Glamping dans les jardins de Mobutu

Camping glamour dans les jardins de Mobutu, l'escapade estivale qu'ils nous fallait à deux pas de chez nous: cet été, trois designers belges décorent de chicissimes tentes pour la marque de champagne Piper-Heidsieck. Sabato plante le décor, à la découverte de l'histoire de Mobutu.

Le jardin du Château Fond'Roy à Uccle est impeccable: arbres magnifiques, arbustes fleuris, gazon bien taillé, petit pont idyllique enjambant l'étang. Rien ne suggère que ce domaine appartenait autrefois à Mobutu Sese Seko (1930 - 1997). Sauf peut-être la tente safari de la décoratrice bruxelloise Maryam Mahdavi. Lion empaillé, portemanteau colonial, tapis nomades: c'est Out of Africa.

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La tente safari de Maryam Mahdavi avec lion empaillé, patère coloniale et tapis nomades. "Pour un MacGyver glamour."
La tente safari de Maryam Mahdavi avec lion empaillé, patère coloniale et tapis nomades. "Pour un MacGyver glamour."
©Piper Heidsieck

Mahdavi participe au projet 'glamping' (glamour + camping) des champagnes Piper-Heidsieck. Elle fait partie des trois décorateurs belges qui y ont aménagé une tente de luxe. Celle de la maison de champagne respire le luxe à la française; celle de Mahdavi est 'Marie-Antoinette meets Mobutu'; celle de Lionel Jadot est éclectique et nonchalante; celle de Bea Mombaers et Peter Ivens, minimaliste et accueillante. "Le projet a quelque chose d'onirique et d'enfantin: l'été, les enfants préfèrent dormir dehors, sous tente, plutôt qu'à l'intérieur", rit Mahdavi. "Ma tente, c'est Versailles pour l'hommes des cavernes. Ou pour un MacGyver glamour."
Si vous réservez une tente au Camping Piper du 20 au 26 juillet, pour le prix de 390 euros vous aurez un dîner au champagne, une séance de cinéma en plein air, une nuitée dans une tente de luxe et un petit déjeuner au champagne.

Villégiature royale
Le Château Fond'Roy se trouve sur l'une des plus prestigieuses avenues uccloises, l'avenue du Prince d'Orange. C'est là que Mobutu avait sa résidence d'été, entre 1973 et 1997. Il y donnait des réceptions et des dîners d'État. Aujourd'hui, cette demeure sert de centre de conférence et peut également être louée pour des réunions d'affaires, mariages, réceptions, lancements de produits ou conférences de presse. "Un salon privé d'art et d'antiquités y est même organisé chaque année", explique l'exploitant directeur Charles-Henri t'Kint, qui a installé ses bureaux dans les anciennes écuries.

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Quand le château de Mobutu fut vendu, en 1997, on trouva dans la cave à vin un nombre colossal de bouteilles. Et deux Mercedes dans le garage.
Quand le château de Mobutu fut vendu, en 1997, on trouva dans la cave à vin un nombre colossal de bouteilles. Et deux Mercedes dans le garage.
©Piper Heidsieck

Le Château Fond'Roy a connu une histoire mouvementée. Sur la façade, on peut lire le nom de l'architecte Camille Damman, à qui l'on doit l'église de la place Brugmann à Ixelles. "Au départ, le château néoclassique devait être une résidence de villégiature pour le roi Léopold II, mais il décède en 1909. La construction est finalisée entre 1910 et 1911", explique l'historien bruxellois Carlo R. Chapelle qui, à la demande de l'actuel propriétaire, termine une étude de 300 pages sur le domaine. Sur les traces des propriétaires, des résidents et du personnel de maison, il a passé au crible toutes les archives et administrations possibles.

"Le premier occupant était un certain Jean Berckmans, agent de change bruxellois. Étangs, ponts, arbres et kiosques ornaient déjà son jardin. En 1919, le château est devenu la propriété du notaire-avocat-sénateur Albert Poelaert, neveu de Joseph Poelaert, l'architecte qui a donné son nom à la place devant le Palais de justice de Bruxelles. Le château était sa résidence d'été: Poelaert n'y a jamais été domicilié." Le couple n'avait pas d'enfant, pourtant la succession ne se déroula pas sans heurts et le château fut revendu en 1948 à la compagnie d'assurances Royale Belge, qui le transforma en centre sportif pour son personnel.

En 1973, par l'intermédiaire d'un mandataire local, la compagnie d'assurances cède le château à Mobutu qui en fit une de ses propriétés en Belgique. Il n'y séjournait rarement, mais une dizaine de personnes (chauffeurs, personnel de maison, gardes du corps) y résidaient en permanence. En 1997, il est vendu à l'homme d'affaires Stéphan Jourdain. Bien que ce ne fût pas prévu au départ, en avril 1997, il y installa le siège d'un nouveau club d'affaires, le Cercle de Lorraine. Ce dernier quitte les lieux en 2010 pour l'hôtel de Mérode, place Poelaert. L'actuel propriétaire du Château Fond'Roy est un investisseur immobilier bruxellois qui l'avait acheté pour s'y installer avant de finalement renoncer à ce projet.

