Évoque-t-il "Sissi"? Ou plutôt "Le Seigneur des Anneaux"? Bienvenue à l’Apfelhotel! D’une ferme familiale traditionnelle, la quatrième génération en a fait un havre de paix dédié au design où se donnent rendez-vous les hobbits dans l’âme, les cueilleurs de pommes et autres aristocrates amateurs de randonnées et d’air frais.
S'il fallait nommer une trendsetter dans le domaine du bien-être, ce serait Sissi! L’impératrice autrichienne vouait un véritable culte à son apparence physique, ce qui l’a amenée à fréquenter de nombreuses stations thermales en Grèce et à Madère. Cependant, elle revenait régulièrement à Meran/Merano, petite ville de montagne bénéficiant du célèbre microclimat du Sud-Tyrol, la province la plus septentrionale d’Italie.
Meran est le cadre idéal pour réaliser un rêve de jeune fille: un séjour dans le sillage de Sissi, version 2020.
Sissi était une influenceuse avant la lettre: toute la bourgeoisie autrichienne lui a emboîté le pas et est venue y prendre les eaux, flâner au fil des joyaux Art nouveau et poser devant les palmiers avec les montagnes en toile de fond. L’écrivain Franz Kafka y a soigné sa tuberculose et le compositeur Richard Strauss y passait aussi régulièrement ses vacances.
Apfelhotel
Peu de choses ont changé à Meran au cours des deux derniers siècles. Les visiteurs profitent toujours avec enthousiasme des 69 fontaines en marbre et la vallée est parsemée d’hôtels dédiés au bien-être. C’est le cadre idéal pour réaliser un rêve de jeune fille: un week-end dans le sillage de Sissi, mais dans une version tout ce qu’il y a de contemporain.
Pour cela, je ne descends pas au Palace ni au Kurhaus (ces hôtels de luxe où le beau monde séjournait autrefois) mais à l’Apfelhotel, un tout nouveau spa qui n’a rien à envier aux hauts lieux aristocratiques de l’époque. Nous devons celui-ci à Martin (28 ans) et Maria (31 ans) Pichler, deux hôteliers dans l’âme qui ont repris, il y a cinq ans, l’auberge Gasthaus Torgglerhof fondée par leur père.
D’entrée de jeu, le duo a opéré une métamorphose complète et dans laquelle il a investi près de la moitié du capital familial. La chaleureuse ambiance style chalet a fait place à un bâtiment contemporain comptant 18 suites et lofts auxquels sont venus s’ajouter un nouveau restaurant avec de grandes baies vitrées et des pavillons de jardin, une réception design ainsi qu’un bar à cocktails. Enfin, un spa architectural se fond dans une verte colline, dont les entrées évoquent les tanières des hobbits que Tolkien a imaginées dans "Le Seigneur des Anneaux".
Prix de design
L’audace de la famille n’est pas restée vaine car moins de six mois après son achèvement, le spa de l’Apfelhotel, ainsi que fut rebaptisé le Torgglerhof, est nommé pour trois prix de design. "Nous voulions un nouveau bâtiment wellness, sans pour autant nuire à l’aspect panoramique du paysage. C’est noa*, un jeune bureau d’architectes ayant des antennes à Berlin et Bolzano/Bozen, qui a eu l’idée d’une colline recouverte de végétation pour l’intégrer complètement dans la nature."
Au volant d’une voiturette de golf, Maria me fait faire le tour du propriétaire: nous sommes dans une vallée de carte postale à huit kilomètres de Meran. Ce moyen de transport n’est pas un luxe superflu: un verger de 5 hectares de pommiers entoure l’hôtel, où des saisonniers s’affairent à récolter une nouvelle cargaison de Granny Smith.
"Depuis cinq générations, notre famille cultive ces fruits, un produit régional important du Sud-Tyrol. Aujourd’hui, la ferme et l’hôtel vont de pair. Nous cuisinons de préférence nos propres produits pour le restaurant et les pommes jouent également un rôle majeur dans le spa."
