Pour l'instant, c'est le nez plongé dans un de ces romans classiques évoquant les stations thermales que l'on peut faire une cure de bien-être, en attendant de pouvoir s'y rendre à nouveau. Voici 3 idées de lectures pour rêver et "voyager".
1. EN ALLEMAGNE
LIRE? "Le joueur" de Fiodor Dostoïevski, 1866
Les cures n’étaient pas toujours synonymes de plaisir, et cet auteur russe ne le savait que trop bien: Fiodor Dostoïevski est devenu accro au jeu dans les casinos des stations thermales. On peut sans hésiter considérer sa nouvelle "Le joueur" comme un récit autobiographique voilé, écrit dans l’urgence pour régler une nouvelle dette.
Dans le rôle principal, un professeur accro au jeu dans une petite ville thermale allemande de fiction. Il espère se refaire à la roulette et, en cas d’échec, grâce à la mort de sa mère et l’héritage. Détail: avec sa deuxième épouse, Dostoïevski passait de station thermale en station thermale et de casino en casino, espérant en finir plus rapidement avec ses créanciers.
OÙ? Baden-Baden
S’il est une petite ville qui incarne parfaitement la culture thermale européenne, c’est bien Baden-Baden, située dans le sud-ouest de l’Allemagne, à environ 60 kilomètres de Strasbourg. L’eau de source naturellement chaude, à une température pouvant atteindre 68°C, attirait déjà les dignitaires romains dès le IIIe siècle à la lisière de la Forêt-Noire. C’est ici que se pressait le beau monde, lorsque les stations thermales "curatives" sont devenues populaires au XVIIIe siècle.
Baden-Baden attire toujours autant de personnes riches et célèbres.
La reine de Prusse y venait pour ses rhumatismes. Lorsque la tsarine Élisabeth commença à y passer ses étés, l’élite russe, réunissant aristocrates et écrivains, dont Tourgueniev, Tolstoï et Dostoïevski, ne tarda pas à lui emboîter le pas. L’argent de Dostoïevski coulait plus vite dans les caisses du casino que l’eau minérale de la fontaine attenante. Depuis lors, peu de choses ont changé à Baden-Baden: la ville attire toujours autant de personnes riches et célèbres.
Sans le coronavirus, il y aurait des concerts dans le jardin du Kurhaus. Et on peut toujours claquer une fortune au casino. Seule la gorgée d’eau de source bue à la Trinkhalle, autrefois très prisée, appartient désormais au passé. Si les galeries peintes qui mènent à la station de pompage montent toujours la garde, le robinet n’est plus accessible. Une eau pas vraiment "curative", et interdite à la consommation selon la réglementation de l’UE.
CURE? Friedrichsbad
Ne vous laissez pas tromper par le nom: le Friedrichsbad n’est rien de moins qu’un splendide palais. Ses bains datant de 1877 ont longtemps été les plus beaux d’Europe. Le grand-duc de Baden-Baden avait envoyé ses émissaires chercher de l’inspiration sur tout le continent.
Il fallait jouer sur tous les tableaux, car une interdiction des casinos était imminente et les fontaines d’eau ne suffiraient pas à maintenir, à elles seules, l’intérêt des touristes.
Aujourd’hui encore, on peut se détendre et nager entre les piliers et les dômes, dans les salles inspirées de palazzi. Ce symbolisme italien pompeux n’est pas une coïncidence, car la première personne à avoir construit un centre wellness à Baden-Baden fut l’empereur romain Caracalla, à qui Rome devait également l’un de ses plus grands thermes.
Aujourd’hui, le Friedrichsbad propose tout ce qu’on est en droit d’attendre d’un spa resort moderne, y compris des massages aux intitulés titillant l’imagination, comme le "Temps de rêver". Mais le traitement signature incontesté est une série de dix-sept bains consécutifs d’eau de source chaude, tiède et froide et d’air chaud, avec ou sans massage à la brosse à savon, le Seifenbürstenmassage.
Le point culminant: trente minutes de sieste dans une couverture - le service de réveil est inclus - puis conclusion sur le balcon ensoleillé avec un livre et un verre de vin pétillant. Prost!
2. EN GRANDE-BRETAGNE
LIRE? "L’Abbaye de Northanger" de Jane Austen, 1817
Comme presque toute l’œuvre de Jane Austen, "L’Abbaye de Northanger" peut se résumer comme suit: un roman satirique, victorien, plein de charme et de courtoisie, avec des protagonistes juste trop ou pas assez en vue, ce qui débouche invariablement sur des intrigues et des drames.
Ici, l’héroïne Catherine Morland, encore jeune et naïve au début de l’histoire, est entraînée dans le carrousel social de Bath par des voisins plus fortunés.
Détail intéressant: "L’Abbaye de Northanger" n’a été édité que six mois après la mort d’Austen, mais il s’agit de son premier récit, écrit quatorze ans plus tôt.
OÙ? Bath
À Bath, on peut suivre les traces de Jane Austen, fréquenter les théâtres et les salons de thé, comme autrefois.
