Le catamaran mesure 13,5 mètres de long pour 7,5 mètres de large, des dimensions qui ne lui permettent pas d’amarrer dans n’importe quel port.
Le catamaran mesure 13,5 mètres de long pour 7,5 mètres de large, des dimensions qui ne lui permettent pas d’amarrer dans n’importe quel port.
© Luc Roymans

D'une ferme gigantesque à vivre sur un catamaran

Ann Vereecken et Jeroen Worst, designers de Studio Simple, ont troqué leur ferme contre un catamaran de 40m². En quête d’une vie simple, libre et autonome, ils vivent désormais sur l’eau.

Un paradis. C’est la seule façon de décrire la ferme-château d’Ann Vereecken et Jeroen Worst. Les designers de Studio Simple vivaient près d’Enschede, dans un lieu enchanteur, entouré de cinq hectares de bois et de prairies qu’ils surnommaient leur "plaine de festival".

"Tout au long de l’année, nous mangions les produits de notre potager. Nous étions presque autosuffisants, tout en veillant à ne pas nous couper du monde. Chaque week-end, des amis passaient nous rendre visite et nous partagions de délicieux dîners préparés avec ce que le jardin nous offrait. Nous y organisions des ateliers et avions même lancé un club de lecture. Le monde venait à nous. La vie y était douce, mais aussi très intense."

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Un lieu de rêve pour y passer leurs vieux jours, sauf que, non: dès le départ, le couple belgo-néerlandais avait décidé que leur aventure à la ferme ne durerait pas plus de dix ans. "Nous n’y serons restés que six ans; cela devenait trop statique", affirme sans hésiter Vereecken. "Nos amis sont nostalgiques de la ferme dont nous avons refermé la porte pour la dernière fois il y a deux ans. La famille de Jeroen habite toujours dans les environs, mais quand nous passons devant notre ancienne maison, cela ne nous émeut plus: il était temps de tourner la page. Nous étions prêts pour autre chose."

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De la ferme au catamaran: Ann Vereecken et Jeroen Worst de Studio Simple ont décidé de changer du tout au tout et de mener une vie nomade.
De la ferme au catamaran: Ann Vereecken et Jeroen Worst de Studio Simple ont décidé de changer du tout au tout et de mener une vie nomade.
© Luc Roymans
"Vivre dans un si petit espace est facile à organiser: chaque chose doit avoir sa place et rien ne peut être inutile."

Une ferme-château à Twente, un habitat partagé à Amsterdam, une écurie à Gand et une ferme en carré dans les Ardennes flamandes: Vereecken et Worst ont vécu dans des lieux hors du commun. Pourtant, ils n’ont été propriétaires d’aucun d’eux. L’année dernière, ils l’ont finalement été: pour la première fois de leur vie commune (Ann Vereecken et Jeroen Worst vivent et travaillent ensemble depuis près de 30 ans), ils ont acheté une maison, mais une maison flottante. "Depuis quelques années, nous partions en mer avec des amis sur leur catamaran et cette vie à bord nous plaisait énormément. En mer, j’avais le sentiment de pouvoir vraiment lâcher prise. Je ressentais une immense liberté, alors qu’un bateau impose des limites: il n’y a que l’eau, le catamaran et l’horizon. On ne peut aller nulle part et les stimuli extérieurs sont rares. C’est profondément apaisant", confie-t-elle.

Ces mêmes amis leur ont ensuite parlé d’un chantier naval à Amsterdam, où un vieux catamaran était à vendre. Ce bateau avait été conçu pour affronter la mer de Tasmanie. "Comme c’est une mer redoutable, nous savions que la structure en bois était solide", explique Worst. "Mais le bateau était en piteux état et encombré des affaires de l’ancien propriétaire. Cependant, dès que nous sommes montés à bord, nous avons été agréablement surpris par la lumière et l’espace. Ce catamaran avait un potentiel extraordinaire."

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Ils ont pourtant hésité avant de l’acheter, car il nécessitait de nombreux travaux de rénovation. Et c’est là que Studio Simple excelle: transformer un lieu atypique en véritable chez-soi.

