Il faisait déjà partie du gratin international grâce à son entreprise de logiciels LMS. Aujourd’hui, c’est avec ses vins belges haut de gamme qu’Urbain Vandeurzen a des grandes ambitions. "Nous avons déjà commercialisé huit cuvées."
“Bien sûr, j’avais une réputation à défendre. Je savais parfaitement qu’on examinerait mon projet viticole à la loupe”, sourit Urbain Vandeurzen en nous faisant visiter le domaine viticole familial à Linden, près de Louvain. Le vigneron est entrepreneur dans l’âme, quoi qu’il commercialise. “Bien que classé, ce château était délabré quand nous l’avons acheté”, précise-t-il.
"Selon les normes françaises, ce terroir du Brabant flamand relève de la catégorie supérieure."Urbain Vandeurzen
“Pendant cinq ans, nous avons rénové l’ensemble du domaine, le parc et les bâtiments.” La surprise est arrivée lorsqu’ils ont prélevé des échantillons du sol, explique Bert Vandeurzen qui, avec son père, est partie prenante du projet viticole.
“Ce terroir s’est avéré relever à 80% de la catégorie supérieure selon les normes françaises, en l’occurrence d’épaisses couches de limon et d’argile avec beaucoup de grès ferrugineux. De plus, le domaine jouit d’un microclimat. Des recherches historiques ont d’ailleurs révélé qu’un vignoble y était aménagé il y a des siècles. Le sol avait été négligé au fil des ans, mais nous l’avons travaillé pendant deux ans, notamment avec de la chaux afin de restaurer son équilibre. Bref, nous voulions un retour vers le futur!”
From software to grapeware
Avant son aventure viticole, l’entrepreneur arborait déjà un palmarès impressionnant. Docteur en sciences appliquées, il a cofondé LMS en 1980. Cette spin-off du département d’ingénierie mécanique de la KU Leuven s’est spécialisée dans les logiciels de simulation et de test pour l’industrie automobile, aéronautique et spatiale. Sous son impulsion, LMS est devenue un acteur international majeur. En 2012, l’entreprise a été vendue à Siemens pour 420 millions d’euros.
Cependant, pas question de vivre de ses rentes. Outre plusieurs mandats sociaux, l’entrepreneur a eu, en 2013 l’opportunité d’acheter le ‘Château Blanc’ une demeure néo-classique dans un parc à Linden. Son esprit d’entreprise s’est à nouveau manifesté, cette fois-ci à travers VF Wineries et Wijnkasteel Vandeurzen.
"La viticulture belge a besoin de locomotives."Bert Vandeurzen
Le démarrage du domaine viticole ne s’est pas déroulé sans heurts. Au début, il a dû faire face à des centaines de réclamations de voisins et de défenseurs de la nature qui redoutaient un afflux excessif de visiteurs -surtout lorsqu’il s’est avéré que la famille Vandeurzen projetait d’aménager un centre vinicole futuriste. Les protestations ont même débouché sur des actes de vandalisme: en 2018, près de 500 pieds de vigne ont été détruits.
Cette opposition est retombée quand le plan de construction a fait place à un projet de bistrot à vin-restaurant, aménagé dans une ferme du château du XVIIIe siècle. “Vous savez ce qui est drôle? Certains de ces militants, qui cherchent aujourd’hui à vendre leur maison, présentent le château, le restaurant, le bistrot et le parc comme les principaux atouts du quartier”, ironise Urbain Vandeurzen.
Vin belge
“Notre année de démarrage a été marquée par des tâtonnements. S’il y a une chose que j’ai apprise en tant qu’entrepreneur, c’est qu’on ne peut réussir qu’à condition de s’entourer des meilleurs spécialistes. Le déclic s’est produit quand nous avons rencontré Daniël Medarts, propriétaire du domaine viticole Kitsberg à Heers, qui a tout de suite été intéressé. Il est venu pour une dégustation et est devenu notre vigneron. Il est aujourd’hui assisté par mon fils, Bert.”
