Hektor, la nouvelle ferme d'hôtes sauvage de Belges à Lanzarote

À Los Valles, un village rural de Lanzarote, les touristes ne viennent pas. Sauf pour se rendre chez Hektor, la nouvelle "farm, arts & suites" de deux Belges. Nous sommes allés leur rendre visite.

Los Valles n'est pas repris dans les guides de voyage, mais ce village niché dans les collines qui ont toujours servi de champs de pommes de terre respire l'atmosphère d'antan, celle de la Lanzarote des origines. "Bienvenue dans notre petite vallée", me lancent Bert Pieters (43 ans) et Yves Drieghe (40 ans) dès mon arrivée chez Hektor. Dans une autre vie, ils étaient propriétaires de l'agence de branding créatif Dift, vivaient à Gentbrugge où ils avaient transformé un ancien café en maison de ville trendy, travaillaient à Dok Noord pour des clients comme Ikea et la ville d'Anvers. Aujourd'hui, ils vivent à Los Valles.

Bert Pieters (43) et Yves Drieghe (40) ont dit bye-bye au stress et ont ouvert Hektor, une ferme et maison d'hôtes sur l'île de Lanzarote.
Bert Pieters (43) et Yves Drieghe (40) ont dit bye-bye au stress et ont ouvert Hektor, une ferme et maison d'hôtes sur l'île de Lanzarote.
©Yves Drieghe
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"Nous gagnons moins, mais nous vivons davantage."
Yves Drieghe

Manège infernal

C'est au point culminant de Lanzarote, avec vue sur l'océan, le volcan et la vallée que le duo a élu domicile et acheté un grand terrain. Pendant près de deux ans, ils ont travaillé à l'aménagement d'une ferme permettant aux visiteurs de passer la nuit et de prendre leur petit-déjeuner face à une nature époustouflante.

Comment diable deux entrepreneurs belges deviennent-ils paysans à Lanzarote? "Le changement peut sembler radical, mais pour nous, il s'agit plutôt d'une suite logique", explique Drieghe. Le projet leur trottait dans la tête depuis un certain temps. "Nous voulions sortir de cette course effrénée. Le stress et les deadlines ont fait place à un mode de vie plus lent. Je connaissais Lanzarote pour y avoir couru des marathons. Cette île m'avait ensorcelé dès la première minute, et elle m'enchante toujours autant." Le paysage volcanique, la mer, le soleil, les couleurs, les créations de l'artiste César Manrique: il est vrai que l'île ne manque pas de sujets d'émerveillement.

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"Nous nous sommes mis à la recherche d'une maison", poursuit Pieters. "Nous avons très vite su que nous ne voulions pas acheter juste une résidence secondaire, mais laisser tomber notre mode de vie: l'entreprise, la maison, tout. En Belgique, on court sans cesse d'une chose à l'autre et on a parfois l'impression de travailler uniquement pour faire tourner le manège. Si votre activité n'aide pas à améliorer votre quotidien, c'est que vous n'êtes pas sur la bonne voie. Ici, l'argent et le statut sont moins importants. Les gens ne sont pas obsédés par l'idée d'avoir toujours plus. Les choses qui semblaient si importantes deviennent dérisoires. Quand je fais du vélo, je n'ai pas besoin de porter des vêtements de marque. Nous traînons en tenue négligée depuis des mois. Nous gagnons moins, mais nous vivons davantage."

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©Yves Drieghe
"Le changement peut sembler radical, mais pour nous, il s'agit plutôt d'une suite logique."
Yves Drieghe

Tout réinventer

Tout est possible; rien n'est obligatoire. Cet état d'esprit a été décisif quand ils ont décidé de sauter le pas. Ils ont fait table rase et ont tout vendu pour commencer une nouvelle vie dans un endroit où le temps s'écoule plus lentement. Ils ont acheté une finca abandonnée, une ferme typique de Lanzarote.

