Le Liberty de PAL-V a besoin de 200 mètres pour décoller et de 50 mètres pour atterrir. Idéal pour un pays comme la Belgique, qui compte de nombreux petits aéroports. PAL-V International
Le Liberty de PAL-V a besoin de 200 mètres pour décoller et de 50 mètres pour atterrir. Idéal pour un pays comme la Belgique, qui compte de nombreux petits aéroports. PAL-V International

La voiture volante va-t-elle enfin décoller cette année?

À la Renaissance, Léonard de Vinci en rêvait. Aujourd’hui, qui ne fantasme pas sur la possibilité de survoler les embouteillages pour rallier sa destination comme un oiseau? Ce rêve sera bientôt réalité: PAL-V International achève la construction de la première voiture volante grand public.

En quittant les bureaux du siège de PAL-V à Raamsdonksveer (Pays-Bas), nous empruntons un couloir et passons une porte flanquée d'un "Authorised Personnel Only". Le guide compose un code et la porte s’ouvre sur le Saint des Saints: une énorme salle d’assemblage, claire et aseptisée. Sol blanc, murs hauts, rayonnages remplis de pièces et de composants, chemins au sol clairement marqués par des lignes jaunes. Et, en plein milieu, Liberty, la voiture volante prête à décoller.

C’est une expérience étrange, car le fait de pouvoir voler de ses propres ailes semble aussi possible qu’irréel.
Publicité
Publicité

Encore très impressionnés, nous entrons dans le bureau de Robert Dingemanse, cofondateur et CEO de PAL-V. Au mur est affichée une énorme illustration du Liberty sur la route et dans les airs. Créée numériquement, cette image sera une réalité dès 2023, quand les premiers acheteurs recevront les clés de leur voiture volante, soit l’aboutissement de décennies de rêves, de développements, de tests et de certifications.

PAL-V International
PAL-V International

L’entrepreneur qui, après un diplôme en ingénierie électronique et un MBA, a commencé sa carrière chez Philips, a fondé PAL-V avec John Bakker en 2008. Mission: concrétiser l’idée révolutionnaire de quelques chercheurs visionnaires. Dingemanse a créé l’entreprise, cherché des partenaires et des financiers et, surtout, travaillé sur la crédibilité du concept. L’entreprise emploie désormais 140 personnes et 70 exemplaires du Liberty ont déjà été vendus aux Pays-Bas. "Il y a dix ans, quand on allait voir des investisseurs pour leur demander s’ils accepteraient de participer à la construction d’une voiture volante, il n’y avait pas grand monde pour répondre présent", se souvient Dingemanse. "Aujourd’hui, ce sont eux qui viennent à nous: un grand constructeur automobile japonais nous a proposé de livrer des moteurs à hydrogène pour les futurs modèles."

"Il y a dix ans, quand nous avons cherché des partenaires pour ce projet de voiture volante, nous n’en avons pas trouvé.Aujourd’hui, le vent a tourné: ce sont les constructeurs automobiles qui nous contactent."
Robert Dingemanse
Fondateur PAL-V

Avant, quand Dingemanse évoquait son projet, on le regardait d’un drôle d’œil. "Tout le monde en veut, mais personne ne croit que c’est possible. D’autres inventeurs s’y sont essayé, mais la plupart, sinon tous, échouent à cause des règlementations, bien que leur objectif soit possible, techniquement parlant."

Ce n’est donc pas la technologie qui freine ce projet, car le Liberty est prêt à être produit en série. Ce qui le cloue au sol, c’est la règlementation. "Se conformer aux lois et règlements applicables aux véhicules routiers prend du temps, et, en matière d’aviation, c’est encore plus long. Il faut dix à quinze ans pour développer un nouvel avion; alors, que dire de la combinaison d’un avion et d’une voiture!"

Publicité
Publicité

Pour donner une idée de cette règlementation, le Liberty est terminé mais "il ne nous reste plus qu’à prouver que tout ce qui a été approuvé est effectivement utilisé de la même manière que dans les véhicules de série. Même pour la plus petite pièce, il faut pouvoir retrouver - jusqu’à quarante ans plus tard - dans quel véhicule elle a été utilisée". Ce qui signifie des montagnes de paperasse. "Nous étions prévenus: cela fait partie de l’aviation. Pour rire, nous avons dit que, si, dans plusieurs siècles, on exhumait l’équipementier aéronautique Fokker, on penserait qu’il s’agissait d’une papeterie qui possédait aussi des avions!"

Spécifications techniques

Capacité: 2 personnes

Poids à vide: 664 kg

Charge de bagages maximale: 20 kg

Publicité

Poids maximal autorisé au

décollage: 910 kg

Type de carburant: essence sans plomb

Capacité du réservoir: 100 litres

Mode route

Vitesse maximale: 160 km/h

Accélération (0-100 km/h): <9 secondes

Puissance du moteur: 100 CV

Consommation: 7,6 l/100 km

Autonomie: 1.315 km

Mode air

Vitesse maximale: 180 km/h

Puissance du moteur: 200 CV

Altitude maximale d’utilisation: 3.500 m

Charge utile: 246 kg

Consommation: 26 l/h

Autonomie: 500 km

mieux qu’un hélicoptère

Bien qu’il se consacre au Liberty depuis 14 ans, Dingemanse n’a rien de l’entrepreneur traînant un boulet. Quand on veut déclencher une révolution, la patience est de mise. Tout comme les fonds à y attribuer: au cours de ces dernières années, les Néerlandais ont investi des dizaines de millions d’euros dans ce projet de voiture volante, une somme pour laquelle ils se sont adressés à plusieurs investisseurs. "Ce n’est pas un processus rapide, mais il se déroule comme prévu", déclare le CEO.

