Le ‘je-ne-sais-quoi’ de la Parisienne, ici incarné par Françoise Hardy, est une allure qui fait rêver.
Le ‘je-ne-sais-quoi’ de la Parisienne, ici incarné par Françoise Hardy, est une allure qui fait rêver.
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Tendances mode 2025: les secrets du look "effortless"

La mode révèle qui nous sommes ou ce que nous aspirons à être. Aujourd'hui, la tendance est au "style sans effort", un look qui demande plus de réflexion qu’il n’y paraît.

"We tell ourselves stories in order to live": cette assertion de l’écrivaine Joan Didion s’applique tout particulièrement aux vêtements, ces marqueurs de notre identité et de l’image que nous aspirons à projeter. La mode, industrie narrative par excellence, orchestre des récits pour stimuler la consommation.

La saison dernière, c’était ‘quiet luxury’, ou ‘stealth wealth’ ou, plus prosaïquement, ‘low key rich bitch’. Incarnée par Cate Blanchett dans le film ‘Tár’, cette créature porte des costumes sur mesure sous un manteau The Row et se coiffe d’une casquette de baseball. Une esthétique que l’on retrouve chez les protagonistes de la série ‘Succession’, drapés dans le luxe discret du cachemire Loro Piana, des costumes Brioni et des créations Tom Ford de Shiv portés avec une queue de cheval faite à la va-vite. Gwyneth Paltrow, jamais en retard d’une tendance, irradiait d’aisance lors de son procès pour accident de ski, vêtue de pièces apparemment simples, mais top chics – pull Prada et bottines de montagne Celine.

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Cette saison, la tendance se détourne du prix pour se focaliser sur l’absence ostentatoire d’effort. L’objectif étant de donner l’illusion d’une tenue impeccable, à la fois sophistiquée et décontractée sur l’air de "I just woke up like this". Bref: 2025 sonne l’avènement du style sans effort.

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Manifeste de la simplicité

Ce ‘je-ne-sais-quoi’ propre aux Françaises comme Françoise Hardy et Emmanuelle Alt, ancienne rédactrice en chef de Vogue France, ou apparentées, comme Jane Birkin, combinant une chevelure faussement négligée et un maquillage imperceptible, semble être un don particulier.

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Cette élégance désinvolte se manifeste également chez Jenna Lyons, qui ose porter une jupe rose haute couture Valentino avec un sweat-shirt gris. Ou chez Jennifer Lawrence, devenue une icône du street style grâce à ses basiques oversize. Zendaya, aperçue dans les gradins de Wimbledon, prolonge avec naturel son look dans le film de tennis "Challengers". 

"S’intéresser à la mode est encore perçu comme un trait superficiel. Il faut être superbe sans dévoiler les efforts que cela demande."
Allison Bornstein
Styliste et wardrobe consultant

L’exemple ultime de cette mode sans effort – en apparence du moins – reste, aujourd’hui encore et incontestablement, Carolyn Bessette Kennedy. Icône de style des années 90, elle incarne le chic décontracté et minimaliste aujourd’hui tant prisé. Ses cheveux blonds, coiffés en simple queue de cheval ou retenus par un bandeau, son rouge à lèvres rouge appliqué du bout des doigts, sa palette de couleurs restreinte (noir, blanc, beige) ont marqué son époque. Elle sublimait la simplicité, qu’il s’agisse de sa robe de mariée en satin blanc coupée en biais signée Narciso Rodriguez, d’une tenue du créateur Yohji Yamamoto ou de ses T-shirts Petit Bateau. Sumita Kumar Nair résume son style en trois mots: "Le Manteau, La Robe, La Chemise".

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 Carolyn Bessette-Kennedy a été une icône du style minimaliste des années 1990, incarné par les collections Calvin Klein.
Carolyn Bessette-Kennedy a été une icône du style minimaliste des années 1990, incarné par les collections Calvin Klein.
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Neuf pièces universelles

Ces mêmes pièces constituent la base de la garde-robe idéale selon la styliste et wardrobe consultant Allison Bornstein, qui, dans son ouvrage ‘Wear It Well: Reclaim Your Closet & Rediscover The Joy Of Getting Dressed’, prône une approche minimaliste et réfléchie. Ses neuf indispensables sont: un T-shirt blanc, une chemise, un col roulé noir, un pull confortable, un blazer, un trench-coat, un jean, un pantalon et une ceinture. Avec Katie Holmes et Gigi Hadid parmi ses clientes, Bornstein entend aider chacune à définir son style personnel.

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"Le désir de paraître naturellement élégante révèle souvent une certaine gêne, voire une forme de honte, liée à la crainte de paraître affecté ou trop préoccupé par son apparence", explique l’Américaine. "Notre culture, qui érige la beauté et le style en valeurs cardinales, exige aussi qu’ils soient perçus comme des qualités innées. Afficher un soin trop manifeste dans sa présentation et son habillement est jugé inconvenant. D’où cette quête du 'sans effort', qui accrédite l’idée que la mode devrait être une évidence – et que toute difficulté rencontrée dans ce domaine est perçue comme un aveu d’incompétence."

Selon la styliste Allison Bornstein, le style sans effort est tout sauf facile. Dans son guide "Wear It Well", elle en donne les clés.
Selon la styliste Allison Bornstein, le style sans effort est tout sauf facile. Dans son guide "Wear It Well", elle en donne les clés.
© Getty Images
"Dans le chic sans effort, tout est une question d’attitude."
Allison Bornstein
Styliste et wardrobe consultant

Que l’on parle de "s’habiller comme une Parisienne" ou de "quiet luxury" ou de "style sans effort", c’est une seule et même stratégie marketing: "Il s’agit de reconditionner les envies pour inciter à consommer davantage. Ce ‘quiet luxury’ n’est qu’une resucée du minimalisme: en apparence, il prône le ‘moins’, mais il incite à l’acquisition de nouvelles choses."

