Au début du millénaire, la famille Liekens-Govaerts fait figure de pionnière dans la viticulture en Belgique. Aujourd’hui, elle met à profit son savoir-faire du vin dans un pays à l'importante tradition viticole: le Portugal.
La loi "de l’avance freinante" n’est pas un mythe: au fil du temps, les pionniers d’une discipline donnée finissent par s’enliser parce que le marché n’est pas encore mûr pour leur projet. Ou parce qu’à la longue, ils perdent passion et confiance, alors que ceux qui embrayeront ensuite pourront tirer des leçons des difficultés rencontrées par ces pionniers.
C’est ce qui est arrivé à Wim Liekens et son épouse, Christel Govaerts. Inspirés par le père de Wim, qui s’était mis en quête d’un terrain pour planter des vignes pour que “Wim ait de quoi s’occuper à la retraite”, ils s’étaient lancés dans la viticulture en 2002 avec un vignoble à Lichtaart, De Langenberg.
Vin belge
"En Belgique, la pression fiscale empêche tout projet dans la viticulture de devenir rentable."Wim Liekens
Cette parcelle avait été principalement plantée de cépages hybrides – Regent, Rondo bianca, Phoenix ou Johanniter. Liekens, qui fut pendant des années directeur de la production de l’usine Estée Lauder à Oevel, a réussi à hisser son vin "De Kastelse Rode" sur la carte de certains des meilleurs restaurants locaux, comme De Pastorie à Lichtaart et De Watermolen à Kasterlee. Il avait également ouvert son vignoble aux visites guidées et cofondé l’asbl Belgische Wijnbouwers.
À l’époque, la viticulture belge était plus un club de loisirs qu’un secteur professionnel. “Il n’y avait pas de structure et le gouvernement n’avait pas d’interlocuteur dans ce secteur”, explique Liekens.
“Chacun pratiquait la viticulture à sa manière. Les produits efficaces pour le traitement des vignes étaient reconnus à l’étranger, mais pas en Belgique. De plus, les contrôles du gouvernement n’étaient pas adaptés au secteur.”
Pour la famille Liekens-Govaerts, l’aventure du vin belge se termine en coup dans l’eau. En dehors des soucis dus aux facteurs naturels comme le gel printanier auquel la Campine est particulièrement sensible, le fisc ne s’est pas avéré très œnophile.
“Lors du contrôle annuel, l’inspectrice des impôts nous a expliqué qu’elle devait examiner à la loupe les professions à titre complémentaire. Du coup, les pertes ont été ramenées à zéro avec effet rétroactif. Ce qui nous a ôté toute l’énergie nécessaire pour réaliser notre rêve: planter un grand vignoble professionnel modèle en Belgique. Après des nuits sans sommeil, nous avons décidé d’arrêter.”
Aventure de vin portugaise
"Nous avons consacré beaucoup de temps à l’expertise et à nouer des partenariats."Wim Liekens
Fin 2016, le couple s’installe alors dans la région située au nord de Lisbonne, au Portugal. Un déménagement qui relève plus du hasard que du choix. “Nous n’avions pas l’intention d’acheter un vignoble. Nous étions partis sur la Côte d’Argent en vue d’y dénicher une résidence secondaire.”
Sur le chemin du retour, ils découvrent la jolie ville de Torres Vedras, à 30 kilomètres au nord de Lisbonne. Là, on leur propose un beau terrain à bâtir bordé d’un vignoble. Et ils y font la connaissance de Riu, un jeune ingénieur agronome.
“C’est lui qui nous a mis en contact avec les autorités compétentes et qui nous a servi d’interprète. Sans lui, notre histoire viticole portugaise aurait été impossible! Ensemble, nous avons rendu visite à des viticulteurs, afin d’examiner leurs infrastructures et d’évaluer les disponibilités dans leur chai”, ajoute Liekens. “Nous préférons investir dans le vignoble que dans des bâtiments et des machines.”