Du moins, c’est ainsi que l’Office du tourisme aime à présenter sa ville, l’ironie de la chose provenant du fait qu’Austen détestait la ville thermale où sa famille a vécu entre 1801 et 1806. Suite au décès de son père, la famille a connu des difficultés financières. Néanmoins, Bath a été pour elle une source d’inspiration.
La région au sud des Cotswolds était déjà un important lieu de baignade et de prière pour les Romains. Les premiers thermes datent ici de 60 après J.-C., ainsi qu’en témoignent les ruines.
Au XIXe siècle, Bath était au cœur de la culture thermale, événements sociaux et ragots échangés à la fontaine compris. Si l’écrivaine a tourné les querelles sociales en ridicule dans ses romans, la ville prend cela avec le sourire, avec ses fans déguisés en Jane Austen.
CURE? The Gainsborough Bath Spa
À moins de dix minutes à pied de Gay Street, où a vécu Austen, se trouve le Gainsborough, un hôtel de luxe moderne derrière son imposante façade géorgienne et victorienne couleur sable appartenant à deux bâtiments classés du XVIIIe siècle. Oubliez les suites, le restaurant du chef primé, le bar à cocktails ou le salon de thé style boudoir.
Comme les Romains, vous pouvez flotter dans une eau riche en minéraux au Gainsborough.
Le point fort de l’hôtel se cache sous terre: le Gainsborough est le seul wellness du Royaume-Uni à offrir un accès direct à des sources chaudes naturelles. L’architecture du spa est classique et élégante, et la lumière naturelle est amenée par l’impressionnant atrium au-dessus du bassin principal.
Comme les Romains, vous pouvez flotter dans une eau riche en minéraux et bénéficier en plus de massages à jet d’eau, d’une grotte de glace ou d’un traitement personnalisé de massage aromathérapeutique. Ceux qui optent pour le luxe de l’hôtel, mais préfèrent la sensation d’une habitation privée, réserveront la Townhouse attenante: ils auront ainsi accès au Cross Bath, jadis la source où les Celtes vénéraient la déesse Sulis, et désormais la piscine privée de la suite de luxe.
3. EN SUISSE
LIRE? "La Montagne magique" de Thomas Mann, 1924
C'est le fleuron de la littérature moderne allemande. Avant de se lancer dans le monde du travail, le jeune Hans Castorp, le personnage principal, s’installe dans les Alpes suisses auprès de son cousin qui séjourne dans un sanatorium. Fasciné par ce microcosme et ses coutumes étranges, Castorp y restera sept ans au lieu des trois semaines prévues initialement.
Thomas Mann a eu l’idée de son roman philosophique douze ans plus tôt, quand son épouse, en quête de soins, séjournait dans une station thermale réputée de Davos.
OÙ? Davos
Depuis plus d’un siècle, les représentants de l’élite mondiale se retrouvent à Davos, dans les Alpes suisses. L'endroit attirait autrefois les adeptes des thermes. Ce sont aujourd’hui les amateurs de ski qui y vont, ainsi que les leaders de la planète participant, depuis 1971, au Forum économique mondial chaque année.
Rien de tout cela ne se serait produit si un réfugié politique allemand n’avait pas commencé à y travailler comme médecin généraliste vers 1850.
Alexander Spengler avait très vite remarqué que la population pauvre des montagnes avait de beaux corps symétriques, une large poitrine et un cœur solide. Et surtout, que personne n’y était atteint de tuberculose. Il y a donc fondé son propre sanatorium.
En 1900, le village était une station thermale de premier ordre, et on pouvait entendre, lors de promenades, les conversations allemandes, françaises et russes de ceux qui venaient là pour profiter de l’air frais, des randonnées et des séances de théâtre.
CURE? Waldhaus Flims
Cent ans plus tard, les clients se détendent toujours sur la terrasse panoramique de Schatzalp, là où séjournait l’épouse de Thomas Mann. Le sanatorium Belle-Époque de la famille Spengler a été transformé en hôtel dans les années 50, mais le style 1900 est resté inchangé.
Le téléphérique, le Jardin botanique et l’ambiance à la Wes Anderson font que le Berghotel Schatzalp vaut le détour. Pour éviter la sensation de gloire déclinante, nous vous donnons rendez-vous à 70 kilomètres, au Waldhaus Flims.
Waldhaus se présente comme l’escapade parfaite. Ici, on ne lèvera pas le petit doigt.
Cet ancien sanatorium de 1877 est devenu un hôtel de luxe et, avec ses 3.000 m² de station thermale, il a bénéficié de toutes les modernisations nécessaires pour dorloter ses clients.
Toute l’année, on s’y baigne dans des piscines extérieures chauffées alimentées par l’eau des montagnes et on s’y détend dans des bains de vapeur turcs, des salles à infrarouges et des saunas où différentes vues se disputent l'attention des clients. On y pratique même la réflexologie chinoise.
Le Waldhaus se présente comme l’adresse idéale pour une escapade. Les clients n’ont à s'y soucier de rien. Ni de la nourriture (restaurant de luxe de la ferme à la table, gastronomie italienne, table asiatique, caves à vin et bars à cocktails) ni même des enfants (garderie).