Giorgio Re, de la prestigieuse joaillerie italienne Recarlo, nous parle d’amour, de ses adresses préférées à Anvers et de la rareté du "réel".
Comment allez-vous?
"Très bien. Professionnellement, c’est intense, mais c’est plus de la passion que du stress. Vous savez, je m’énerve rarement, que ce soit pour mon travail ou ma vie personnelle: j’aime la tranquillité. Je vis avec ma famille à Valenza, un petit village niché dans la campagne du Piémont. C’est aussi là que se trouve le siège de Recarlo. Je ne pourrais jamais vivre à Milan."
Qu’est-ce qui fait votre fierté?
"Continuer à développer, avec mon frère Paolo, l’entreprise fondée par notre père, Carlo Re. Il considère Recarlo comme un troisième enfant. J’ai grandi dans l’entreprise, au sens propre: nous vivions dans l’appartement au-dessus de l’atelier. Chaque jour, je voyais mon père travailler, revenir de l’étranger avec de magnifiques pierres et se dévouer corps et âme pour faire de Recarlo un succès: c’est ainsi qu’il a fait d’un petit atelier une marque prospère. Aujourd’hui, mon père est toujours actif et j’adore travailler en famille."
Qu’est-ce qui vous tient particulièrement à cœur?
"La qualité. Tous nos bijoux sont fabriqués de A à Z dans notre atelier de Valenza: c’est le seul moyen de contrôler la production. Ce n’est pas pour rien si mon bureau se trouve en plein milieu de l’atelier."
"Notre processus de production est traditionnel, il demande beaucoup de travail manuel, ce qui donne aux bijoux une belle sensualité. Nous combinons cette tradition avec des technologies innovantes, comme l’impression 3D. Pour moi, la qualité va au-delà d’un bijou bien fait: c’est aussi une affaire d’esthétique. Par exemple, lors de la sélection des pierres, notre critère n’est pas seulement le respect du fameux 4C (cut, clarity, colour et carat): nous trouvons que l’esthétique est tout aussi importante."
"La pierre doit être harmonieuse dans son ensemble et pouvoir l’apprécier, c’est quelque chose que l’on apprend avec les années. Notre équipe compte 65 personnes, dont 30 travaillent au sein de l’atelier. Nous avons aussi mis en place une académie qui permet aux apprentis orfèvres d’apprendre le métier. Et ainsi, repérer les meilleurs pour les inviter à faire partie de l’équipe de l’atelier."
Que défendez-vous envers et contre tous?
"L’amour. Je me vois comme un ambassadeur de l’amour, car beaucoup de gens achètent nos bijoux pour les offrir à l’être aimé, pour une demande en mariage par exemple. Pour nos clients, une bague -ou un collier- est un moyen d’exprimer leur amour. C’est assez particulier de savoir que nos bijoux sont associés à des moments exceptionnels, comme des fiançailles, un mariage, une naissance."
"Des moments où le cœur est à l’honneur, et nos diamants taillés en forme de cœur sont d’ailleurs notre marque de fabrique. Le confort d’un design épuré fait également partie de nos exigences, car nos bijoux sont destinés à être portés tous les jours."
Diamonds are a girl’s best friend
Lors de la visite de l’atelier en compagnie de Giorgio Re (53 ans), nous remarquons qu’il ne porte pas de bijoux Recarlo, malgré le fait que certains soient portés par des hommes. "Le premier bijou que mon père a conçu pour Recarlo était une bague pour homme, très à la mode dans les années 1960 et 1970. Aujourd’hui, quelques bracelets et colliers de la collection plaisent aussi aux hommes, mais notre clientèle est composée essentiellement de femmes. Nous n’avons pas l’intention de lancer une collection homme distincte. En réalité, me concernant, les montres me plaisent plus que les bijoux. Ma montre préférée est une montre sport en céramique noire, l’Omega Speedmaster, édition spéciale 'Dark Side of The Moon'. J’ai toujours été attiré par la lune: je trouve que c’est un astre romantique."
