Kathleen Van den Berghe a déjà ouvert son domaine viticole de la vallée de la Loire à plusieurs artistes belges. Les étiquettes de ses bouteilles en témoignent.
Avant de se lancer dans son aventure viticole dans la Loire, en 2010, Kathleen Van den Berghe avait déjà roulé sa bosse en tant qu'ingénieure, consultante et professionnelle dans l’immobilier. Elle est alors devenue propriétaire/managing director du Château de Minière, où elle produit principalement du bourgueil rouge. Avec son époux, Sigurd Mareels, elle a développé ce magnifique domaine de 29 hectares.
"Le discours des viticulteurs qui prétendent travailler en bio mais ne se certifient pas me rend folle."Kathleen Van den Berghe
"Quand nous l’avons repris, il était en faillite et la qualité du vin était médiocre", résume la Belge. "Nous avons pris le taureau par les cornes et, depuis 2015, nous sommes assistés par l’équipe de Stéphane Derenoncourt, un des consultants en vin les plus réputés."
Le couple opte pour une approche bio, plante de nouveaux pieds et construit un nouveau chai. La viticultrice est particulièrement fière de ses deux innovations: "Les Bulles est mon ‘invention’, en particulier la version rouge. Et, ces dernières années, j’ai également misé sur le vin de qualité en bag-in-box: le Carrément BIB est présenté dans un emballage écologique et artistique."
Biodynamique
Le domaine s’est fait une belle réputation, grâce à l’œnotourisme également. Cependant, la soif de la viticultrice n’était pas encore étanchée: en 2016, le Château de Suronde, dans l’appellation de blanc Quarts-de-Chaume Grand Cru, a atterri dans son portefeuille.
Outre les cuvées plus moelleuses, dont l’AOC tire sa renommée internationale, Van den Berghe voulait y produire des cuvées dans un style très minéral, sans pourriture noble ni sucre résiduel, ni bois.
À Suronde également, après des années de transformation, de rénovation et d’achats, la Belge a systématiquement opté pour une approche bio(-dynamique). Pourquoi? "Suronde était déjà en biodynamie: il y a une biodiversité incroyable, avec plus de 10 hectares de nature autour des 6,5 hectares de notre vignoble. La biodynamie me semblait un choix logique."
Pour elle, la certification est un must: "Absolument! Le discours des viticulteurs qui prétendent travailler en bio mais ne se certifient pas me rend folle. Les clients ne devraient pas l’accepter. Cette façon de travailler s’inscrit dans une approche écologique beaucoup plus large."
"Nous avons un certificat HVE (haute valeur environnementale) niveau 3, qui impose des règles sur la biodiversité et l’utilisation de l’eau, mais je pousse le bouchon encore plus loin: je récupère l’eau de pluie pour l’utiliser dans le vignoble, tous les bâtiments sont isolés et chauffés ou refroidis par des pompes à chaleur, j’utilise des bouteilles plus légères que je ne mets pas dans des caisses en bois, ce qui fait une fameuse différence en termes de poids pour le transport."
Art contemporain
Depuis peu, le domaine de Suronde s’est inscrit dans un concept artistique total: des artistes belges sont invités à passer un moment dans une maison du domaine pour y travailler en paix. Une forme de mécénat moderne: "J’adore l’art depuis toujours. Avec ma mère, j’ai visité tous les musées et événements artistiques européens, classiques ou contemporains, comme Chambres d’Amis à Gand ou la Documenta à Kassel."
"Nous visons le segment supérieur des jeunes talents qui ne sont pas encore dans le ‘système’ ."Sven Vanderstichelen
"Ma vie familiale et professionnelle m’a éloignée du domaine de l’art pendant quelques années, alors que ma mère devenait une modeste collectionneuse d’art belge contemporain. Depuis le début, je voulais inviter des artistes ici, mais comme je n’avais pas l’expertise nécessaire pour choisir les bons artistes, le projet a été mis sur pause."