"C'est un ensemble de petites pièces disposées autour d'un patio qui fait office de climatiseur naturel. Ce type de maison date des années 50 et elles sont souvent vides, car elles sont trop grandes, leur agencement est un casse-tête et il y a trop de terrain. Mais elles connaissent un regain d'intérêt, car des jeunes essaient de leur trouver de nouvelles affectations", témoigne Pieters. "Nous avons directement vu son potentiel: ces pièces pourraient être nos chambres d'hôtes. Quant au terrain, nous voulions tenter d'y cultiver autre chose que de la pomme de terre. Nous aimons l'ambiance de vallée qui caractérise Los Valles. Loin de tout, même si le premier village avec des magasins et des restaurants est à cinq minutes en voiture. La plage est également à deux pas."

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À Lanzarote, pas de pression ni de recherche de la performance. Ils ont décidé de laisser l'agitation en Belgique: leur WhatsApp est désactivé le soir et le stress n'a pas droit de cité ou, en tout cas, beaucoup moins.

©Yves Drieghe

Ludique et éclectique

Cet été, le duo a donc ouvert Hektor, nommé en souvenir de leur labrador aujourd'hui disparu. La finca a été rénovée de fond en comble pour se métamorphoser en ferme avec chambres d'hôtes. Ils collectionnent l'art et le design graphique depuis des années, et leur collection les a suivis à Lanzarote. Dans les chambres, les œuvres de Jean Jullien et les lampes de Jaime Hayon se marient avec leurs trouvailles locales. La couleur jaillit des portes, des rideaux et des carreaux des salles de bain, tout comme le faisait César Manrique, le maître du style local, qui apportait de la joie en jouant avec la couleur. "Nous nous sommes inspirés de lui, mais nous y avons mis note grain de sel. Notre style a toujours été ludique et éclectique."

©Yves Drieghe

Le couple invite également des artistes en résidence: ils séjournent au domaine et peuvent laisser une œuvre en guise de cadeau d'adieu. Dans la piscine, on découvre un portrait réalisé par Strook, tandis que des peintures de Richard Haines et d'Amit Berman ornent la maison. "Cet automne, et en 2024, de nombreux designers intéressants viendront en résidence. Ainsi, Hektor devient peu à peu une destination artistique ce qui, en combinaison avec la nature volcanique si particulière de Lanzarote, fera des étincelles."

©Yves Drieghe
Le couple invite des artistes en résidence, qui peuvent laisser une œuvre à l'issue de leur séjour. Dans la piscine, on découvre un portrait réalisé par Strook.
Le couple invite des artistes en résidence, qui peuvent laisser une œuvre à l'issue de leur séjour. Dans la piscine, on découvre un portrait réalisé par Strook.
©Yves Drieghe

Essais et erreurs

Ce qui est peut-être encore plus impressionnant, c'est la façon dont, sans aucune connaissance en la matière, ils ont réussi à créer une ferme sur des plateaux de différentes hauteurs. Citrons, olives, papayes, bananes, potirons, aubergines, oignons jeunes, choux-fleurs, pastèques, figues, maïs, tomates... Le verger de deux cent arbres fruitiers et le potager de quatre-vingt sortes de légumes s’étendent sur plus de deux hectares.

Les hôtes, ainsi que les visiteurs, peuvent réserver une découverte guidée au cours de laquelle Pieters et Drieghe expliquent le fonctionnement de leur propriété et comment ils ont appris le métier, par essais et erreurs.

"Nous faisons tout nous-mêmes, du désherbage à l'élaboration du système d'irrigation. Nous cultivons selon le principe de la permaculture, qui consiste à combiner les plantes pour qu'elles se renforcent mutuellement et vivent plus longtemps. Par exemple, la lavande éloigne les insectes des arbres fruitiers. Ou les plantes sensibles à l'ensoleillement poussent mieux à l'ombre des feuilles de potiron. La permaculture consiste à cultiver des plantes variées tout au long de l'année, plutôt qu'une seule en monoculture. Si on se limite à la pomme de terre, par exemple, on est trop dépendant des conditions météorologiques.

