Au printemps dernier, Naomi Campbell a déclaré qu’il était temps qu’un Vogue Afrique voie le jour. À peine avait-elle achevé sa phrase que paraissait Nataal, le premier magazine dédié à la mode,l’art et la musique du continent africain. Baloji, multi-talent Belgo-Congolais, y a contribué.
Petit avertissement tout de même: ce n’est pas parce que Nataal parle de l’Afrique qu’il est réservé aux africanistes. En effet, ce magazine sur papier glacé est distribué dans les concept stores et chez les libraires les plus pointus d’Europe, des États-Unis et, bien sûr, d’Afrique.
Tout aussi révélateur: Nataal est présent dans presque toutes les librairies d’Angleterre et d’Italie. "Nous voulons surtout attirer un public international curieux", explique Helen Jennings, la Britannique qui a fondé Nataal avec un Sénégalais, Sy Alassane, et une Suédoise, Sara Hemmings. Avec succès, car le magazine vient d’être élu meilleur ‘magazine de non-fiction’ du monde’ par le distributeur de magazines indépendants Stack Magazines.
"Nataal est né grâce à la conjonction soudaine et simultanée du bon moment, du bon endroit, des bonnes personnes et de la bonne énergie", témoigne Jennings, directrice de la rédaction. Et, curieusement, Bono (oui, le chanteur de U2) y a contribué, indirectement.
L’équipe de Nataal s’est rencontrée pour la première fois en 2012, lors du tournage d’une campagne pour Edun, une marque africaine de vêtements de luxe appartenant à Bono et, son épouse, Ali Hewson travaillait alors avec Diesel sur une campagne tournée au Sénégal. En vedette: uniquement des Africains créatifs.
Dans la distribution, non seulement le chanteur/artiste belgo-congolais Baloji (nous en reparlerons plus loin), mais aussi Sy Alassane, un acteur, réalisateur, modèle et mine de projets sénégalais. Ce dernier engage la conversation avec Jennings, une journaliste de mode britannique, et Hemmings, une directrice artistique suédoise; toutes deux qui sont sur place pour assurer leur rôle de consultantes pour les tournages. Et il leur parle de son idée de créer un festival du film en Afrique.
Très vite, il est clair qu’il y a là du potentiel. Alassane est un expert en cinéma et culture. Jennings a un CV impressionnant (du quotidien The Guardian au magazine Dazed) doublé d’une passion pour la mode africaine et l’écriture de quelques livres. Quant à Hemmings, elle a signé l’identité visuelle de l’ultra trendy AnOther Magazine, de Prada, Dior et Stella McCartney. Trop de potentiel pour ne rien en faire! Nataal était né, et avec les bonnes fées penchées sur son berceau.
Dialecte fulani
Nous travaillons sur un deuxième numéro. Espérons qu’il soit encore plus épais, et plus provocateur!
L’idée initiale de créer un festival du film ne s’est pas concrétisée. Le festival a fait place à une plateforme médiatique, mais le principe reste le même, évalue Jennings. "Braquer les projecteurs sur la créativité en Afrique et, ensemble, faire quelque chose de beau et de significatif. Ici, sur le continent et bien au-delà, il y a énormément de jeunes talents dont le travail sera encouragé et mis en valeur par une plateforme mondiale." On a gardé le nom imaginé par Alassane: ‘nataal’ signifie ‘image, réflexion et abondance’, en fulani, un dialecte d’Afrique de l’Ouest. "Ce qui s’inscrit dans le fil de notre vision", précise Jennings.
En 2015, le trio se lance avec un magazine lifestyle en ligne, suivi, en mai dernier, par la première version papier de Nataal. Jennings supervise le contenu rédactionnel depuis Londres; Hemmings en est la directrice artistique et Allasane, rédacteur en chef. Il est difficile à joindre. "Sy ne pourra pas vous parler maintenant, il est en voyage pour son premier long métrage", s’excuse Jennings.
Premier numéro
Les Africains et la diaspora du continent noir jouent les vedettes sur 366 pages de mode, d’art et de musique: voilà ce que propose le premier numéro de Nataal, sur le thème de ‘Future Gaze’, un regard sur l’avenir. En parfait accord avec la philosophie de la photographe sud-africaine Kristin-Lee Moolman qui, via des reportages photographiques clairs et interpellants, a l’ambition de communiquer ‘un nouveau mythe africain’.
Cette année-là, Dior lui demande de faire les images de sa collection croisière. Autre commande, de Nataal cette fois: photographier à Londres des kids anarchistes, dont ‘Jay Jay’, ado à la coupe de cheveux géométrique et au trait d’eyeliner affirmé. Pour l’interview de l’artiste Baloji, ses clichés sont encore plus nombreux: ils ont déjà souvent travaillé ensemble et sont allés au Congo au printemps dernier pour l’artwork du nouvel album du Belgo-Congolais, ’137 Avenue Kaniama’.
Baloji, qui est aussi un grand esthète, y a ajouté une prise de vues de mode, si bien que des vêtements de labels belges tels que Jan-Jan Van Essche, Café Costume et Dries Van Noten se sont également retrouvés dans ce premier numéro.
Au sommaire: des reportages sur des hommes au style seventies à Londres et des femmes intrépides à Dakar, dont la top model sénégalaise Mame Thiane Camara dans le rôle principal.
On y trouve Something for You, un groupe de musique basé à Londres aux influences R&B nineties, ainsi que de jeunes musiciens au Nigeria qui doivent leur succès grandissant à Internet. Il y a de nouveaux artistes et les fières majorettes de Delft - pas la ville hollandaise somnolente, mais le township de la banlieue du Cap, en Afrique du Sud. Et aussi une petite visite chez Laurence Leenaert, qui a troqué Gand contre Marrakech voici plusieurs années pour y créer des objets d’intérieur et de la mode.
On l’aura compris, le réseau de Nataal est no limit, comme son radar. Dans ce premier opus, aucun cliché n’a été épargné. "Nous travaillons sur un deuxième numéro à paraître au printemps prochain", conclut Jennings. "Espérons qu’il sera plus épais, et plus provocateur!"