En 2014, Van den Berghe est devenue membre d’Arture, une asbl qui promeut l’art abordable d’artistes belges contemporains. C’est ainsi qu’elle est entrée en contact avec l’expert Sven Vanderstichelen. Ensemble, ils ont élaboré le projet d’une résidence d’artistes à Suronde. "Le domaine de Suronde est beaucoup plus sauvage et isolé que Minière. De nombreux artistes sont en quête de ce type de résidence."
Des artistes tels que Stefan Peters, Bram Kinsbergen et Pieter Jan Martyn ont déjà séjourné à Suronde que ce soit en solo, avec un ami artiste ou même en famille. Ce séjour donne ensuite lieu à une exposition. C'est également ainsi que plusieurs étiquettes de vin sont créées.
"Sven et moi sélectionnons et achetons les œuvres qui se retrouvent ensuite sur les bouteilles sous forme d’étiquettes. C’est une première compensation pour les artistes", détaille Van den Berghe. "Ensuite, les vins sont mis en vente lors d’une exposition consacrée à l’artiste. L’objectif est de vendre les vins et les œuvres d’art."
Chefs et Cie
"Nous ne voulons pas être un centre artistique snob ni une énième galerie classique, précise Sven Vanderstichelen, mais plutôt un refuge créatif pour de jeunes talents belges. Nous visons le segment supérieur des jeunes talents qui ne sont pas encore dans le ‘système’ mais qui ne sont pas des ‘peintres du dimanche’ non plus. Notre projet a un écho dans les milieux artistiques et nous recevons énormément de demandes."
"Il faut dire que l’emplacement à Suronde est idyllique: une maison de campagne avec des tourelles dans une nature intacte avec une vue fantastique sur la vallée. Nous constatons que les artistes qui séjournent ici trouvent un nouvel élan, toutes techniques confondues: pour nous, il n’y a pas de limites."
D’ailleurs, la résidence est également ouverte aux écrivains, musiciens, danseurs et, à terme, aux grands chefs belges qui souhaitent venir y développer de nouveaux plats avec leur brigade. Idéalement, ces autres formes artistiques seront également intégrées à l’exposition et à l’événement de lancement des vins.
"Nous voulons organiser cet événement chaque année dans un lieu différent, de préférence en Belgique", annonce Van den Berghe. "Nous voulons également être ‘invités’ dans d’autres entreprises qui considèrent notre concept comme une valeur ajoutée et souhaitent régaler leurs clients de bon vin et de bon art. Et, à terme, nous voudrions lancer quelque chose de similaire à Minière."
DÉBOUCHÉ ET APPROUVÉ
1. Château de Suronde Grand Vin 2017
Couleur: blanc.
Cépage: chenin blanc.
Prix: 25,95 euros.
Cuvée "sèche" certifiée bio. Beaux arômes caractéristiques du chenin: foin, coing, pomme reinette, poire Conférence, chèvrefeuille et fleur de sureau. En bouche, hyper frais, plus orienté vers la pomme verte et les agrumes, très zesty (citron vert) et juteux. Finale épicée et minérale.
2. Château de Suronde Grand vin 2016
Couleur: blanc.
Cépage: chenin blanc.
Prix: 25,95 euros.
"Ceci n’est pas une étiquette", en clin d’œil à Magritte. Le contenu de la bouteille est également original: un véritable vin sec, avec une robe jaune paille profond et un nez de Jonagold, pomelo, zeste de citron vert et minéraux. Légèrement pétrolé. Bouche serrée zesty très fraîche. Finale sur la craie et le fer.
3. Château de Suronde Grand Cru 2017
Couleur: blanc.
Cépage: chenin blanc.
Prix: 35 euros (pour 50 cl).
Vin de dessert moelleux, issu du seul grand cru de la Loire. Robe abricot, avec un nez riche, mais jeune d’orange sanguine, coing, thé vert et violette. Bouche suave et mûre étayée par une superbe acidité, avec des impressions de zeste d’orange, abricots confits, miel d’acacia, compote de pommes/poires et d’ananas frais.
Disponible chez Large Soif (Braine-l’Alleud), tél. 0472/72.26.83 ou sur www.chateaudeminiereshop.be