Le Français Stéphane Ashpool est un fou de basket, et du genre à vouloir refaire le monde. De Paris à Pékin, il transforme des lieux dégradés en terrains de basket aux couleurs franches.
Depuis plus de dix ans, le créateur parisien Stéphane Ashpool (38 ans) recourt au basket pour réunir les gens, en transformant des lieux désaffectés dans le centre animé des grandes métropoles en magnifiques terrains de jeu. Autre avantage: ces espaces sécurisés, conçus comme des objets d’art, deviennent des hubs culturels pour leur communauté.
Débuts à Pigalle
Le créateur tente d’expliquer que le basket n’est pas seulement un sport, mais qu’il dégage aussi une énergie positive et même réconfortante. Grâce à sa pratique bien sûr, mais aussi à la culture qui l’accompagne - l’attitude, la musique. "Le basket est un sport fantastique, qui nécessite trois fois rien. Oui, le basket rassemble", explique-t-il.
"Ma motivation est toujours la même: rassembler les jeunes."Stéphane Ashpool
Le Français installe son premier terrain de basket en 2007, sur un ancien parking de la rue Duperré à Pigalle, dans le neuvième arrondissement de Paris. Fils d’un sculpteur et d’une danseuse qui travaillait au Moulin Rouge, c’est un enfant du quartier. Suite au meurtre d’un adolescent, Ashpool, âgé alors de 24 ans à peine, convainc le maire de l’arrondissement de transformer cet endroit en terrain de sport dernier cri, pour en faire une sorte de "test social".
Nike et LeBron James
Pour faire cette transformation, il peint le sol dans des couleurs vives pour que, telle une balise d’espoir, il rayonne d’optimisme. "J’adore la couleur! Quand on se trouve dans un environnement coloré, on a envie de se donner à fond. La couleur apporte de l’énergie et une attitude positive différente, qui permet le développement d’un environnement sain qui, à son tour, dégage une dynamique qui l’est tout autant."
"Cet ancien parking est devenu un lieu où les jeunes enfants peuvent se retrouver après l’école. Un endroit qui a changé ma vie et celle des enfants de mon quartier", témoigne Ashpool, qui est entraîneur de l’équipe des minimes Pigalle Basketball 9.
Presque invisible depuis la rue, ce premier terrain urbain attire toutefois l’attention de Nike. La marque finance d’ailleurs une nouvelle transformation du terrain de basket en 2009.
"Le basket est un sport fantastique, qui nécessite trois fois rien."Stéphane Ashpool
Cette fois, Ashpool collabore avec l’artiste Yué Wu Nyno et a même pu compter sur le soutien du joueur star des Lakers de Los Angeles, LeBron James: le demi-dieu américain s’est déplacé spécialement pour l’inauguration. Début 2020, le site du quartier de Pigalle a subi une dernière métamorphose, orchestrée par Ashpool et le studio de création parisien Ill-Studio.
A$AP Rocky et Drake
Ouverte en 2008, la boutique de Pigalle, la marque de streetwear et de sportswear d’Ashpool, est à deux pas du terrain de basket. L’enseigne, qui porte le nom du quartier le plus chaud de Paris, vend les créations de designers culte tels que Rick Owens, Sharon Wauchob ou Gareth Pugh de la saison précédente, mais aussi les collections de streetwear du Français. L’une de ces lignes, Pigalle Basketball, est, bien évidemment, inspirée du basket.
Car le créateur a beau être fou de basket, il est avant tout styliste. Il fait ses premiers pas dans cet univers en 2002, quand il a fondé, avec sa mère, l’agence de création Vida9, une société de production d’événements pour Rick Owens, Gareth Pugh, Christian Dior et Nike.
Ce qui lui a donné l’idée de lancer sa propre ligne de mode. Aussitôt dit, aussitôt fait: en 2015, il décroche le Grand Prix de l’ANDAM, une récompense prestigieuse dans l’univers de la mode. Il empoche une dotation de 250.000 euros et une année de mentorat auprès de Bruno Pavlovsky, président des activités mode de Chanel et parrain du concours cette année-là.
Ses collections sont adoptées par de grands noms de l’industrie musicale, tels qu’A$AP Rocky, Drake et Rihanna, souvent spottés avec un sweat à capuche Pigalle. Et le label collabore avec Converse, Chanel Atelier et Nike, avec qui il revisite notamment des créations iconiques telles que les baskets Air Force 1, Air Raid et Air Shake Ndestrukt. Début 2020, les deux marques ont lancé la nouvelle collection capsule NikeLab x Pigalle, qui a inspiré un terrain de basket à Pékin.
Autodidacte et outsider du monde de la mode, Stéphane Ashpool ne se limite pas à la mode et aux terrains de basket. Il est aussi l’un des cofondateurs de Pain O Chokolat, le collectif qui dirige Le Pompon, une boîte de nuit organisatrice des soirées street faisant le buzz à Paris.
Tsunami de couleurs
En parallèle, des terrains de basket éclectiques et colorés du Français fleurissent dans le monde entier. Celui de Pékin a été inauguré en grande pompe en 2019, à l’occasion de la Coupe du monde de basket-ball FIBA. Objectif du terrain chinois: donner la priorité aux joueuses de basket et attirer les jeunes des écoles secondaires et du quartier.
"Je pense vraiment que le sport peut aider le monde à aller de l’avant."Stéphane Ashpool
Toujours en 2019, un terrain voit le jour à Mexico: c’est un véritable tsunami de couleurs - magenta, magnolia et bleu Yves Klein. Oui, encore et toujours de la couleur...
À Cuba, les travaux pour aménager le prochain terrain de basket sont en cours. "Là-bas, ce n’est pas facile", soupire Ashpool. "Lors d’une visite à La Havane, fin 2018, j’ai vu tellement de jeunes dans ce quartier que je me suis dit: ‘bon, je dois absolument faire quelque chose ici’. J’ai cherché une opportunité et j’ai finalement découvert un espace qui servait de décharge, au milieu d’un marécage."
Il a promis aux responsables de Quisicuaba, un projet social et culturel local, que, six mois plus tard, il y aurait là un terrain de basket pour les jeunes du quartier. "Bien sûr, il y a eu énormément de complications", explique Ashpool.
"Principalement parce que Nike ne pouvait pas soutenir le projet en raison de l’absence de relations entre Cuba et les États-Unis." Mais, comme le dit Ashpool: "J’aime les défis".
Sa motivation est toujours la même: rassembler les jeunes. "C’est pareil pour ma marque de mode: ce qui compte pour moi, c’est de créer une émotion partagée. Je pense vraiment que le sport peut aider le monde à aller de l’avant." Un meneur de jeu en somme.