L’une des premières recommandations de Medarts a été l’achat de nouveaux équipements. “Il s’est avéré que nous pressions de la mauvaise manière. Nous avons alors acheté des cuves en inox à double paroi, une nouvelle presse rotative, un égrappoir et les meilleurs fûts de chêne français et américain.”
Parallèlement, les plantations se sont poursuivies. “À partir de 2014, nous avons planté entre 1 et 1,5 hectare de nouvelles vignes chaque année, ce qui nous a donné le temps de nous habituer à de nouveaux cépages et de procéder à des adaptations.”
Cépages originales
Ce qui nous amène à la particularité la plus originale du domaine: outre les cépages classiques tels que chardonnay et pinot noir, les Vandeurzen ont planté des parcelles de cépages pionniers comme l’albariño (Portugal/Espagne), le tempranillo (Espagne) ou le grüner veltliner (Autriche).
“Dans la viticulture belge, on n’obtient pas une qualité haut de gamme en plantant uniquement des cépages allemands traditionnels, comme tant d’autres vignerons. Nous avons suivi notre goût, et notre famille adore l’Espagne. L’albariño pousse en Galice, où le nombre d’heures d’ensoleillement et les volumes de précipitations sont très similaires aux nôtres. Le jeu en valait la chandelle.”
Les résultats sont à la hauteur des espérances. L’albariño a décroché la médaille d’or au quinzième concours de la Vereniging Vlaamse Sommeliers (VVS), lors duquel 180 vins de 46 domaines belges ont été dégustés par 60 sommeliers.
À peine sept ans après son lancement, le Wijnkasteel commercialise huit cuvées, ce qui est rapide. “Sur les 11 hectares plantés, 6,5 sont opérationnels”, précise Bert Vandeurzen. “Nous produisons actuellement 25.000 à 30.000 bouteilles par millésime, un rendement délibérément faible. La différence entre les cépages est surprenante: avec le grüner veltliner, nous obtenons environ deux bouteilles par pied; avec l’albariño, c’est quatre.”
“L’année prochaine, nous voulons également planter des parcelles de test avec du barbera, du montepulciano et du roter veltliner. En blanc, nous sommes assez bien positionnés, mais en rouge, nous pouvons encore nous améliorer.”
Fine Wines from Belgium
La collaboration père-fils est harmonieuse. “Pourquoi serait-ce difficile?” rétorque Urbain Vandeurzen. “Nous travaillons déjà en parfaite entente sur un portefeuille de fonds d’investissement, avec lequel nous sommes directement et indirectement impliqués dans 35 entreprises actives dans les domaines de la technologie, des sciences de la vie, de l’immobilier et du vin, un quatrième pilier que nous classons dans la catégorie ‘fun’.”
L’exportation fait-elle également partie des projets? Les étiquettes portent la mention ‘Fine Wines from Belgium’ et non ‘Hageland’. “C’est notre stratégie”, répond Bert Vandeurzen. “Nous ne voulons pas être catalogués. Et même si nous sommes fiers de nos origines, le Hageland n’est pas un concept à l’international.”
Son père ajoute: “Nous avons déjà reçu des demandes de la part de distributeurs néerlandais, et nos vins suscitent également de l’intérêt aux États-Unis et en France. La viticulture belge a besoin de locomotives. Nous avons déjà acquis une expérience internationale en rejoignant le projet Champagne Carbon. Alexandre Mea-Devavry, la quatrième génération de vignerons de cette maison, souhaitait lancer un champagne dans le segment supérieur exclusif, et il y est parvenu. Cela nous a inspirés pour l’avenir de notre Wijnkasteel.”
Disponible chez: Anverres, tél: 0472 66 37 98
Wijnkasteel Vandeurzen, Pure White Grüner Veltliner 2018
Wijnkasteel Vandeurzen, Pure Red Tempranillo 2018
Wijnkasteel Vandeurzen, Pure White Albariño 2018