La ferme produit des fruits et des légumes en permaculture sur une surface de plus de deux hectares. Le duo a tout fait lui-même, du système d'irrigation au choix des variétés cultivées.
La ferme produit des fruits et des légumes en permaculture sur une surface de plus de deux hectares. Le duo a tout fait lui-même, du système d'irrigation au choix des variétés cultivées.
©Yves Drieghe

Ânes du refuge

Les produits de leurs terres ne sont pas vendus, mais se retrouvent dans l'assiette des hôtes au petit-déjeuner: il est végétarien, et tellement innovant qu'un livre de cuisine ne devrait pas tarder à voir le jour. Du pain fraîchement sorti du four aux crêpes au potiron, en passant par la pâte à tartiner maison, on a envie d'en connaître toutes les recettes!

Hektor a l'ambition de devenir une destination artistique de premier plan à Lanzarote.
Hektor a l'ambition de devenir une destination artistique de premier plan à Lanzarote.
©Yves Drieghe

Des ânes se promènent dans la cour. "Ils viennent d'un refuge", explique Pieters. LanzÁnimal est un projet social qui recueille des animaux maltraités ou abandonnés. "Notre Silvestre est un Majorera, une race d'âne menacée à Lanzarote. Il n'en reste que quelques-uns aux Canaries: la plupart d'entre eux se trouvent à Fuerteventura, d'où ils sont originaires."

Tous les ânes du domaine Hektor ont été adoptés dans un refuge pour animaux maltraités ou abandonnés.
Tous les ânes du domaine Hektor ont été adoptés dans un refuge pour animaux maltraités ou abandonnés.
©Yves Drieghe

Lorsqu'on discute avec Pieters et Drieghe, on comprend très vite qu'ils connaissent bien l'île. Ils partent à la recherche des plus beaux endroits et des meilleurs produits. Leur amour pour Lanzarote s'exprime dans tout ce qu'ils font. Ce ne sont pas des étrangers qui se contentent d'aménager une maison sans se soucier des voisins ni des traditions locales. "Les habitants de Los Valles viennent ici pour nourrir leurs ânes et s'il y a trop de tomates, le café Mura de Teguise, tout proche, en fait des toasts." Il suffit de jeter un œil sur leur compte Instagram @hektorlanzarote pour percevoir la beauté de "leur" île. Non seulement dans les paysages, mais aussi chez les gens.

Drieghe s'est formé à la photographie et capture les habitants, leurs histoires et chaque recoin de Lanzarote avec beaucoup d'amour et de respect. "Ici, nous nous sentons chez nous."

Nouvelle génération

Cet amour pour Lanzarote est propre à la "new wave of tourism". Ceux qui ont récemment séjourné sur l'île savent que quelque chose est en marche. Une nouvelle génération d'entrepreneurs jeunes et moins jeunes insuffle de la vitalité dans le tourisme traditionnel. On privilégie le retour aux sources, en se focalisant davantage sur "ce qui est propre à Lanzarote" plutôt que sur "ce que veut le touriste de masse". Par exemple, une micro-boulangerie qui redécouvre les céréales locales (Stulle), une petite brasserie artisanale (Malpeis), un créateur de céramiques qui compte plus d'un million d'abonnés sur TikTok (Gabriel Ceramics): c'est tout un écosystème qui redonne des couleurs à la découverte d'un lieu, même si l'on ne fait qu'y passer un moment de détente.

"Coïncidence ou pas, nombre de ces initiatives sont dans le nord de l'île, où se trouve également Hektor, explique Pieters. Les grands complexes hôteliers sont dans le sud, car il y fait plus ensoleillé. Le nord est un peu plus rebelle. Dans cette partie, on sent que les gens veulent protéger l'île et son authenticité."

Le tourisme de masse dévore l'âme des lieux et les habitants du nord montrent qu'il est possible de procéder autrement. Une évolution discrète. Ou comment prendre soin non seulement de soi, mais aussi d'une identité insulaire ancestrale.

Hektor
| Prix | À partir de 126 euros la nuit
| Site web | hektor.es

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