Tente par Lionel Jadot.
Tente par Lionel Jadot.
©Piper Heidsieck

Centrale téléphonique
Pour plus d'informations de première main au sujet de Mobutu et de son château, nous nous adressons à l'homme d'affaires Pierre Janssen, auteur du livre autobiographique 'À la cour de Mobutu'. Le 4 juillet 1992, il épouse Yaki, la fille Mobutu, issue de son premier mariage. Le Belge se retrouve donc gendre du président zaïrois et témoin privilégié jouissant d'un accès sans précédent à l'entourage de Mobutu.

"Étangs artificiels, six hectares de jardins à la française et quarante chambres: le Château Fond'Roy, au sud de Bruxelles, est un véritable bijou", écrit-il dans son livre paru en 1997 qui se lit comme un règlement de comptes avec son gaspilleur d'ex-beau-père. "Valeur du bâtiment: entre 8 et 9 millions de dollars. Mobutu possédait encore 6 propriétés et 8 appartements en Belgique. Valeur totale: 25 millions de dollars."

Janssen raconte aussi que le Château Fond'Roy servait également de super central téléphonique de luxe: Mobutu y avait fait installer un central crypté à la pointe du progrès de téléphonie par satellite. Coût d'une communication: 6 à 8 dollars la minute. Le personnel et les opérateurs du système en faisaient leurs choux gras. "Fond'Roy est devenu le lieu de rencontre des Zaïrois de Bruxelles. L'un appelait sa mère au pays, l'autre sa fille qui étudiait en Amérique... Les conversations pouvaient durer des heures et les gardiens fermaient les yeux grâce à de généreux pourboires. Les factures téléphoniques étaient astronomiques, 50.000 à 60.000 dollars par mois! Mais toutes étaient payées rubis sur l'ongle. Mobutu n'a jamais rien su. Il payait."

©GAMMA

Kitsch colonial
D'autres anecdotes nous ont été racontées par le ministre d'État Herman De Croo, régulièrement invité à Fond'Roy. "J'ai dû y aller au moins 10 fois", se souvient-il. "Peu après le départ de Mobutu, une fois que le Cercle de Lorraine y avait pris ses quartiers, je suis venu y prononcer un discours. J'ai commencé en disant que je reconnaissais de nombreux visages dans la salle parce que je les avais déjà rencontrés du temps où c'était la résidence de Mobutu. Agitation dans le public, bien sûr: beaucoup de gens faisant semblant d'y mettre les pieds pour la première fois. Plus personne ne voulait être associé à lui. Je me souviens d'ailleurs que l'aménagement intérieur du château n'était ni excessif, ni décadent."

Carlo Chapelle ne semble pas de cet avis. Il nous montre trois photos d'amateur prises à l'époque de Mobutu: sols en marbre, chaises en léopard, zèbre et écaille de tortue, table pouvant accueillir 15 personnes. Le kitsch colonial années septante à la puissance dix. "Quand le château a été vendu, en 1997, une partie du mobilier est restée. Dans les caves, il y avait une quantité colossale de bouteilles de vin, deux Mercedes dans le garage et les garde-robes étaient pleines de vêtements", souligne Chapelle.

Même si Mobutu y séjournait rarement, il y avait à Fond'Roy en permanence une dizaine de personnes: chauffeurs, personnel de maison et gardes du corps.

Pour la petite histoire, Mobutu et Herman De Croo avaient le même tailleur à l'époque, Arsoni à Bruxelles. "J'y allais pour mes costumes sur mesure et Mobutu pour ses 'abacosts'", se souvient le ministre d'État. "Un jour, j'ai reçu une lettre officielle de l'entourage de Mobutu me demandant si j'acceptais d'être le parrain de confirmation de l'un de ses enfants. La fête devait se dérouler à Fond'Roy. J'étais flatté et surpris, mais, en tant que politicien, je ne pouvais évidemment pas accepter et j'ai donc poliment refusé. Étrangement, il a apprécié que j'aie osé lui dire non, lui qui était un chef d'État très puissant."

Du 20 au 26 juillet, on pourra se la jouer comme Mobutu en réservant une nuit dans une des tentes de luxe plantées dans ce qui fut la propriété uccloise de l’ex-président.
Piper-Heidsieck Glamping, du 20 au 26 juillet au Château Fond'Roy, avenue du Prince d’Orange 49-51 à Uccle. Réservations sur piper-heidsieck@oona.be

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