La viticulture italienne est un monde de marquises, de princesses et de baronnes. Mais l’appellation Brunello ne compte qu’un empereur, Franco Biondi Santi.
Au même niveau que les Romanée-Conti et les Petrus, le Brunello di Montalcino et son petit frère, le Rosso di Montalcino, ont une histoire qui remonte au XIXe siècle, quand Clemente Santi fut le premier vigneron italien à vinifier le cépage sangiovese en tant que quel. Son ambition: produire un vin rouge de garde à même de rivaliser avec les meilleurs vins de France.
La première reconnaissance de ses efforts remonte à 1867, quand sa sélection rouge - un Brunello avant la lettre - lui vaut une médaille d’or à Montepulciano. En 1888, Ferruccio Biondi Santi lance la première vendange officielle de la Riserva.
Entretemps, Clemente Santi affine une autre innovation: une variante idéale du sangiovese, perfectionnée ensuite par Franco Biondi Santi. Le Sangiovese Grosso BBS 11 (BBS = Brunello Biondi-Santi) est, aujourd’hui encore, la base des vins de Brunello. C’est d’ailleurs le seul cépage au monde à porter le nom d’une famille de vignerons.
Procédures bio
Être le parrain de l’appellation Brunello di Montalcino n’est-il pas lourd à porter? "Après 7 générations et 200 ans de vinification, nous préférons l’évolution à la révolution", répond Lene Bucelli, directrice marketing du domaine. "Bien entendu, au cours de ces dernières années, la technologie ne s’est pas arrêtée. Aujourd’hui, nous utilisons un sélecteur de raisin optique et nous avons équipé le chai de cuves en béton et de fûts en chêne neufs pour la fermentation et l’élevage."
Au cours de ces dernières années, la famille a beaucoup investi dans son domaine. "Les raisins sont répartis sur trois cuvées, en fonction du vin et des vignes. Les plus jeunes (jusqu’à 10 ans) sont pour le Rosso di Montalcino. Les vignes qui ont entre 10 et 25 ans sont pour le Brunello, et seules les vignes les plus âgées, de 25 à 80 ans, sont pour la Riserva - uniquement dans les millésimes exceptionnels."
"Aujourd’hui, nous avons ajouté un niveau de sélection: nous examinons chaque vignoble séparément et identifions les microzones que nous considérons comme les plus appropriées pour ces trois cuvées, ce qui donne beaucoup plus de petits lots à suivre dans le chai lors de la fermentation et du vieillissement."
La gestion du vignoble aussi a changé: "Pour revitaliser le terroir et donner aux vignes les suppléments dont elles ont besoin, nous ne désherbons plus entre les rangées. De même, nous avons réexaminé nos pratiques de taille, pour stimuler l’équilibre de croissance naturel de chaque pied."
La viticulture d’inspiration bio n’est pas une nouveauté dans ce domaine toscan. "Nous avons toujours suivi des procédures bio, comme limiter les herbicides et favoriser la fermentation en utilisant uniquement des levures indigènes. Dans un avenir proche, nous passerons à une approche entièrement bio."
"Pour être honnêtes, nous ne savons pas encore si nous allons faire une demande de certification car c’est un choix que nous faisons pour les vignes et le terroir. Il s’agit d’un parti pris environnemental d’ordre général plutôt que la recherche d’un label, bio dans ce cas."
Potentiel de garde
Le domaine Biondi-Santi produit trois cuvées qui, ensemble, représentent une production annuelle moyenne d’à peine 80.000 bouteilles. Avez-vous d’autres projets? "Nous n’avons pas l’intention de lancer de nouvelles cuvées. Notre production totale est limitée par les vignobles, qui, naturellement, ont des rendements assez faibles, soit de 4,5 à 4,8 tonnes de raisins par hectare."
‘La caractéristique de la gamme est que ces cuvées et, en particulier, les Brunello, ont un potentiel de garde important. Quel est le secret? "C’est une question d’équilibre entre acidité, structure, alcool et fruit, un ensemble qui se soutient au fil des ans", précise Lene Bucelli. La situation des vignobles et la qualité des terroirs jouent également un rôle.
"Notre vision du vin ne peut se concrétiser qu’au sommet de la colline de Montalcino, dans nos vignobles en terrasses où dominent les sols pauvres et où il y a régulièrement du vent. En ce qui nous concerne, le changement climatique n’est pas encore un réel problème."
Ces cuvées qui vieillissent très bien (un Brunello Biondi-Santi atteint généralement son apogée après 20 à 30 ans de cave, et il arrive même que des cuvées de 100 ans soient encore impeccables) ont souvent besoin d’un peu d’oxygène au cours de leurs premières années lors de la dégustation.
Franco Biondi Santi recommandait même de déboucher le Brunello au moins 8 heures à l’avance et d’éventuellement le carafer. "Cependant, nous estimons aujourd’hui que 4 heures sont suffisantes et recommandons de ne pas décanter nos vins."
Beaucoup de rouges de ce type ne coûtent que le quart du prix, mais cette cuvée est hors-concours. Robe rouge grenat moyennement intense, avec une frange légèrement tuilée. Nez varié de cerise rouge, prune de Damas, eucalyptus, coriandre et cannelle. Bouche juteuse et charnue, avec un flot de fruits rouges mûrs et même caramélisés, une nuance de noix et des impressions tabacées. Une cuvée pure et équilibrée à tous égards.
Vu son âge, robe légèrement tuilée avec des larmes énergiques. Au nez, arômes de fruits rouges à noyau séchés, cuir, myrtille, zeste d’orange sanguine et feuille de tabac, et, après aération, il se développe lentement dans le verre. Très charnu et soyeux en bouche, avec une très vive acidité et un jeu entre les notes de fraise des bois, cassis, griotte, grenade et mûre. Élégant, finement tannique sans excès de bois, malgré le millésime plutôt chaud et les trois années d’élevage en fût. Finale minérale.