De Wimbledon à l’Himalaya: le journaliste américain Nick Pachelli a parcouru le monde pendant deux ans en quête des plus exceptionnels courts de tennis.
Le résultat du grand chelem de Nick Pachelli autour du monde est un volumineux ouvrage de 338 pages de pur plaisir tennistique. Comment aborde-t-on un tel projet? "On passe des appels jusqu’à ne plus pouvoir supporter la vue d’un téléphone!" (rires) Le journaliste américain, qui a écrit notamment pour le New York Times et Esquire, a passé des mois à contacter des fédérations de tennis du monde entier ainsi que tous les contacts liés au tennis figurant dans son carnet d’adresses. "Et il y en a pas mal, car j’écris sur le sport, et plus particulièrement sur le tennis, depuis de nombreuses années." À chacun, il a posé la même question: quel court de tennis mérite de figurer dans le livre?
World’s 200 Best
"Évidemment, cela a donné une liste longue comme un jour sans pain. Après mes recherches et tous ces appels, je me suis retrouvé avec un fichier de plus de 3.000 courts. À l’origine, l’idée était de présenter ‘The World’s 50 Best’, mais cela s’est très vite avéré trop limité: il m’était impossible de faire un choix. Finalement, ce sont plus de 200 courts qui ont été retenus."
Pour ce projet, il a parcouru le monde avec un assistant un peu particulier dans ses bagages: un drone. En plus d’être journaliste, Pachelli est photographe documentaire. Nous l’avons joint juste avant qu’il ne parte couvrir l’US Open. "J’ai personnellement été un jeune talent du tennis", déclare-t-il. "Je faisais partie des 20 meilleurs joueurs de la région Southwest des États-Unis. Mais, après plusieurs blessures, j’ai dû arrêter et je me suis alors consacré à documenter ce sport par l’écriture et par l’image."
Est-il possible de visiter chacun des courts de tennis repris dans ce bel ouvrage? "Oui, mais pas forcément à tout moment de l’année. Certains courts, comme Wimbledon, ne sont accessibles au grand public que pendant les championnats. Le reste de l’année, seuls les membres de ce club privé y ont accès."
Des courts terracotta encadrés par les Alpes suisses; un court secret entre les canaux de Venise; un court en plastique bleu entouré de cèdres dans l’Himalaya; un terrain entre les célèbres falaises de Positano, sur la côte amalfitaine; un court écossais avec vue sur la mer, perdu au milieu de nulle part et accessible uniquement en ferry. Cet ouvrage recense les plus beaux courts de tennis du monde, mais Pachelli ne s’est pas limité aux seuls critères visuels ou photographiques.
"Pour chaque court de tennis, j’ai mené des recherches approfondies. Je ne me suis pas contenté d’une recherche sur Google pour ensuite sélectionner les terrains sur base d’images. J’ai consacré ma recherche aux courts de tennis qui avaient une importance historique." Comme le West Side Tennis Club de New York qui a plus d’un siècle. Chaque brin d’herbe y est si parfaitement entretenu qu’on pourrait croire que c’est du gazon artificiel. C’est ici que se déroulait autrefois l’US Open, avant qu’il ne déménage à Flushing Meadows.
Court sous-marin
L’auteur s’intéresse également aux innovations. "On pourrait penser qu’il n’existe que trois types de surface: les courts en dur, la terre battue et le gazon, mais la Fédération internationale de tennis en reconnaît plus de 180. Tout est question de rebond: comment la balle réagit-elle sur quelle surface? La Fédération fait des tests avec des lasers pour le déterminer."
Le livre présente notamment un court au Kenya dont le sol est fait de nids de termites. Aux Philippines, c’est sur une plage recouverte de coquillages qu’un court a été aménagé. Quant à Luanco, une ville côtière du nord de l’Espagne, elle accueille un tournoi dont les matchs se jouent uniquement à marée basse, car le terrain est submergé à marée haute. "Toute la ville vient regarder, même si les matchs ont lieu la nuit à cause de la marée."
Le sentiment de communauté parcourt le livre, comme un fil terracotta. "Il existe une communauté de passionnés qui voyage pour regarder le tennis, qu’il s’agisse de cocher tous les tournois du Grand Chelem, ou pour jouer sur des courts loin de tout — comme ceux du Sportchalet Mürren, perchés sur une falaise au cœur des Alpes suisses. Si vous envoyez la balle trop loin, mieux vaut espérer qu’un parapentiste passe par là, sans quoi elle se retrouvera 762 mètres plus bas. Le Sportchalet Mürren n’est accessible qu’en télécabine ou en petit train. Là-bas, le tennis devient une étape du voyage."
Accueil chaleureux
"The Tennis Court" ne se contente pas d’afficher 338 pages d’images spectaculaires; il regorge également d’informations historiques, d’anecdotes et de réflexions sur le tennis. Pachelli raconte ses propres expériences: enfant, il était déjà ramasseur de balles pour ses parents avant de devenir un adolescent obsédé par le tennis. Compétiteur devenu outsider, puis journaliste, il dresse également un portrait du monde du tennis contemporain, rédigé avec élégance. "Ce sport n’a pas toujours une image de sport accessible à tous, du moins en Europe", explique Pachelli. "C’est sans doute lié aux clubs privés ou à une impression d’inaccessibilité héritée d’un passé aristocratique, mais cette réputation n’est plus valable aujourd’hui. Le tennis souffre d’un préjugé sans fondement: il est plus accessible qu’on ne le pense. Je suis allé frapper à toutes les portes des tennis-clubs et j’ai toujours été chaleureusement accueilli."
Selon l’Américain, une cure de jouvence est en train de s’opérer dans les club-houses. "Il suffit de penser au phénomène du ‘Tenniscore’, cette tendance mode inspirée de l’équipement de tennis. Aux États-Unis en particulier, c’est devenu une évidence. Les clubs de tennis réalisent que leur clientèle traditionnelle vieillit et qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’ouvrir leurs portes, au sens propre comme au figuré."
"The Tennis Court"
Artisan Books
40 euros
Website | www.hachettebookgroup.com