos: "On porte ce kimono après le bain, afin que les herbes contenues dans les fibres puissent agir de manière optimale. Ils conservent leurs propriétés curatives, même après 25 lavages. Ensuite, ils peuvent être infusés à nouveau pour prolonger leurs bienfaits."
Luxe ultime
N'est-il pas audacieux de transformer mode et ayurveda en modèle économique? "J'ai élaboré un business plan avec des objectifs précis en termes de chiffre d'affaires et de ventes. C'est un saut dans l'inconnu, c'est vrai. Mais je suis obstinée, je crois profondément en mon projet. Pendant mes études, j'ai approfondi l'aspect commercial, la segmentation de la clientèle et la psychologie des consommateurs. Je me suis également basée sur la question suivante: que voudrais-je en tant que cliente, de quoi aurais-je besoin? Je ne veux pas être un numéro. J'apprécie le contact personnalisé, les produits bien finis, fabriqués avec amour, spécialement pour moi. Chez Vallverdù, tout est réalisé sur mesure. Il ne s'agit pas seulement d'un produit ou d'un vêtement, mais d'un voyage, d'une expérience de bien-être et de sérénité."
Considère-t-elle sa collection comme un produit de luxe exceptionnel? Elle hésite. "Pour moi, il ne s'agit pas de luxe, mais plutôt de prise de conscience. Le plus gros problème de la mode, c'est la consommation de masse. La mode en tant que système continuera d'exister, mais à l'avenir, il y aura une demande croissante pour des vêtements faits à la main avec passion et amour, 'made to order' ou 'bespoke'. Je pense que cela doit devenir la nouvelle norme."
Elle poursuit: "J'entrevois également une autre évolution. Pour les grandes marques de luxe, un simple logo ne suffira plus. La génération du logo touche à sa fin. Les maisons de mode ne peuvent plus se contenter de s'appuyer sur leur histoire ou leur nom. On voit déjà certaines marques anticiper, par exemple en rendant les boutiques physiques moins accessibles et donc plus exclusives, pour rendre l'expérience plus unique. Je crois donc qu'une autre vision, au-delà de l'esthétique pure, gagnera en importance."
Florence-Anvers
Comment se présentent ses prochains mois? Elle ouvrira son atelier Vallverdù à Florence à la fin du mois de septembre, explique-t-elle. "Les réactions sont très positives jusqu'à présent. J'ai hésité entre Anvers et Florence, mais mon cœur est à Florence. Mais je ferai régulièrement des séjours en Belgique. Les clients peuvent m'envoyer un mail pour fixer un rendez-vous privé, même à Anvers. L'essentiel restera le vêtement, du moins les premières années: un vêtement entièrement conçu sur mesure et en fonction de l'énergie du client. Il n'y aura pas de grande collection."
Et l'avenir? "J'ai suivi une formation sur les massages, la préparation d'huiles médicinales et les traitements aux tampons d'herbes. La fusion entre le bien-être ayurvédique et les tissus bien conçus, aux propriétés curatives, est tellement fascinante que j'entrevois encore bien d'autres possibilités."
Et enfin, la question qui nous brûle les lèvres: comment réagit Dries Van Noten? Elle sourit: "Je vais bientôt lui rendre visite en Italie pour lui montrer ma collection. Je voulais attendre d'être prête, que tout soit parfaitement en place avant de lui présenter quoi que ce soit. Dries sait que je travaille avec des fleurs, mais pour ce qui est de l'ayurveda, je tiens à le lui expliquer moi-même. Je suis très curieuse de sa réaction, c'est vrai. Notre lien familial est très étroit. Et j'aimerais savoir ce qu'il pense de l'aspect créatif de la marque. Après tout, nous partageons la même passion pour les fleurs. J'aimerais teindre un tissu avec quelques fleurs cueillies dans son jardin."
Vallverdù
| Site web | vallverduatelier.com