Un jeu de société amusant

Paradoxe: le ‘sans effort’ exige beaucoup d’efforts. Manches savamment retroussées, jean et T-shirt faussement négligés: tout est affaire de savoir-faire. Bornstein souligne: "Beaucoup de femmes redoutent d’avoir l’air trop apprêtées. S’intéresser à la mode est encore perçu comme superficiel. La pression est juste dingue: il faut être superbe sans dévoiler les efforts que cela demande. J’ai réalisé de nombreuses vidéos sur la façon dont un style dit ‘facile’ demande un gros travail, comme c’est le cas du maquillage ‘no make up look’. Cela ne signifie pas qu’il soit difficile de se vêtir, mais plutôt qu’arriver à cette allure décontractée et naturelle requiert une certaine introspection afin de cerner son propre style. Nombreux sont ceux qui, partant du principe que la mode ne leur est pas intuitive, en concluent qu’elle n’est pas faite pour eux et qu’ils devraient s’en abstenir. Or, en ce domaine, l’aisance n’est innée pour personne; il s’agit avant tout de se connaître et d’affiner progressivement ses goûts personnels."

L’experte accompagne ses clients dans cette démarche, les aidant à organiser leur garde-robe et à révéler leur style personnel. Cela peut sembler évident pour certains et complètement farfelu pour d’autres. Pourtant, son livre peut avoir l’effet d’une révélation et son concept de "définir son style en trois mots" s’avère aussi pertinent que ludique.

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L’essentiel? Ne pas viser la perfection. Allison Bornstein va jusqu’à préconiser ‘la mauvaise chaussure’, soit un accessoire qui ne correspond pas au reste de la tenue et que l’on porte exprès pour casser un look trop parfait.

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  Emmanuelle Alt, Ancienne rédactrice du Vogue France joue la carte du chic décontracté en toute simplicité.
Emmanuelle Alt, Ancienne rédactrice du Vogue France joue la carte du chic décontracté en toute simplicité.
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Entre métro et bistro

La perfection, source d’ennui, n’épargne pas le monde du spectacle. Les cérémonies de remise des Oscar en témoignent: depuis qu’on recourt aux services d’un styliste et d’un make up artist, le naturel a déserté les tapis rouges. Heureusement, certaines actrices s’insurgent contre cette uniformisation, revendiquant leur statut de femme et non de poupée à habiller.

L’année dernière, au Soho House d’Amsterdam, Lidewij Edelkoort, célèbre analyste de tendances, a donné une conférence sur l’art de considérer sa garde-robe comme une collection d’art. Son idéal personnel? L’élégance à la Parisienne, marquée par une coiffure non coiffée et un rouge à lèvres vermillon. Elle prône un style entre métro et bistrot, qui mélange allègrement la robe du soir à la veste en jean, les coupes ajustées aux baskets imposantes ou, si on n’a rien à se mettre, le smoking porté à même la peau. "Le concept est le suivant: tout est parfait, mais un élément doit être décalé", résumait-elle, allant jusqu’à qualifier la perfection de faute de goût.

La perfection est ennuyeuse: il faut une petite faute de goût.

Kathleen Willing, qui a été la responsable des couleurs et des concepts pour Tommy Hilfiger pendant plus de vingt ans, voit également dans l’imperfection le secret du style sans effort. Pour sa boutique en ligne Kath-a-Porter, elle crée des collections de vêtements de créateurs à partir de stocks dormants et recycle des pièces de seconde main: un trench-coat usé est ainsi transformé en veste ou un costume d’homme vintage YSL est raccourci pour l’actualiser. Elle n’hésite pas à se mettre en scène comme mannequin, créant de mini-fictions autour de ses créations.

"Une journée de shooting commence avec une coiffure impeccable et un maquillage parfait, mais s’il s’altère légèrement au fil des heures, c’est tout aussi esthétique. Je n’aime pas ce qui est trop apprêté: je préfère l’authenticité du vécu, les imperfections. Je m’insurge contre la perfection si factice des Kardashian, par exemple. C’est too much, trop vulgaire. Oui, pour moi, cela relève du mauvais goût."

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Forme et fonction

La fonctionnalité prime également. "Il faut porter des chaussures de bateau parce qu’on est sur un bateau et non pour adopter une tendance. Il en va de même pour les lunettes de soleil, à proscrire par temps couvert. C’est un bon statement: la forme doit découler de la fonction. C’est pourquoi j’aime les marques patrimoniales: chaque détail a une origine justifiée, rien n’est arbitraire. Sans quoi, l’ensemble paraît vite factice et perd toute notion de naturel, pouvant même confiner à la vanité."

Pour la Néerlandaise, il y a des astuces pour avoir une allure décontractée. "J’aime associer des éléments masculins et féminins. J’achète souvent des vêtements pour homme pour mes clientes; une veste oversized a une élégance plus naturelle, car elle a des manches trop longues que l’on doit retrousser." Au final, l’attitude prévaut sur les vêtements. "Il faut embrasser cette authenticité, cette rugosité, cette nonchalance et cette rébellion. Il faut savoir doser ses efforts pour ne pas avoir l’air d’en faire."

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