Vieillir avec classe: les conseils de la Parisienne Caroline de Maigret

Quand vous commencez à avoir des collègues qui sont nés l'année où vous avez décroché votre diplôme ou à entendre que vous êtes très bien pour votre âge, c’est officiel: vous vieillissez. Les Parisiennes Caroline de Maigret et Sophie Mas ont écrit un livre sur cette prise de conscience.

Connaissez-vous l’âge d’Emmanuel Macron? Il a eu 42 ans en décembre dernier. Un gamin. C’est en tout cas ce que pensent les deux Parisiennes qui ont signé ‘Older, but better, but older’. Caroline de Maigret affiche 45 printemps et Sophie Mas passera le cap de la quarantaine cette année. “Loin de nous l’idée d’affirmer que nous sommes vieilles”, déclare De Maigret. “Nous ne sommes plus toutes jeunes non plus: nous sommes dans une phase de transition, avec une foule d’incertitudes à la clé.” Elles sont, comme on disait avant, "des femmes entre deux âges".

"Quand mon compagnon, qui a 13 ans de moins que moi, m’a présentée à ses copains, j’ai vu qu’ils se disaient: ‘Mais elle a quel âge?’"
Sophie Mas
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La première chose qui me frappe lors de notre rencontre à Paris, c’est qu’elles sont magnifiques. Et c’est vrai qu’à 39 ans, on commence à en douter. Elles ne sont pas particulièrement apprêtées, leur style est très casual, un décontracté très étudié typiquement parisien (un jeans, un pull, un parfum et basta).

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Un style qui correspond au mode d’emploi officialisé par leur best-seller "How to be Parisian wherever you are", apologie du sens du style de la Parisienne, à l’opposé de celui de l’Américaine, qui veut paraître la plus jeune possible. La Parisienne, elle, veut être aussi belle que possible, quel que soit son âge.”

Sophie Mas est bien placée pour en parler. En tant que productrice de cinéma, elle navigue entre Paris et Los Angeles et a des films comme "Call me by your name" et "Ad Astra" (avec Brad Pitt, acteur quinquagénaire) à son actif. Caroline de Maigret est productrice de musique, mannequin et ambassadrice de la maison Chanel. Nous parlons et rions comme des amies de longue date à la Brasserie Barbès, près de la gare du Nord et à deux pas de chez elles.

“Ça commence quand on vous appelle ‘madame’. Là, vous savez que vous n’avez plus l’air d’une jeune fille!”, s’exclame de Maigret en riant. Et, en tant que "madame", il y a certaines choses qu’il vaut mieux ne plus faire, ou ne plus porter. C’est ce qu’elles décrivent de manière détaillée dans leur dernier livre, "Older, but Better, but Older". Par exemple, le cappuccino après le lunch est une des choses auxquelles il vaut mieux renoncer. Mon onctueuse boisson sucrée en main, voilà une première leçon offerte par deux femmes en pleine forme qui, elles, ont choisi un thé vert, sans sucre évidemment.

Quel a été le moment M où vous avez compris que quelque chose de fondamental avait changé?

Sophie Mas: Mon compagnon a 13 ans de moins que moi. Si vous calculez bien, il a 26 ans. Nous n’avons jamais réellement pensé à cette différence d’âge, ça ne nous a jamais vraiment préoccupés. Par contre, quand il m’a présentée à ses copains, j’ai vu qu’ils se disaient ‘Mais elle a quel âge?’ Sinon, c’est une foule de petites choses. Comme quand j’arrive quelque part parfaitement reposée et qu’on me dit que j’ai l’air fatiguée. Ça m’arrive régulièrement.

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Caroline de Maigret x Sophie Mas
Caroline de Maigret x Sophie Mas
©Bertrand Le Pluard

Caroline de Maigret: Pour moi, c’était surtout la combinaison de plusieurs événements. On commence à m’appeler de plus en plus souvent ‘madame’. Dans les conversations, les gens se sont mis à vérifier si j’étais ‘dans le coup’, style ‘Vous aussi, vous connaissez ce groupe?’ J’ai remarqué que beaucoup de collègues me classaient dans la génération plus âgée, alors que, moi, je me comptais encore parmi les vingtenaires. Quand mon fils de 14 ans rentre à la maison, il lui arrive parfois de se plaindre des ‘vieux profs’ -qui s’avèrent avoir dix ans de moins que moi! Et j’ai aussi remarqué que certains hommes m’accordent moins d’attention. Le genre d’hommes que j’attirais assez facilement autrefois ne me voit plus. Pour être honnête, ça fait mal.

Vous travaillez respectivement dans le monde du cinéma et de la mode. Ce temps qui passe est-il d’autant plus douloureux?

Mas: Non, je pense que tout le monde et tous les milieux y sont confrontés. Il y a un moment, un article intitulé ‘We won’t age together’ a circulé dans le monde du cinéma. Dans ce métier, c’est parfaitement normal qu’à un certain âge, les actrices disparaissent de l’écran ou alors, elles ont recours à la chirurgie esthétique. Et c’est un problème, car les femmes qui regardent ces films ne se reconnaissent plus dans leurs personnages.

