Dans la région de Rimini, on trouve des hôtels où le temps semble s'être arrêté. Le photographe italien Stefan Giftthaler vous invite dans cet univers de papiers peints à fleurs, de glaciers éclairés au néon et d’italo disco années 80.
Ces images semblent venues d’une époque depuis longtemps révolue. Comme si Stefan Giftthaler était monté dans une machine à remonter le temps pour être catapulté à une époque où sépia, marron et orange donnaient le ton et où les clients des hôtels ne se plaignaient pas quand le wifi est en rade.
L’aventure a commencé par hasard. "Alors que je me trouvais sur la côte, près de Rimini, je suis passé devant un hôtel où le temps semblait s’être arrêté", raconte-t-il lors de notre Zoom call depuis sa ville natale de Milan. "J’y ai photographié une chambre fantastique. Tout était parfaitement conservé et ça m’avait fasciné. Je me suis alors mis à chercher sur internet d’autres hôtels similaires dans la région", se souvient-il.
"Sur la côte, le long d’une route, il y a toute une série de petites stations balnéaires qui ont fusionné. Le tourisme de masse s’y est développé après la Seconde Guerre mondiale, c’est pourquoi de nombreux hôtels datent des années 60 et 70. Pour certains, je les ai trouvés tout simplement en passant par là alors que, pour d’autres, il a fallu davantage de recherche. Beaucoup d’entre eux n’ont même pas de site web."
Éclairage aux néons
C’était il y a quatre ans. Depuis, il s’y rend chaque année. Tel un archéologue, il se met en route, armé de son appareil photo. "J’ai l’impression d’être de nouveau un enfant: j’y allais parfois en vacances avec mes parents. Ces stations balnéaires sont figées dans le temps. Les glaciers et les pizzerias sont encore éclairés au néon, comme dans les années 80. Même la musique est datée, car on passe de l’italo disco années 80."
Pour accentuer cette impression de monde révolu, il utilise des pellicules analogiques. "C’est un monde qui disparaît et c’est cette impression que je veux transmettre. Les personnes qui viennent ici en vacances le font depuis des décennies, qu’il s'agisse d'Italiens, d'Allemands ou d’Européens du nord. Ils vont chaque année dans le même hôtel, des lieux qui ne répondent absolument plus à nos attentes d’aujourd’hui. Il est logique que ces hôtels disparaissent. Ce sont souvent des affaires familiales et les enfants n’ont pas envie de les rénover. Un propriétaire d’hôtel m’a expliqué que les meubles avaient souvent été fabriqués sur mesure. Ce sont des pièces uniques."
Pourtant, son objectif n’est pas de préserver ces lieux pour la postérité. Il cite l’écrivaine américaine Susan Sontag, qui a écrit qu’au moment où le photographe déclenche son appareil, il crée un petit morceau de passé. "Dès que vous prenez une photo, quelque chose change. J’aime cette atmosphère, mais il faut garder à l’esprit que le monde change."
Comme Las Vegas
Curieusement, on ne voit jamais personne sur ses photos. Et il y a une bonne raison à cela: "Je voulais me focaliser sur les lieux, pas sur les gens, sinon, ça devient une sorte de documentaire à la Martin Parr (photographe anglais célèbre pour ses images anthropologiques NDLR). Je voulais que les lieux se révèlent tels qu’ils sont et non tels qu’ils sont vécus."
Giftthaler a plus d’un tour dans son sac. Outre sa série sur les hôtels, il a photographié des sculptures et des mosaïques. Il est aussi un portraitiste de talent, qui a immortalisé des célébrités telles que les architectes italiens Renzo Piano et David Chipperfield, ainsi que Romano Prodi, Président du Conseil de l'Union européenne de 2006 à 2008. "Quand je fais des portraits, je dépends des personnes que je photographie. C’est intéressant, mais si j’en fais trop souvent, il faut que je passe à autre chose. Je cherche alors un endroit calme et je photographie de l’architecture ou des intérieurs. De préférence des lieux vintage, qui ont une histoire."
Alors que nous prenons congé, il mentionne un livre de photos de l’architecte américain Robert Venturi qui célèbre l’architecture éclectique des casinos et des hôtels du Strip de Las Vegas. "Ça m’a beaucoup rappelé mon travail en Italie. Je n’aurais jamais osé le penser, mais la côte Adriatique et Las Vegas peuvent rivaliser sur certains points."