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De la ferme au catamaran: Ann Vereecken et Jeroen Worst de Studio Simple ont décidé de changer du tout au tout et de mener une vie nomade.
De la ferme au catamaran: Ann Vereecken et Jeroen Worst de Studio Simple ont décidé de changer du tout au tout et de mener une vie nomade.
© Luc Roymans

Une Table pour six

Est-il possible de transformer un bateau en lieu de vie? Peut-on vraiment se sentir chez soi dans une maison flottante? "Je me sens vraiment bien ici", assure Vereecken alors que nous montons à bord du catamaran amarré à Amsterdam. "Au départ, nous avions une vision un peu romantique de la vie sur un bateau. Ensuite, la réalité de la rénovation s’est imposée et, au final, cela nous a coûté l’équivalent d’une demi-maison. Et encore, Jeroen a fait énormément de choses lui-même. Rénover un bateau est une tout autre aventure que rénover une maison. Nous avons d’abord dû complètement dépouiller le catamaran. Avec un système de cloisons, nous avons créé de nouveaux espaces pour rendre la structure plus solide et aménager plusieurs pièces de vie. Je n’avais qu’une seule exigence: avoir une table pouvant accueillir au moins six personnes. J’adore cuisiner et nous avons toujours invité beaucoup de monde chez nous: je tenais à continuer à le faire sur le bateau."

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"Les étendues d’eau de notre planète sont encore largement inhabitées et il n’est pas encore autorisé de vivre en pleine mer."

Les travaux de rénovation du catamaran ont duré deux ans. Toutes les fenêtres ont été remplacées par du double vitrage marin "suffisamment robuste pour résister à une pression d’une tonne d’eau". Bien que Worst ait déjà une solide expérience en matière de rénovation, il a dû acquérir de nouvelles compétences, comme souder de l’acier inoxydable ou utiliser de l’époxy. "Je sais que c’est un matériau toxique, mais, bien entretenu, il peut durer toute une vie. Dans ce cas, on peut le considérer comme durable", explique-t-il. "Les bateaux sont généralement mal isolés, ce qui fait que l’humidité et la ventilation sont un problème. Le chauffage est également un défi: comme nous ne voulions pas de gaz à bord, nous avons installé un petit poêle au diesel, le même carburant que le moteur. Malgré cela, il peut faire assez froid à bord. Notre astuce? Nous portons des pantoufles en laine, nous dormons avec une bouillotte et nous ne chauffons que les espaces dans lesquels nous nous trouvons. Heureusement, en hiver, l’eau de mer est souvent plus chaude que la température extérieure et, en été, c’est l’inverse. Et si le froid devient vraiment insupportable, il nous suffit de mettre le cap vers des climats plus doux. Le Portugal, par exemple."

© Luc Roymans

Vieux loup de mer

Soyons honnêtes: l’année dernière, Vereecken et Worst ont surtout navigué au large des côtes néerlandaises et belges. "Je rêve de traverser l’océan", confie Vereecken. "Un vieux loup de mer qui l’a déjà fait nous a raconté des histoires incroyables. Par exemple, il a heurté une baleine endormie et a échoué sur une île déserte. Passer des mois à bord, je pourrais parfaitement le faire, mais nous tenons à garder le contact avec les gens, sinon on finit par s’éloigner tellement de la société qu’il devient difficile de retrouver ses repères à terre. Comme c’est le cas de ces marins que nous avons croisés, qui finissent parfois complètement démunis."

"Si on divisait notre vie en chapitres, celui-ci, sur le catamaran, serait certainement le plus aventureux. Et surtout, le moins familier", déclare Worst. Bien que le mode de vie et l’espace soient totalement différents, le couple poursuit sur son bateau le même objectif que dans sa ferme: mener une vie autonome, autosuffisante et libre. "Nous ne vivons plus de notre potager, mais de graines germées que nous faisons pousser à bord. Et nous mangeons ce que la mer nous offre: du poisson, bien sûr, mais aussi des huîtres, des moules et des algues, riches en minéraux et en protéines. Nous faisons de la cueillette sauvage, mais en mer", explique Vereecken.

Son époux s’est bien documenté sur le sujet. "La mer possède un potentiel immense pour l’agriculture, et l’Union européenne y investit massivement", ajoute-t-il. "Il existe également une abondante littérature sur les communautés qui vivent en mer. Nous sommes trop âgés pour fonder ce type de communauté flottante, mais notre mode de vie pourra peut-être en inspirer d’autres."

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Sur un bateau, l’espace est compté: tout l’équipement domestique doit être compact.
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© Luc Roymans

Nomades flottants

Le nomadisme est un thème que Studio Simple explore depuis des années. En réalité, sa vie est une quête constante de légèreté et de mobilité. Mais depuis leur aventure à la ferme, Vereecken et Worst sont devenus des nomades flottants. "Comme les enfants ont quitté la maison, le besoin de stabilité familiale n’est plus aussi impératif. Cela nous a permis de simplifier notre vie. Désormais, nous emportons notre maison vers les lieux et les gens avec qui nous voulons créer des liens. Si vous me demandiez où je préférerais vivre aujourd’hui, je ne saurais quoi vous répondre. Anvers, Rotterdam, Gand, Amsterdam, Copenhague: nous n’avons plus besoin de choisir. En théorie, tout est possible", déclare Vereecken.

