Meghan Markle, queen of influencers

Après les turbulences médiatiques nées dans le sillage de Lady Diana et de Kate Middleton, les Windsor vont accueillir dans leur clan Meghan Markle, une des personnes les plus influentes de leur histoire. Mais pour ne pas faire de vagues, celle qui épousera le prince Harry a déjà fermé ses comptes Facebook et Instagram.

Cet article a été publié le 19 mai 2018.

Dans les pages des magazines et sur Internet, l’agitation est à son comble depuis plusieurs mois. Au début, toutes les chances étaient du côté de Ralph & Russo, les créateurs de la robe des fiançailles de l’heureuse élue, avant de basculer en faveur d’Erdem Noralioglu.

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Après tout, il est canadien -et la jeune femme a vécu à Toronto le temps du tournage de la série ‘Suits’. Il est également un pilier de la London Fashion Week, célèbre pour ses robes romantiques en dentelle et l’Américaine a confié à Vanity Fair qu’elle portait ses vêtements depuis des années. Néanmoins, les bookmakers misent sur un nouveau favori, le very british Burberry. La réponse ne sera connue qu’au moment de l’apparition de la mariée. À vos écrans.

En septembre 2017, Meghan Markle accompagne le prince Harry aux Invictus Games de Toronto.
En septembre 2017, Meghan Markle accompagne le prince Harry aux Invictus Games de Toronto.
©BelgaImage

Sur liste d’attente

Much ado about nothing? Sûrement pas, car le ‘dressgate’ ne concerne pas que les fashion/royalty watchers. Certes, quel que soit le créateur, il ou elle sera ‘the talk of the town’, mais les retombées ne seront pas que vestimentaires ou culturelles: elles seront surtout économiques. As usual, royalty means business, big business.

Alors que les jeunes sont difficiles à atteindre par le secteur commercial (ils ne regardent plus la télévision), les influencers sont du pain béni pour les annonceurs. En effet, ils peuvent créer une tendanceen un post, une vidéo, qui touchera leurs followers bien plus efficacement que la meilleure campagne de pub.

De plus, depuis l’annonce des fiançailles, l’influence de Meghan Markle a explosé: elle pourrait même devenir l’influenceuse la plus importante au monde alors que, comble de l’ironie, elle a supprimé tous ses comptes sur les réseaux sociaux.

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Flashback: en septembre 2017, Meghan accompagne Harry aux Invictus Games de Toronto. Elle porte un jeans déchiré de la marque californienne Mother et un cabas Everlane. Suite à cet événement, Mother a enregistré une hausse de 200% du trafic sur son site web et une augmentation de 60% des recherches sur Google par rapport à la même semaine de septembre un an plus tôt.

Selon Lela Becker, présidente et fondatrice de Mother, le stock de jeans s’est envolé en trois jours et la liste d’attente compte 400 personnes. Et chez Everlane, même chose: plus de 20.000 personnes sont sur liste d’attente pour le sac. Quand on a demandé à Michael Preysman, fondateur et CEO d’Everlane, de citer une célébrité avec la même aura, il a répondu “Angelina Jolie seulement”.

Et cela ne s’arrête pas là. Le manteau blanc que la jeune femme portait pour l’annonce de ses fiançailles, créé par la compagnie canadienne Line the Lable, a fait un carton en un temps record au point que le site web s’est crashé sous le poids d’un trafic sans précédent. Encore un exemple? Les visites sur le site de Birks, le bijoutier canadien fournisseur de ses boucles d’oreilles en or et opale, ont augmenté de 500%.

"Elle n’est pas la première célébrité à porter nos créations", témoigne Eva Hartling, vice-présidente de Birks. "Mais personne n’a provoqué la même magnitude de réactions. Au Canada, nous sommes connus depuis des années, mais aujourd’hui, nos bijoux sont dans Vogue Japon et sont recherchés en Russie et dans bien d’autres pays."

Quand Meghan a porté un sac Strathberry lors de sa première apparition officielle après ses fiançailles, le stock s’est envolé en 11 minutes et le trafic sur la boutique en ligne a augmenté de 5.000%! En janvier, l’ex-actrice a porté un jeans noir de Hiut Denim, une petite marque galloise et, deux mois plus tard, la société a dû déménager dans une usine plus grande pour répondre à la demande.

L'actrice américaine dans la série 'Suits'.
L'actrice américaine dans la série 'Suits'.
©BelgaImage

Happy ending

La royauté et les happy endings continuent à jouir d’une fascination toujours plus croissante. Toutefois quelques nuages ont porté leur ombre sur ces fiançailles royales: Meghan Markle n’est pas seulement citoyenne américaine; elle est également divorcée. Être fille d’un père d’origine hollandaise et irlandaise et d’une mère afro-américaine, qui vit aux États-Unis en tant que travailleur social, n’a pas aidé.

Aussi, elle ne portera pas le titre de princesse: il est “plus que probable” que son titre sera Son Altesse Royale The Duchess of Sussex - et non Princess Meghan. D’autant plus que le Prince Harry est sixième dans l’ordre de succession au trône, suite à la naissance le 23 avril dernier de cet autre influenceur potentiel, le prince Louis Arthur Charles, troisième enfant de son frère William.

Ce statut explique pourquoi, au départ, Brand Finance, une entreprise britannique spécialisée en évaluation des marques (et en particulier leurs actifs incorporels), avait estimé que ce mariage princier rapporterait 570 millions d’euros en termes de tourisme et de retombées indirectes, ce qui en fait un évènement significatif sans être exceptionnel. "Les gens sont devenus fous après la publication du rapport", explique le CEO David Haigh.