Culte de la pomme
Munie d’un peignoir et d’un verre de mousseux à la pomme, me voilà devant la porte en bois du spa. L’ouvrir pour la première fois est une expérience magique: alors que je m’attends à trouver un petit coin sombre, je découvre un lounge lumineux regorgeant d’espaces de détente accueillants. Au beau milieu trône la source thermale, d’où l’eau de la montagne s’écoule directement dans les pédiluves, les fontaines d’eau à boire et la piscine extérieure chauffée.
Au sauna, on peut participer à une séance de versements qui compte neuf arômes de pomme.
Mais le véritable point de mire est l’Apfelsauna, un sauna en forme de pomme offrant une vue panoramique sur les sommets brumeux des montagnes et - what else? - sur les pommiers ondoyants. Pour une immersion complète dans le culte de la pomme, on peut participer à une séance de versements qui compte neuf arômes de pomme, avant de déguster une tasse de thé à la pomme. "An apple a day keeps the doctor away". Ici, on recommande plutôt de doubler la dose...
J’opte pour un soin du visage à base de plantes locales, qui, heureusement, dégagent une palette olfactive un peu plus variée. On me frictionne ensuite avec une lotion à la camomille sauvage, on me pose un masque à l’aloe vera et on m’assoupit avec une compresse de lavande sauvage. Je remarque à peine que l’on stimule ma microcirculation avec des ventouses et même lorsqu’on redessine mes sourcils, je reste alanguie dans les vapeurs chaudes.
"Dans cette région, nous avons une longue tradition des soins naturels, c’est pourquoi nous travaillons uniquement avec des composants bio issus du Sud-Tyrol", explique la thérapeute en me massant les tempes de mouvements circulaires apaisants. Quand je me regarde dans le miroir, j’aperçois que mes pommettes rosées sont tout à fait raccord avec ce décor.
Martin, le benjamin, m’explique pourquoi la pomme, un fruit plutôt banal, joue le rôle principal dans cet hôtel-boutique. Il m’emmène dans une grange où il brasse cidre, jus et mousseux à la pomme. "Quand les gens boivent une bonne bouteille de vin, ils s’en souviennent pendant des années, mais quand ils croquent une pomme, ils l’oublient très vite. Ici, nous voulons restaurer la réputation de la culture artisanale. Pour nous, la pomme est un produit de luxe."
C’est dans cet esprit que Martin a fondé son label de cidre, Anderdog, qui a été élu le meilleur cidre d’Europe l’année dernière. Ces bons produits sont évidemment en vente à l’hôtel, mais aussi sur le webshop.
Depuis lors, il organise des dégustations et des ateliers à l’hôtel. "Les clients aiment donner un coup de main. Pour savoir ce qu’ils ont dans leur assiette, pour renouer avec la nature ou pour vivre quelque chose de nouveau." Ou parce que, parfois, il n’y a pas meilleur moyen de se vider la tête qu’en plongeant les mains dans les pommes, ce que confirme la pomicultrice intérimaire que je suis.
Truffes fraîches
À l’Apfelhotel, agriculture et luxe vont de pair. De même, au Sud-Tyrol, tradition et raffinement sont étroitement liés. Alors que les Alpes autrichiennes sont encore engluées dans la culture des refuges de montagne, ici, l’influence italienne crée une atmosphère plus mondaine. Ce qui se remarque dans l’architecture, mais surtout, dans l’assiette: les copieux repas à base de Knödel et Käse font place aux truffes fraîches, aux pâtes maison et aux légumes du jardin.
"La cuisine du Sud-Tyrol pourrait bien devenir ‘the next big thing’", déclare Christian, époux de Maria et chef de l’Apfelhotel. "Il n’y a pas que les nombreuses recettes locales à base de produits méditerranéens avec lesquelles les jeunes chefs s’en donnent à cœur joie: nous attachons également une grande importance au ‘zero kilometer food’."