Vinha do Cercado
"Tout est fait en famille: l’étiquette, l’emballage, le site web et le plan marketing."Christel Govaerts
La région a un autre atout: “Il pleut au printemps, ce qui alimente les nappes phréatiques pour affronter l’été, plus sec. La nuit, le vent venu de l’océan Atlantique rafraîchit les vignes. Le soleil, la pluie et le vent sont parfaits pour faire du vin de qualité.”
La collaboration avec des vignerons locaux est un maillon essentiel de leur projet portugais, Vinha do Cercado. “Nous avons consacré beaucoup de temps à l’expertise et à nouer des partenariats avec d’autres domaines viticoles. Nous en avons visité une dizaine, et nous nous sommes mis d’accord avec deux bodegas."
"Nous faisons produire notre cuvée rouge premium, notre blanc et notre rosé par la famille de vignerons traditionnels de Félix Rocha. Pour la cuvée rouge bio, nous travaillons avec le jeune œnologue Pedro Marques de Vale da Capucha.”
La famille Liekens est présente à chaque étape importante de la production, de la taille à la mise en bouteille. “Même en cette période difficile de coronavirus, tout se passe comme prévu, malgré les nombreuses restrictions de voyage. Nos trois enfants viennent au Portugal à tour de rôle et tout est fait en famille: l’étiquette, l’emballage, le site web et le plan marketing”, précise Govaerts.
Retour en Belgique?
L’aventure pionnière en Belgique, était-ce un bien ou un mal, finalement? Et recommenceraient-ils dans leur pays, maintenant que les conditions, et en particulier la perception des consommateurs, ont changé?
“Nous sommes heureux du chemin que nous avons parcouru”, répond Liekens. “Notre apprentissage en Belgique nous a permis de nous lancer directement dans la production de notre vin au Portugal. Nous avons le projet suivant: confirmer notre position et améliorer sans cesse nos six cuvées, qui représentent 15.000 bouteilles par an. Et, surtout, maintenir cette qualité plutôt que d’aller vers la quantité."
"Par contre, retourner en Belgique pour y refaire un vignoble, non merci! J’ai beaucoup d’admiration et de respect pour tous les viticulteurs de Belgique, mais il y a trop de restrictions: le nombre limité de cépages autorisés, un climat capricieux, des facteurs de risque élevés et une pression fiscale qui empêche tout projet dans la viticulture de devenir rentable. Mais nous ferons peut-être quelque chose en Espagne, également près de la mer.”
Vinha do Cercado, Premium Tinto 2017
Couleur: rouge.
Cépages: syrah, tinta roriz.
Prix: 15 euros.
Cette élégante cuvée 70 % syrah a passé trois mois en fût. Dans le verre, couleur rubis encore vive et un séduisant bouquet de fraises des bois mûres, de cassis et de cuberdon, des arômes qui se retrouvent presque intégralement en bouche. Tannins doux, bouche mûre et douce, avec une finale fraîche et même saline.
Vinha do Cercado, Premium Tinto 2018
Couleur: rouge.
Cépages: syrah, tinta roriz.
Prix: 15 euros.
Cette cuvée 2018 est plus sauvage et plus complexe au niveau du fruit, avec un plus long élevage en fût de chêne et plus d’alcool. Attaque épicée, plus terreuse, suivie des notes de cassis et de fraise des bois. En bouche, plus ouvert, avec une profusion de mûre, crème de cassis, baie de goji et ambre. Superbe fraîcheur, longue finale aux notes de poivre vert.
Vinha do Cercado, Natural Tinto 2017
Couleur: rouge.
Cépages: tinta roriz, touriga franca.
Prix: 12,50 euros.
Cet assemblage 50/50 a passé trois mois d’élevage en fût. Robe rouge sang et bouquet mûr avec des notes de mûre, cerise confite, noix et violette. Bouche portée par le fruit, avec des impressions de violette, de baies noires et rouges et une fraîche acidité. Finale minérale presque saline. À faire décanter!
Disponible via Wijnen de Bleek (Diest), tél. 013/33.55.18 et Vinterra (Herentals), tél. 014/21.65.78