Lauren Santo Domingo porte une robe de bal haute couture de Giambattista Valli.
Lauren Santo Domingo porte une robe de bal haute couture de Giambattista Valli.
© Boo George / Telegraph Media Group Limited

Lauren Santo Domingo réinvente le concept de shopping en ligne

Calendrier de la mode dans son sac à main, elle arpente le monde. Les soirées qu’elle donne sont fréquentées par des top models comme Gigi Hadid et Naomi Campbell. S’il y a une personne qui peut vous guider dans le petit monde de la mode, c’est bien Lauren Santo Domingo, fondatrice de Moda Operandi, la boutique en ligne où l’on peut commander les pièces des collections une heure après le défilé.

Hier, elle a organisé une soirée et, pourtant, rien chez Lauren Santo Domingo ne permet de le deviner. Les seuls témoins silencieux de la frénésie festive qui a embrasé l’hôtel particulier parisien, sont quelques gobelets en plastique qui traînent sur une console dorée ou à côté de la sculpture en orchidées de Marc Quinn.

La maîtresse de maison est fraîche comme une rose. Celle que tout le monde surnomme LSD porte un peignoir duveteux. Elle sort de sa douche et se prépare pour notre séance photo de robes couture livrées par les coursiers de Chanel, Givenchy et d’autres grandes maisons de couture.

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© Boo George / Telegraph Media Group Limited

Instagram est moins discret: la soirée était réussie. L’actrice Bianca Brandolini a posté une image de l’hôtesse versant dans de petites coupes du champagne rafraîchi dans un seau. L’actrice Jessica Chastain a pris quelques selfies avec le journaliste américain Derek Blasberg, qui est comme un poisson dans l’eau dans ce type de soirée.

À l’arrière-plan, on voit des modèles et des influenceurs jouent au beer pong. Sympa, mais, dans l’ensemble, relativement sage par rapport à d’autres soirées orchestrées par LSD. En février, elle avait organisé une fête d’anniversaire pour Edward Enninful, rédacteur en chef du Vogue britannique. Les mannequins Gigi Hadid, Alexa Chung et Naomi Campbell étaient réunies sur son canapé et une drag queen apportait un gâteau géant. Paris is burning!

Fashion weeks

Aujourd’hui, le calme et de sérénité planent dans le salon. François Catroux, époux de Betty, architecte d’intérieur des Gainsbourg, des Rothschild et des Santo Domingo depuis 1992, a veillé à ce que la décoration puisse alimenter les conversations pendant toute une soirée. Est-ce un Man Ray? Oui. De qui est cette table basse? C’est une Giacometti.

"En réalité, je n’ai rien fait de plus que mettre en ligne une manière traditionnelle de faire du shopping."
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D’ailleurs, Paris n’est pas la seule ville où Lauren Santo Domingo a un pied-à-terre: elle vit entre la Ville Lumière et Manhattan. Elle raconte qu’elle a fait aménager son appartement de la capitale de manière à lui permettre de faire une pause entre les défilés de mode. En effet, la fondatrice de Moda Operandi, la boutique en ligne qui permet à ses riches clientes de s’offrir une tenue directement après l’avoir vue défiler, elle s’y rend au moins quatre fois par an.

Elle est l’épouse d’Andrés Santo Domingo, fils d’un homme d’affaires colombien et fondateur d’une maison de disques. Conséquence: LSD jouit d’une fortune qui se chiffre en milliards. Lauren et son époux se sont rencontrés à Paris et se sont mariés en 2008 à Carthagène (Colombie). Et, il y a sept ans, le couple a hérité de cet appartement parisien de la famille d’Andrés. Ce dernier et son frère l’on tiré au sort, à pile ou face.

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Avec son époux Andrés Santo Domingo, milliardaire Colombien et actionnaire de AB InBev.
Avec son époux Andrés Santo Domingo, milliardaire Colombien et actionnaire de AB InBev.
© Getty Images

Divertir les gens, c’est ce que les Santo Domingo font de mieux. Un art que même leurs enfants maîtrisent à la perfection. Nicolas, sept ans à peine, se prépare pour aller au musée Picasso avec son père et quelques copains.

Beatric, six ans, cavale à travers l’appartement, se cache dans une robe couture Giambattista Valli avant de présenter au photographe son calamar Tickles, ainsi nommé par Apple Martin, fille de Gwyneth Paltrow et de Chris Martin.

Shopping de la rentrée

"Je voyage toujours avec le calendrier de la mode dans mon sac", précise l’élégante. "Chaque semaine, il y a un défilé de mode qui se déroule quelque part dans le monde! Je voyage beaucoup. Londres, Hong Kong, Moyen-Orient..."

Enfant, elle se rendait à Paris au moins une fois par an, avec son père, Ronald V Davis, importateur de l’eau Perrier aux États-Unis, qui emmenait sa famille passer l’été en France. "Je faisais toujours mes courses de rentrée scolaire avec lui!", raconte-t-elle. "Et ça ne se limitait pas aux cahiers!"