"Je pense que je n’ai jamais vu une telle couverture de presse suite à la diffusion d’un communiqué." Depuis, Haigh a revu ses estimations à la hausse, "plus proches du milliard de livres sterling et, franchement, j’estime que cela pourrait être beaucoup plus."

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©Getty Images

À elle seule, Meghan Markle pourrait rapporter 170 millions d’euros chaque année à la mode britannique sous forme de retombées indirectes. Toujours selon Haigh, elle devrait rapidement égaler, voire dépasser, la duchesse de Cambridge vu son incroyable influence sur l’industrie de la mode. Et cela ne concerne pas que le Royaume-Uni. Au Canada, où elle a vécu la majeure partie des sept années qu’a duré le tournage de la série ‘Suits’, l’industrie de la mode peut remercier cette ‘bankable influencer’.

"Les gens ont littéralement adhéré à son style, partout dans le monde", commente Vicky Milner, présidente des Canadian Arts and Fashion Awards. Son style est minutieusement détaillé avant d’être copié. Deux blogs -Meghan’s Mirror et Mad About Meghan- sont d’ailleurs dédiés à ses choix vestimentaires.

Le styliste franco-américain Joseph Altuzarra souligne que sa capacité à changer la perception d’une marque est moins quantifiable, mais apparemment plus marquée que son impact sur les ventes.

Lors du premier évènement auquel elle participait en tant que représentante de la famille royale, le Commonwealth Youth Forum, les visites du site ont augmenté de 400% dans les heures qui ont suivi et les clics sur Instagram de 300%. "Nous ne sommes pas un label de mode urbain pour millenials", a indiqué Altuzarra. "Nous sommes un label de niche, mais elle a changé la façon dont les gens nous perçoivent."

First Ladies

Il n’y a pas si longtemps, les choix vestimentaires d’une autre personnalité étaient suivis de manière quasi aussi obsessionnelle: ceux de Michelle Obama. Mais voilà, depuis que le président et sa famille ont quitté la Maison Blanche, il n’y avait plus de personnalités publiques pour utiliser la mode de manière aussi créative pour défendre certains idéaux et idées particulières.

Melania Trump s’est montrée réticente à s’engager de manière régulière dans la mode vue comme stratégie et Brigitte Macron est loyale aux maisons de luxe françaises, en particulier Louis Vuitton.

"Nous savons que Meghan Markle est très réfléchie dans ses choix vestimentaires et qu’elle en est consciente quand il s’agit de se connecter à une communauté, de mettre en lumière les entreprises locales, ou de défier les conventions", explique Caroline Rush, CEO du British Fashion Council.

Parmi les marques que l’Américaine a portées, on retrouve quelques grands noms de la mode britannique -Burberry, Alexander McQueen, Stella McCartney-, mais, en général, leur prix, leur profil et leur lieu d’origine varient, et la majorité des pièces viennent de petites marques contemporaines issues de tout le Commonwealth (et de ses anciennes colonies).

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Power couple

"Ses choix reflètent à la fois son histoire personnelle et la mission d’ambassadeur international qui attend le couple", estime Haigh. C’est ce qui explique pourquoi le magazine Time a repris Meghan et le Prince Harry sur sa liste des 100 personnes les plus influentes en 2018, après le président Donald Trump.

Sur Youtube, le membre de la famille royale le plus regardé n’est autre que Meghan Markle, avec pas moins de 94 millions de vues en 2018. Kate Middleton n’en a que 36 millions et le prince Charles, un petit 7 millions.

Comme Altuzarra tient à le souligner, elle "symbolise également l’exclusivité". Si Kate Middleton est la première “roturière” à avoir épousé un membre de la famille royale en 450 ans, sous de nombreux aspects, Meghan représente le XXIème siècle et ses spécificités y compris en termes de nationalité.

"En dehors du conte de fées, elle semble être, d’un point de vue sociologique, une jeune femme très moderne avec une vision accessible du luxe, ce qui permet aux autres de s’identifier à elle comme étant quelqu’un qui pose ses propres choix", détaille Jean-Christophe Bédos, CEO de Birks Group. "Elle est moins conventionnelle que les autres femmes qui font partie de la famille royale", ajoute-t-il.

Cela lui a d’ailleurs valu d’être critiquée -certains se sont offusqués devant son jeans déchiré, sa robe transparente, son chignon mal fait, son penchant pour les bagues de pouce. Il faut le voir ainsi: lors de ses apparitions publiques, Kate Middleton porte les bas transparents exigés par l’étiquette. Ce n’est pas le cas de Meghan Markle et ça, c’est un détail qui en dit long.

"Tout en elle semble authentique", estime Alturazza. Car si nous sommes tellement habitués aux images stéréotypées à la Instagram (après tout, les influencers sont payés pour ça), tout ce qui semble/est indépendant a beaucoup plus d’impact. La mode en soi ne mène pas très loin: c’est le contenu et le caractère de la personne que représentent les vêtements qui sont le véritable moteur.

En plein battage médiatique, l’espoir et les potins continuent à prendre de l’ampleur, et quand tout le monde retient son souffle en attendant de découvrir la robe de la mariée, c’est une leçon qui vaut la peine d’être retenue.
Meghan Markle, actrice dans la série ‘Suits’ (Netflix).

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