"Mon corps aussi a changé. Il ne s’accommode plus de certains styles comme il y a vingt ans."
Caroline de Maigret

de Maigret: Heureusement, l’univers de la mode a pris une longueur d’avance. Cette industrie devient de plus en plus inclusive. J’ai la chance de vieillir au bon moment! Le fait que je sois le visage de la nouvelle collection Chanel est éloquent. La maison tient à inspirer les femmes de mon âge.

Dans votre livre, vous donnez des arguments pour et contre la chirurgie esthétique, sans porter de jugement définitif. Êtes-vous pour ou contre finalement?

Mas: Pour l’instant, je suis encore contre, mais ça ne veut pas dire que ce sera toujours le cas. Je pourrais certainement l’envisager. Si jamais je l’estime nécessaire et que je trouve un bon traitement, pourquoi pas? Pour l’instant, ce n’est pas pour moi. Je ne veux pas ressembler à une fille de 20 ans. Par contre, si j’arrivais à perdre dix ans, je serais très satisfaite.

Caroline, vous écrivez que votre secret est une sorte de gymnastique du visage?

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Caroline de Maigret
Caroline de Maigret
©Leila_Smara

de Maigret: Oui, le Kobido! C’est une technique de massage japonaise qui offre un effet lifting naturel. Je vais dans un salon spécialisé une fois par mois, et je fais mes petits exercices matin et soir pour préserver au maximum l’élasticité de ma peau. Dans une vidéo sur YouTube, Alexa Chung fait un tuto de certains de ces exercices qui tonifient les muscles du visage. En ce qui me concerne, je trouve ça très efficace. Donc, tant que ça me suffit, je n’ai pas besoin de chirurgie. Mais il ne faut jamais dire jamais. Je ne suis pas contre, mais quand je vois le résultat sur l’un(e) ou l’autre dans mon entourage, je trouve que le résultat n’est pas toujours convaincant ou naturel. Donc, pour l’instant, c’est non merci.

Vous donnez beaucoup de conseils de style aux femmes ‘âgées’. Qu’est-ce qui a tellement changé par rapport à il y a vingt ans?

Mas: J’ai eu un bébé l’année dernière et, depuis, j’ai quelques kilos en trop. De toute façon, je m’habille différemment aujourd’hui, je prends plus de risques, pour détourner l’attention de mon visage! (rires) Choisir une tenue demande un peu plus d’efforts qu’il y a une vingtaine d’années. À l’époque, je pouvais arriver à une soirée en jeans et T-shirt blanc; je n’oserais plus faire ça aujourd’hui.

"J’ai remarqué que certains hommes m’accordent moins d’attention. Le genre d’hommes que j’attirais assez facilement autrefois ne me voit plus."
Caroline de Maigret

de Maigret: Mon corps aussi a changé. Il ne s’accommode plus de certains styles comme il y a vingt ans. Le style preppy, par exemple, ça ne fonctionne plus: il fait de moi une ‘madame’. La difficulté, c’est de trouver le bon équilibre entre décontraction et chic. À mon âge, basculer vers l’un de ces deux extrêmes peut vite être un faux pas.

S’il existait une pilule qui vous ramenait à vos vingt ans, la prendriez-vous?

Mas: Certainement pas! La vingtaine et la petite trentaine n’ont pas été mes meilleures années. C’était une époque où j’ai dû prendre beaucoup de décisions, qui n’ont peut-être pas toujours été les bonnes. Mais Caroline est certainement d’un autre avis: elle s’est beaucoup plus amusée à vingt ans que moi!

de Maigret: Ah oui, je me suis vraiment bien amusée à vingt ans! Et aussi dans la trentaine, et encore maintenant. Alors, oui, je pense que je la prendrais, cette pilule. À une condition: pouvoir emporter le savoir que j’ai aujourd’hui, histoire de pouvoir prendre des décisions avec un peu plus d’informations contextuelles!

Caroline, vous avez traversé une crise de la quarantaine il y a un peu plus d’un an. L’écriture de ce livre a-t-elle également eu une valeur thérapeutique?

de Maigret: Oui, en rire a certainement aidé. Et en parler avec Sophie. Pendant l’écriture du livre, je me posais constamment des questions ‘Qu’est-ce que je veux encore faire?’, ‘Qu’est-ce que je peux encore faire?’, ce genre de choses. C’était plutôt étouffant. J’avais l’impression que c’était la dernière période de ma vie où je pouvais encore changer de cap. Ensuite, je ne pourrais plus que me reposer sur mes décisions. D’une certaine manière, je savais que c’était absurde, mais je ne réussissais pas à me débarrasser de ces pensées. En fin de compte, j’ai dû apprendre à vivre dans le moment présent et à ne pas me projeter constamment dans le futur. C’est un énorme cliché, mais ‘vivre dans le moment présent’ et ‘profiter d’ici et maintenant’ sont, à mon avis, les clés pour prendre de l’âge avec le sourire. Je n’ai pas peur de ce qui va arriver. Chaque âge a son charme, je m’en rends bien compte maintenant.

Mas: Savez-vous ce que nous faisons quand nous nous retrouvons? Nous jouons aux cartes! Vraiment, nous adorons ça. Nous sommes donc très bien préparées à affronter  les prochaines années!

‘Older, but better, but older’, en anglais, Ebury Press, 25 euros.