Le véhicule proprement dit en est la preuve. Le concept n’a pratiquement pas changé depuis le départ: une voiture dotée de trois roues et comportant une section arrière extensible, une hélice orientée vers l’arrière et un rotor repliable. Le Liberty est un autogire. Le rotor n’est pas entraîné par un moteur, contrairement à l’hélicoptère, mais agit en tant qu’aile portante rotative. La propulsion à l’avant de l’hélice met en mouvement le rotor, qui fournit alors la portance nécessaire au vol. Un principe stable: tant que la voiture avance, le rotor continue à tourner et à donner de la portance. Même si le moteur vient à tomber en panne, le rotor en rotation porte le véhicule, comme un parachute. Il est donc beaucoup plus sûr et techniquement nettement plus simple qu’un hélicoptère.

PAL-V International
PAL-V International

Autre défi de ce type de moyen de transport: l’infrastructure. Ce n’est pas sans raison que PAL-V a choisi les Pays-Bas pour y implanter sa base opérationnelle: peu de pays ont davantage de règles, de meilleures routes et un espace aérien plus chargé. Autrement dit, si ça marche là-bas, ça marchera partout ailleurs. Le Liberty a besoin de 200 mètres pour décoller et de 50 mètres pour atterrir. Aux Pays-Bas, des sites spéciaux sont en cours d’aménagement. En Belgique et ailleurs dans le monde, c’est plus facile: les règles sont plus souples et il y a une foule de petits terrains (d’aviation) permettant au Liberty de décoller et d’atterrir. Ensuite, on replie les pales du rotor et la section arrière pour rentrer chez soi.

Prêt à décoller

Le Liberty est bas et doté d’un cockpit compact. Y prendre place demande un peu de souplesse. Bien que complet, l’équipement intérieur semble spartiate: les sièges ne sont pas réglables, mais peuvent être fabriqués sur mesure et tout est conçu pour gagner du lest. Pas besoin d’un dessin pour comprendre qu’il est plus facile de faire décoller (et de maintenir dans les airs) ces 664 kilos plutôt qu’une Bentley de 2.500 kilos. L’impression qui domine, c’est qu’il ne s’agit pas d’un modèle d’exposition, mais d’un véhicule à part entière qui peut rouler, déployer ses pales et prendre son envol. Oui, le Liberty est prêt à décoller!

Publicité
Le liberty est bas et le cockpit est compact. Y prendre place n’est pas facile pour tout le monde. L’instrumentation est complète, mais l’intérieur semble spartiate: les sièges ne sont pas réglables. PAL-V International
Le liberty est bas et le cockpit est compact. Y prendre place n’est pas facile pour tout le monde. L’instrumentation est complète, mais l’intérieur semble spartiate: les sièges ne sont pas réglables. PAL-V International

Comment conduit-on cet engin? Facile: comme une voiture légère et sportive à trois roues. Et comment vole-t-il? Je le découvre sur un petit aérodrome près de l’usine mais, hélas, pas en personne car pour l’instant, seuls les pilotes d’essai certifiés sont autorisés à le faire voler. Par contre, le simulateur en donne une bonne idée, surtout avec un masque de réalité virtuelle. Une expérience étrange, car le fait de pouvoir voler de ses propres ailes semble aussi possible qu’irréel. La facilité avec laquelle le Liberty décolle sur un court tronçon de tarmac ou de gazon et la brièveté de l’atterrissage rendent son applicabilité au quotidien encore plus crédible.

Bien entendu, les futurs acquéreurs devront obtenir un brevet de pilote autogire, mais PAL-V se fera un plaisir et un devoir de leur proposer des formations certifiées.

Ciel belge

La question est donc la suivante: verrons-nous bientôt des Liberty dans le ciel belge? Probablement pas. Il est trop petit pour une famille, qui ne pourra donc (provisoirement) pas les utiliser. De plus, avec un premier prix de 300.000 euros, il est bien trop onéreux pour le Belge lambda. Mais, tout comme un téléviseur grand écran coûtait autant qu’une voiture milieu de gamme lors de son lancement, il pourrait en aller de même pour la voiture volante. Cependant, il faudra encore un certain temps avant que le Liberty ne rivalise avec la BMW Série 3 en termes de budget.

PAL-V International
PAL-V International

Il existe néanmoins une autre option, à laquelle on travaille sérieusement: le Liberty utilisé comme un taxi de luxe. L’idéal pour ceux qui veulent être certains d’arriver à l’heure à un rendez-vous important. En attendant, cette incroyable machine volante est un joujou parfait et pratique pour les heureux de ce monde qui ont les moyens et l’audace de réaliser leurs rêves.

Publicité