Sur sa shopping list pour cet automne: des nouveaux venus du design (Staud, Rokh et Marina Moscone), des labels encore teintés de cette sensibilité années 1990 qu’elle adore: Matériel, Anna October et Nanushka, ainsi que ses quelques favoris pour les robes de soirée, comme Attico et Alessandra Rich.

© Getty Images

Robe de Nouvel An

Dans l’univers de la mode, septembre est un mois prometteur: c’est le mois où les créateurs présentent leurs collections de prêt-à-porter de l’été. Pour la serial shoppeuse, cette période est aussi l’occasion de montrer une autre image d’elle-même. "Je choisis mes vêtements avec soin", explique-t-elle.

"Lors des défilés, je planifie mes activités pour les six prochains mois et je passe commande. Je tiens compte de ce que je voudrais porter au cours de la nouvelle saison, de ce que j’espère et de ce dont je rêve pour ma garde-robe. Je tiens aussi compte des événements: où je serai dans six mois, avec qui, pour un mariage ou une soirée, pour des vacances, ... et pendant les défilés, je cherche les pièces qui pourraient convenir.

Mais nous avons aussi des rendez-vous annuels, en famille, comme le Nouvel An, qui a toujours lieu en Colombie, quoi qu’il arrive. Pour cette occasion, il me faut une robe couture extraordinaire. Et pour les journées à la plage, il me faut des caftans à choisir dans les collections croisière des grandes maisons de couture parisiennes. J’ai déjà prévu des rendez-vous dans telle ou telle autre ville pour les Fashion Weeks, ce qui, pour moi, est à chaque fois l’occasion de me réinventer. J’adore me projeter dans le futur et me représenter dans ces endroits. Et comme ma garde-robe est réglée comme une horloge, j’éprouve rarement ce sentiment de ne rien avoir à me mettre."

"J’éprouve rarement le sentiment de ne rien avoir à me mettre."

C’est ce concept de “planification de garde-robe” qui a donné à Santo Domingo l’idée de lancer Moda Operandi, en 2010. Passer commande de ses vêtements lors des défilés et les recevoir six mois plus tard était la norme pour les femmes Américaines fortunées.

La fast fashion a changé la donne: juste après un défilé, les clientes ont été invitées à commander les pièces qu’elles souhaitaient. Un concept qui n’a pas tenu face à l’avènement des boutiques en ligne.

Champagne du matin

Santo Domingo a pris une longueur d’avance en transformant son concept de shopping prévisionnel en version ‘dotcom’. "En réalité, je n’ai rien fait de plus que mettre en ligne une manière traditionnelle de faire du shopping", relativise-t-elle.

"Les ‘trunk shows’ faisaient partie du rituel des Fashion Weeks. Dans la boutique VIP du grand magasin Bergdorf Goodman, dans l’atelier du designer ou chez une cliente. Oscar de la Renta aurait ainsi fait une vente de 1 million de dollars chez une cliente, au Texas."

Mais, comme l’a constaté l’entrepreneuse, une période de décroissance n’est pas à exclure. "Après la récession, les grands magasins de mode se sont mis à acheter de façon beaucoup plus conservatrice, limitant ainsi le choix de leurs clientes.

De plus, un nouveau concept est apparu: le shopping clandestin, car les clientes ne voulaient plus être vues en public avec une coupe de champagne à 11 heures du matin pendant qu’elles faisaient leur shopping. Parallèlement, le street wear a fait son apparition et les réseaux sociaux ont explosé, ringardisant ces ‘trunk shows’. Tout cela n’a pas empêché les femmes de vouloir porter des vêtements enthousiasmants."

Devinette

Santo Domingo était parfaitement placée pour faire entrer son modèle de shopping dans le futur car elle connaissait bien le petit monde de ses clientes potentielles. Il ne lui restait plus qu’à convertir la liste des invités à son mariage en mailing list business.

Dans l’intervalle, elle est devenue l’ambassadrice idéale de Moda Operandi. Sur la page Lauren’s Closet (la garde-robe de Lauren, NDLR), elle présente ses choix personnels. On peut même deviner ce qu’elle portera pour le prochain réveillon de Nouvel An à Carthagène: une robe jaune canari à volants du duo de créateurs Raisa Vanessa (4.500 euros) et un bracelet du joaillier new-yorkais Sanjay Kasliwal (18.000 euros).

Si le site Web représente l’épicentre de son activité, il permet également à de richissimes clientes d’accéder à des événements de mode ultra exclusifs.

LSD sait parfaitement comment les nantis se comportent et ce qu’ils aiment. Elle sourit en racontant des anecdotes: celle de la cliente de Hong Kong qui voulait s’offrir un diamant via l’app WeChat, ou celle de la riche héritière qui se faisait livrer ses achats dans sa villa de Saint-Barthélemy. Lorsqu’elles passent chez Moda Operandi, ses clientes dépensent en moyenne 2.000 dollars. Trois fois plus que chez la concurrence.