Qu’est-ce qu’une bonne journée?
"Quand je tombe sur une belle pierre. Bien sûr, j’aime les bijoux, mais les pierres sont ma véritable passion. À 20 ans, je suis venu suivre une formation de gemmologie au Conseil Supérieur du Diamant (HRD) à Anvers. Pendant ces trois ans, j’allais au cours le matin et je travaillais l’après-midi chez un négociant en diamants, ce qui parfois me semblait être une perte de temps – j’étais très impatient de faire partie de l’entreprise paternelle alors que c’est grâce à ces connaissances et cette expérience que mon regard sur les pierres s’est aiguisé: je vois au premier coup d’œil si une pierre est bonne ou non."
"Grâce aux étudesque j’ai suivies à Anvers, je vois au premier coup d’œil si une pierre est bonne ou non."
"Cette période anversoise a été une parenthèse enchantée: j’habitais près de la cathédrale et je passais mes soirées au cinéma Cartoons, à danser au Carré ou à boire des bières entre amis. Je reviens régulièrement à Anvers pour raisons professionnelles et j’ai mes habitudes, comme descendre à l’hôtel P6."
Quel est votre prochain objectif?
"L’expansion de Recarlo à l’international. Depuis que mon père a fondé la marque, en 1967, à 21 ans, nous avons toujours réalisé nos ventes par les biais des bijoutiers. En Italie, Recarlo est une référence, mais ce n’est pas encore le cas à l’étranger. Cela ne fait que cinq ans que nos bijoux sont disponibles hors des frontières italiennes."
"Pour que cette croissance se confirme, la philosophie de notre marque doit être claire et bien communiquée. C’est pourquoi nous avons pris la décision d’ouvrir nos propres boutiques, qui incarneront l’univers de Recarlo. En 2025, nous en ouvrirons une première dans le quartier de Milan appelé le ‘quadrilatero della moda’ et une seconde dans la ville de Bari, la capitale des Pouilles."
Qu’est-ce qui vous fait lever un sourcil?
"Techniquement, on peut faire des diamants en laboratoire, mais, pour moi, rien ne vaut une pierre naturelle. L’élément de base est le même, le carbone, mais comme les diamants synthétiques ne sont pas rares, ils n’ont pas autant de valeur."
"Il y a quelques années, ces diamants de laboratoire ont été très demandés, ce qui a fait augmenter l’offre et chuter le prix: en tant qu’investissement, ils ne sont donc pas très intéressants. Je répète souvent que les vrais diamants sont rares, car ils sont tributaires de leur formation, ce qui nécessite des millions d’années et des conditions spécifiques comme la pression et la température."
"Voilà pourquoi chaque diamant est unique. C’est important de tracer les pierres naturelles pour exclure les diamants issus des filières des ‘diamants de sang’ issus des zones de guerre. C’est pour cette raison que nous ne collaborons qu’avec des pays membres du Processus de Kimberley, un système de certification qui en garantit l’origine."
Qu’est-ce qui vous motive?
"La préservation de l’environnement. En 2009, quand notre atelier est devenu trop petit, nous avons construit un nouvel espace en forme d’anneau d’une superficie de 4.800 mètres carrés dont le toit est équipé de 300 panneaux solaires. Il y a trois ans, nous avons élaboré une stratégie environnementale avec Eco-Age, un projet de Livia Firth. Nous avons fixé à 30% la proportion d’or recyclé dans nos pièces et nous sommes en train d’augmenter cette proportion."
Avez-vous atteint vos objectifs?
"Je ne crois pas. Même après avoir consacré trente ans de ma vie à Recarlo, je n’ai toujours pas atteint mon objectif, car l’entrepreneuriat est un processus qui n’a pas de fin et il faut toujours rester focalisé sur l’étape suivante."