De Wall Street trader à vigneron, Jamie Kutch a redonné un sens à son existence en faisant de son hobby son nouveau métier: le pinot noir.
"Peu d’Américains sont vraiment heureux. Trop souvent, ils ne font que parler d’argent, une très grosse erreur."
Le vigneron Jamie Kutch sait de quoi il parle: travaillant au cœur du monde de la finance, il a vu la cupidité transformer les gens. Ce n’est pas (plus) sa vie. "Dans mon verre de vin, il n’y a que de l’amour et de la passion."
Né à New York, Kutch a grandi à Long Island. "J’ai été élevé dans l’idée que les hobbies rendent heureux." Sa passion pour le vin est-elle également un hobby? "Pendant mes études, je prenais parfois un verre de vin dans les soirées. Un syrah australien ou un riesling, c’était mon truc. À New York, on pouvait acheter un riesling de plus de 20 ans d’âge pour trois fois rien. Quelle découverte! De temps en temps, j’allais à une dégustation organisée par un caviste. Et je parvenais parfois à me faufiler dans des dégustations de grands importateurs, comme Michael Skurnik."
Du Manhattan à la vigne
"À Manhattan, j’étais membre d’un club qui se réunissait régulièrement pour des dégustations à l’aveugle. Je me souviens qu’un jour, je suis tombé sous le charme d’un pinot noir de Sonoma." Pour Kutch, le pinot noir est le cépage idéal pour produire des vins délicats, tout en nuances et en finesse.
Pendant des années, le vin est resté un hobby passionnant à côté de sa carrière de trader à Wall Street. "J’ai vu un collègue gagner des millions, tromper sa femme et sniffer de la cocaïne. Et puis, le 11 septembre a tout a changé. J’avais 28 ans et j’ai dit stop. Et une idée a commencé à germer: et si je me lançais dans le business du vin? Ou même, faire mon propre vin?"
Un beau jour, il envoie un mail à Michael Kosta Browne, une vinothèque et boutique, mondialement réputée pour le pinot noir. "À l’époque, il faisait surtout des vins plus corsés, mais quelque chose dans le goût m’avait intrigué. J’ai été embauché et je suis enfin arrivé dans le monde du vin. Ensuite, mon épouse m’y a rejoint."
Follow your dreams
Kutch a opéré ce changement de carrière à 180 degrés en 2004. "Je n’avais pas de formation œnologique, pas de famille qui faisait du vin, pas de partenaires commerciaux, pas de vignobles, pas de commerce de vin. Rien. Seuls mon goût et ma passion m’ont permis d’avancer. Et je me suis concentré sur le pinot noir à Sonoma, en Californie. C’est là que j’ai senti que je pouvais accomplir quelque chose."
"Le soutien de Kristen Green, mon épouse, a été déterminant pour nos projets viticoles. À New York, elle avait travaillé comme responsable des relations publiques pour les éditions Penguin Books et Simon & Schuster. Les relations qu’elle avait entretenues avec la presse se sont avérées extrêmement précieuses. Nous avons fait la couverture du magazine Forbes avec un reportage intitulé ‘Follow your dreams’. Vous pouvez imaginer l’impact!"
Kutch est un homme au regard franc, qui s’exprime avec détermination. Mais au bout de quelques heures de conversation, il se dit fatigué. "Le jetlag", explique-t-il. "En fait, même si je suis habitué au rythme, je me tue à l'ouvrage. Pendant les vendanges, je travaille de mes mains, parfois jusqu’à épuisement. Je vends mes vins moi-même, aux États-Unis et dans le reste du monde. Je travaille sept jours sur sept: je fais absolument tout moi-même."
Pinot noir
Un an après ses débuts, il fait ses premières vendanges. "Je me suis inspiré des jeunes vignerons californiens qui mettaient en bouteille du pinot noir de très grande qualité, comme Siduri Wines, A.P. Vin et August West, des gars qui se sont progressivement mis à faire du vin en marge de leur métier."
Autodidacte, Kutch a fait beaucoup d’essais. Il a élaboré des cuvées distinctes et a travaillé avec des grappes entières, sans éraflage. Cette méthode s’est avérée la bonne. "J’avais pris cinq tonnes de raisins du même vignoble. La première partie était éraflée, la deuxième contenait un quart de raisins éraflés, et la troisième n’était constituée que de grappes entières. C’est ainsi que j’ai commencé à travailler plus dans le détail. Ce sont les grappes complètes qui ont donné le plus de complexité, ainsi qu'un goût plus sec, plus frais et plus fin."
Il y a quelques années, le New-Yorkais a fait un voyage œnologique en Bourgogne. "Mon ami, le viticulteur Rajat Parr, m’avait donné quelques bonnes adresses. À mon retour, ma conclusion était simple: le problème de la Californie est le contraire de celui de la Bourgogne. Ils ont trop peu de soleil, et nous trop."
"C’est pourquoi nous travaillons aujourd’hui presque exclusivement avec la technique de la fermentation en grappes entières. Elle permet également de maintenir le taux d’alcool à un niveau très bas. Nous arrivons à environ 12,5 à 13%, ce qui est peu pour un vin de Californie."
En Bourgogne, on trouve aussi du grand chardonnay, non? Kutch éclate de rire. "Je me suis lancé dans le chardonnay il y a trois ans! La prochaine fois, promis, on le goûtera!"
Couleur: rouge.
Cépage: pinot noir.
Prix: 78 euros.
Le vignoble est situé à environ 350 mètres d’altitude, au-dessus de la brume. Cet emplacement chaud confère au vin un profil gustatif plus riche, plus ample et plus mûr, malgré une vendange extrêmement précoce. Arômes et saveurs de cerise noire et d’herbes, avec une petite note florale.
Couleur: rouge.
Cépage: pinot noir.
Prix: 48,75 euros.
Assemblage de raisins issus des vignobles de McDougall Ranch, Falstaff et Bohan. Arômes de fruits rouges avec beaucoup de souplesse, une impression de tabac et d’herbes et une petite note de fraîcheur verte et nerveuse.
Couleur: rouge.
Cépage: pinot noir.
Prix: 78 euros.
Le vignoble a un terroir très différent: sol sablonneux à plus basse altitude, ce qui donne un pinot noir au caractère ‘cool-climate’ prononcé. Le vin exhale une finesse très pure, avec une note légèrement herbacée.