En pratique, les choses sont un peu plus complexes: le catamaran étant assez grand, il ne peut pas être amarré dans tous les ports de plaisance. Le bateau mesure 13,5 mètres de long sur 7,5 mètres de large, offrant ainsi un peu moins de 40m² d’espace habitable. "C’est assez compact, en effet. Mais nous avons constaté que nous n’avons pas besoin de beaucoup de place. Vivre dans un espace aussi réduit est très structurant: chaque chose doit avoir sa place, rien ne peut être superflu. Sur un bateau, on vit presque constamment à l’extérieur. La mer ressemble à un immense jardin, mais sans l’entretien quotidien."

© Luc Roymans

Machine à habiter efficace

"La vie quotidienne sur le bateau est une leçon de simplicité, d’efficacité et de minimalisme. Des activités ordinaires comme faire la vaisselle, se chauffer, aller aux toilettes, cuisiner ou utiliser de l’eau, qui paraissent anodines, doivent toutes être repensées. Et cela implique certains sacrifices", explique Worst. "Par exemple, nous sommes très économes avec l’eau, c’est pourquoi nous n’avons pas de machine à laver à bord et faisons notre lessive dans les marinas. Nous dessalons de l’eau de mer à l’aide d’un petit appareil alimenté à l’énergie solaire, et testons des panneaux solaires capables de convertir en énergie également la réflexion de la lumière du soleil sur l’eau."

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Alors, où se niche la poésie? Studio Simple n’est-il pas justement connu pour ses intérieurs chaleureux et ses ambiances inspirées? "La poésie est dans le mouvement. La magie ne réside plus dans les objets, mais dans les lieux et les gens avec qui nous tissons des liens. Je me suis totalement détachée de l’idée d’une maison remplie d’objets", explique Vereecken. "Emménager sur un bateau était l’occasion de repenser notre mode de vie. Nous refusons les habitudes: nous souhaitons continuer à explorer de nouvelles façons d’habiter."

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Ann Vereecken aime beaucoup cuisiner et il lui fallait donc pouvoir inviter ses amis à dîner comme elle l’a toujours fait.
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© Luc Roymans
"Comme nous n’avons plus de potager, nous faisons germer des graines à bord. Et nous mangeons tout ce que la mer nous offre."

La "casa catamaran" est-elle une forme d’escapisme? Ou plutôt un bouton "reset"? "Ni l’un ni l’autre", répond Worst. "Ce n’est pas un projet de ‘middle life crisis’. Nous aimons juste réinventer notre vie. Ces changements ne sont jamais planifiés, ils s’imposent à nous. Nous sommes toujours à la recherche de nouvelles façons d’organiser notre vie, car le monde actuel l’exige. Nous travaillons à notre propre transformation dans un monde en mutation. Au lieu de nous replier, nous prenons littéralement le large."

Bouton reset

Vivre sur un bateau est leur réponse positive aux nombreux défis contemporains: surpopulation, réchauffement climatique, migration, crise du logement. "Les défis sont colossaux", déclare Worst. "C’est pourquoi nous voulons vivre différemment. Pas par peur, car la peur est mauvaise conseillère. Le monde actuel nous incite plus que jamais à ajouter de la couleur et de l’aventure à notre quotidien, et c’est tout à fait possible en mer. L’océan représente une immense étendue sous-exploitée, non seulement comme source d’énergie et ‘zone agricole’, mais aussi en tant que lieu de vie potentiel. Les étendues d’eau de notre planète sont encore largement inhabitées et il n’est pas encore autorisé de vivre en pleine mer, car le cadre juridique reste à définir. Mais le potentiel est énorme."

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© Luc Roymans

Se voient-ils passer le reste de leur vie sur un bateau? Ces dernières années, ils n’ont jamais vécu plus de sept ans au même endroit. "Si je devais dessiner Ann, elle tiendrait un sac de voyage dans une main et la laisse de notre chien dans l’autre. Sa plus grande peur est de se sentir coincée quelque part, aussi paradisiaque que soit cet endroit", explique Worst. Vereecken: "Cette fois, nous n’avons pas fixé de limite de dix ans. Je ne jurerais pas que je veux passer le reste de ma vie sur un bateau, mais il y a de grandes chances que ce soit le cas."

Le catamaran mesure 13,5 mètres de long pour 7,5 mètres de large, des dimensions qui ne lui permettent pas d’amarrer dans n’importe quel port.
Le catamaran mesure 13,5 mètres de long pour 7,5 mètres de large, des dimensions qui ne lui permettent pas d’amarrer dans n’importe quel port.
© Luc Roymans
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