Les bijoux de Kimaï sont durables, traçables et accessibles. Et tous sont sertis de diamants de laboratoire. Créé par Sidney Neuhaus et Jessica Warch, le nouveau label belge prouve que l’on peut faire "autrement". Meghan Markle et Diane Von Furstenberg sont déjà convaincues.
Ces dernières années, un nouvel acteur, le diamant de laboratoire, est apparu sur le marché. Une pierre qui n’a pas été créée dans la croûte terrestre il y a 1 à 3 milliards d’années, mais qui a été "cultivée" dans des conditions similaires en laboratoire, en 10 semaines à peine.
Même formule chimique (cristal de carbone), mais plus durable. Après la sensibilisation mondiale sur l’empreinte carbone quand on prend l’avion, le fait de manger de la viande et d’utiliser du plastique, c’est au tour de porter des bijoux. C’était sans compter Kimaï qui, sur son site Web, annonce “Jewelry is no longer a guilty pleasure.”
Ce nouveau label de bijoux fabriqués en Belgique a été fondé par Sidney Neuhaus et Jessica Warch. Les deux jeunes femmes ont grandi au sein de l’industrie diamantaire anversoise, qui, même pour elles, est très opaque. Et cela leur a donné une brillante idée: Kimaï, durabilité en hébreu, est fondée à la fin de l’année 2018.
Génération Instagram
“Les jeunes gens sont ouverts à l’innovation”, déclare Warch (26 ans). “Les clients de mes parents n’achèteraient jamais en ligne, et ils préfèrent les marques et les bijoux destinés aux occasions spéciales. Mais notre génération veut à la fois voyager et acheter des diamants. Grâce aux boutiques en ligne et Instagram, nous avons réinventé les bijoux et les rendre moins intimidants.”
L’idée a mûri pendant leurs études, à Londres. Warch est diplômée de la Cass Business School et Neuhaus, de l’éminent institut de gemmologie (GIA). “Avec le temps, nous avons réalisé qu’il était de plus en plus important pour nous de savoir d’où venaient l’or et les diamants”, explique Warch, qui s’occupe du versant commercial tandis que Neuhaus se consacre à la création.
Dans l’intervalle, le momentum des diamants de laboratoire semble être enfin venu: les acteurs historiques du secteur sont en train de prendre le train en marche. C’est notamment le cas de Lightbox, une marque populaire aux États-Unis qui vend des diamants d’entrée de gamm. En Europe, Swarovski a également annoncé son intention de vendre des diamants de laboratoire dès cette année.
Les diamants naturels ne sont-ils pas toujours munis d’un certificat?
Warch: “Oui, mais il précise les caractéristiques d’un diamant, pas son origine. De plus, l’impact de la production est énorme: non seulement sur l’environnement (pour un diamant de 1 carat, il faut creuser toujours plus loin). Voilà pourquoi notre génération n’en veut plus."
"Les diamants de laboratoire apportent de l’innovation à une industrie aussi ancienne que vétuste, inadaptée au Nouveau Monde. Et, qui plus est, intimidante. En effet, on ose à peine entrer chez un bijoutier si l’on ne peut pas s’offrir un bijou haut de gamme."
"Et, quand les bijoux sont accessibles, il faut souvent faire des compromis sur la qualité et alors, on doit se rabattre sur le plaqué or. Nous ne travaillons qu’avec de l’or recyclé provenant de Suisse, et nos bijoux sont vendus sans intermédiaires, directement au client, ce qui nous permet d’offrir de la qualité joaillerie de luxe à un prix prêt-à-briller.”
Autre caractéristique: le travail le plus important -la taille des diamants et le façonnage des bijoux- est effectué dans des ateliers à Anvers. La ville est-elle toujours un label de qualité?
Warch: “Oui! C’est à Anvers que l’on trouve le meilleur savoir-faire du monde. Bien sûr, il aurait été possible de réduire les coûts en délocalisant la production, mais ce n’était pas notre objectif. Pour rester transparent, il est important que la production reste européenne, pour contrôler l’ensemble de la chaîne de fabrication.”
Les diamants de laboratoire et les diamants naturels sont identiques, mais leur connotation est pourtant radicalement différente…
Warch: “Les diamants de laboratoire ont la même signature chimique que les diamants naturels, et un expert devra recourir à des outils spécifiques pour les différencier. En plus, tous deux sont évalués sur base du carat, de la couleur, de la clarté et de la taille."
"C’est dans la tête que se situe la différence: si le diamant ne vient pas de la roche, il sera faux, impur ou de qualité inférieure. C’est sur ces points que nous voulons agir pour faire évoluer les mentalités.”
Au début de l’année dernière, Meghan Markle a porté vos boucles d’oreilles "Felicity", une baguette ondulée ornée de trois gouttelettes. Comment avez-vous fait?
Warch: “Comme nous nous lancions sans budget, nous avions besoin de personnes connues pour donner une résonnance à notre mission. Et comme Meghan Markle porte souvent des vêtements durables, nous avons tenté de la contacter. Un jour, son assistant personnel a répondu, après quoi nous sommes allées lui livrer les bijoux, en personne."
"Bien sûr, nous ne savions ni quand, ni si elle porterait les boucles d’oreille. Jusqu’au jour où les articles ont été mis en ligne, seulement deux mois après le lancement de Kimaï! Du coup, nous étions sur notre petit nuage, mais ensuite, la panique a pris le dessus.”
Une stratégie “people” payante: "Felicity"est toujours un best-seller et, en un an, Kimaï a levé 1,2 million de dollars par l’intermédiaire de la société de capital-risque britannique Talis Capital. Le milliardaire français Xavier Niel (époux de Delphine Arnault et propriétaire du journal Le Monde), le Français Fidji Simo (âgé de 34 ans et responsable de l’application Facebook) et la célèbre créatrice de mode Diane Von Furstenberg ont également investi. Warch, qui cherchait des investisseurs principalement en France et aux États-Unis, ajoute: “Il y a plus d’enthousiasme là-bas qu’ici.”
Choisir une voie radicalement différente relevait-il de la rébellion?
Warch: “Au début, certaines personnes avaient le sentiment que nous allions à l’encontre de leur business. Ensuite, elles ont mesuré l’impact de ce que nous faisions. Bien sûr, à Anvers, ces insiders nous connaissent depuis notre enfance. Il est extrêmement difficile de changer les mentalités des plus âgés, mais ce n’est pas non plus notre objectif."
"C’est une question d’état d’esprit. Nos parents sont des acteurs chevronnés du marché traditionnel, ce qui ne les empêche pas d’être ouverts d’esprit et de nous soutenir, mais de là à sauter le pas... Et ils sont très classiques!”
Le "tone of voice" de Kimaï se démarque aussi de celui du commerce du diamant classique. Son site Web affiche: "Looking for a new, everyday piece - or just trying to spoil yourself? We’ve got you covered." On dirait bien que le client visé n’est pas l’homme à la recherche d’une bague de fiançailles…
Warch: “En effet. Les bijoux ont toujours été commercialisés comme quelque chose que les hommes étaient censés acheter pour les femmes. Aujourd’hui, les femmes n’attendent plus que quelqu’un leur achète un bijou: si elles en ont envie, elles se l’offrent."