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© Getty Images

Chaque cliente de Moda Operandi est traitée en VIP, avec des stylistes prêts à offrir des conseils personnalisés. "Conseiller, c’est pour moi bien plus que recommander d’acheter telle robe parce qu’elle est parfaite pour telle saison", précise l’entrepreneuse.

"Mon approche est différente. Je dis à la cliente “Viens ma chérie, assieds-toi, nous allons bavarder un peu” car, ce que je veux savoir, ce sont des informations telles que “Est-ce que ton ex sera là?”, “Comptes-tu danser?” Chaque choix de robe dépend d’une foule de critères."

Anna Wintour

Quand nous la rencontrons, Lauren Santo Domingo revient des défilés de prêt-à-porter de septembre. Des événements qu’elle considère comme importants, mais auxquels elle doit également assister en tant que femme d’affaires souhaitant conseiller ses clientes. "Nous avions un groupe formé de quelques clientes Moda Operandi et de stylistes. Nous sommes leur accès à ce petit univers."

Ce qui est exact: si quelqu’un peut vous faire entrer dans le petit monde exclusif de la mode, c’est bien LSD. Elle connaît tout le monde. Elle envoie sur WhatsApp quelques photos de sa fille jouant dans une tenue Giambattista Valli directement à ‘Giamba’. Et Clare Waight Keller, la directrice artistique de Givenchy, reçoit un texto de LSD pour lui annoncer qu’elle a bien reçu la robe et la complimenter.

Santo Domingo a commencé sa carrière en tant qu’assistante de l’édition américaine de Vogue. Elle déclare que les nombreuses amitiés qu’elle y a nouées sont aujourd’hui encore précieuses dans le petit monde de la mode. Elle raconte des histoires incroyables à propos de ses 16 années chez Vogue, le magazine pour lequel elle rédige encore de temps en temps quelques papiers.

© Boo George / Telegraph Media Group Limited

"J’ai commencé en tant qu’assistante mode. Je pouvais toucher toutes les robes qui passaient sur les catwalks", sourit-elle. "Vogue organisait chaque année un grand événement couture, et je me souviens de l’arrivée d’une robe Versace qui devait être portée par l’actrice Nicole Kidman. Elle était dans une grande boîte en bois, portant une étiquette ‘this way up’ bien visible. Les six assistants se sont battus pour l’ouvrir. La rédactrice en chef, Anna Wintour, m’a demandé si je ne voulais pas l’essayer afin qu’elle puisse la voir.

C’était la première pièce couture que je portais. Je me souviens que j’étais complètement paralysée, physiquement mais aussi émotionnellement. Enfant, j’étais déjà obsédée par la mode, alors, c’était comme si j’entendais des anges chanter, comme si je voyais la lumière: depuis ce jour, je n’ai plus eu que ça en tête."

'Why be boring?'

Santo Domingo explique à quel point il est important d’être aimable et accessible dans l’univers de la mode. C’est vrai, elle aime parler robes pour entamer une conversation ou divertir les gens. "Lorsque je rencontre quelqu’un, je ne veux pas qu’elle ressente la mode comme quelque chose d’intimidant, peut-être parce qu’en tant que jeune assistante, j’ai souvent été confrontée à des personnes extrêmement intimidantes. À cette époque, j’ai aussi réalisé que la mode peut être une arme.

Aujourd’hui, c’est une réaction naturelle de ma part d’y réfléchir, d’être fraîche et enjouée, d’apprécier la mode et les couleurs. J’ai travaillé si longtemps pour Vogue que je ne porte plus que rarement du noir. Il est de notoriété publique qu’Anna Wintour ne veut pas de noir dans son magazine, et je n’en porte donc que rarement."

Les magnifiques tenues de Lauren Santo Domingo, mais aussi sa vie hors du commun, sont de l’or pour les réseaux sociaux. Avec le slogan ‘Why be boring?’ (pourquoi être ennuyeux?), son compte Instagram @thelsd compte plus de 270.000 followers. Elle partage les moments glamour de sa vie avec ses fans plutôt que de faire étalage de sa réalité quotidienne.

"Je n’ai aucun problème avec les réseaux sociaux", déclare-t-elle. "J’aime me présenter sous mon meilleur jour et cacher tout ce qui est ennuyeux ou inadéquat. Je sais que certaines personnes ont du mal avec ça, mais pas moi. Je suis la copine parfaite pour vous écouter quand tout va bien, quand décrochez un chouette boulot ou que vous partez en vacances et je suis heureuse pour vous.

Par contre, si vous êtes malade ou triste, il y a d’autres personnes que moi à appeler pour vous réconforter. Je suis comme ça, et je le sais: je veux voir mes amis au meilleur de leur forme, dans une vie de rêve. Et, tant qu’à faire, avec un filtre Instagram Valencia. Vous voyez ce que je veux dire?" 

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