À l’Apfelhotel, Christian ne se contente pas de proposer à ses clients un menu ou un buffet du jour: chaque matin, on peut composer son propre menu sept services à partir d’une série d’options. Noix de Saint-Jacques, champignons sauvages et, à l’occasion, chutney de pommes: ici, il est également possible de profiter d’une journée à la montagne sans faire une indigestion de fromage.
Même les "Törgglen" typiques du Sud-Tyrol (des châtaignes grillées dont la saison va d’octobre à décembre) bénéficient d’une touche contemporaine: les châtaignes sont caramélisées sur un grand feu extérieur et, pour les accompagner, Martin propose des cocktails frais à base de son propre cidre, bien sûr.
Slow in the snow
Avec un programme quotidien de dégustation de vin, de cours de yoga et de soins, on pourrait facilement passer une semaine à l’Apfelhotel. Mais ce serait dommage, car les environs de Meran ont tout pour séduire les amateurs d’excursions en montagne.
Venir ici en hiver est une expérience totalement différente, comparée aux grandes stations de ski du reste de l’Italie - sans compter les foyers de coronavirus, qui ne sont pas vraiment tentants. Cela s’explique, notamment, par la taille plus humaine de la station: Meran 2000, accessible par téléphérique depuis le centre de Meran, ne compte que 40 kilomètres de pistes et reste peu connue du grand public.
De plus, grâce à une politique de durabilité poussée, c’est aussi l’un des rares domaines skiables où la nature sauvage n’a pas encore été blackboulée par les skieurs. Le haut-plateau accueille toujours des chevaux Haflinger (une race locale) qui gambadent librement dans les pâturages de montagne.
Ici, on ne vient pas dans le but d’enchaîner un maximum de kilomètres de pistes, mais pour prendre le temps de profiter des odeurs, des sons et des paysages enneigés. Pour le "slow skiing", comme on dit aujourd’hui dans les guides de voyage trendy.
Excursions impériales
Il y a encore quatre autres (petits) domaines skiables dans les environs de l’Apfelhotel, mais pour une fois, cela vaut la peine de laisser ses skis dans les racks: l’hôtel organise régulièrement des excursions en raquettes, guidées par un alpiniste chevronné. On peut également emprunter l'une des longues pistes de ski de fond, accessibles en téléphérique d’époque, serpentant entre les pins (l'un d'entre eux se trouve à un kilomètre à peine de l’hôtel).
Les cyclistes emprunteront le Passeiertal Cycling Trail, un itinéraire de longue distance à travers prés et vignobles. Enfin, une bonne vieille "passeggiata" au marché de Noël de Meran, où les chalets kitsch ont fait place à des cabanes architecturales, est un plaisir incontournable.
En ce qui me concerne, j’ai opté pour l’activité que la sportive Sissi pratiquait ici avec le plus grand plaisir: la randonnée. Depuis la porte de l’hôtel, je suis le chemin longeant le canal qui irriguait le château de Trauttmansdorff, la résidence où l’impératrice a séjourné à plusieurs reprises. C’est ici qu’elle marchait des kilomètres à travers les jardins botaniques, donnant des ordres précis pour que les chemins soient quotidiennement recouverts de fin gravier afin qu’elle puisse "se couper du monde sans être dérangée".
Chemin après chemin, je marche dans son sillage et termine ma promenade en saluant sa statue dans le parc Élisabeth. Sissi n’a peut-être pas trouvé la paix à Meran, mais moi, au moins, je n’ai pas à me plaindre de ma cure impériale. Cependant, pendant quelques semaines, je ferai l’impasse sur le panier de pommes généreusement offert au bureau.
La nuitée dans les nouveaux garden lofts, à partir de 149 euros par personne et par nuit en demi-pension. Apfelhotel.be, shop.torgglerhof.it