Edson Anibal nous parle de ses voyages en train. Au menu: embêter les autres passagers en ronflant, organiser un tour du monde culinaire et rater les départs.
Sur la route 3/6
Prendre le large ne se limite pas à la Beat Genération. Le voyage est une source d'inspiration intemporelle, un moment de flottement qui éveille l'imaginaire. Nous avons demandé à six Belges ce que leur évoque le fait d'être sur la route. Voici ce que l'acteur Edson Anibal nous a répondu.
Edson Anibal ne tient pas en place. Son cerveau cogite en permanence, et, s'il adore voyager, c'est plutôt dans son imaginaire, pour donner naissance à de nouveaux projets artistiques. Il apparaît pour la première fois sur grand écran dans la comédie française "Premier de la classe", en 2019. Les choses se sont ensuite enchaînées pour le Bruxellois.
Comme il est hyperactif, il a toujours plusieurs marmites sur le feu. Il a cocréé le collectif "le Sbeul", qui aborde le racisme de manière frontale sur les planches des théâtres belges. Sa prochaine apparition au cinéma sera aux côtés de Romain Duris, fin août, dans "La nuit se traîne" de Michiel Blanchart.
"Le monde est un playground. Tout ce que je vois, j'entends ou je traverse, se retrouve dans mon travail artistique. C'est même parfois envahissant. Quand je me dispute avec ma copine, ça m'arrive de dire 'wow, attends, je vais noter ce qu'on vient de dire'. Mais elle comprend, elle est dans le milieu aussi."
"Je suis un professionnel du ratage de train."Edson Anibal
Quel est ton mode de transport préféré pour voyager?
"Le train. J'ai toujours la flemme de le prendre, mais je m'y sens terriblement à l'aise, comme si j'étais dans un tunnel et que la vie n'existait plus. Je me crée un univers et plonge dedans. Ensuite, je m'endors et je ronfle. Je me fais réveiller par les passagers avec une tape sur la cuisse, c'est systématique. Je me rendors et une autre tape. C'est un délire."
"Pendant les longs trajets, je regarde des films, c'est une manière de bosser. J'analyse le jeu des acteurs, je me pose des questions sur la façon dont ils ont été dirigés et j'analyse la narration. Dans les films hollywoodiens, la structure est souvent la même. Minute dix: élément déclencheur, minute trente: plot twist, etc. Je prends des notes sur mon téléphone. J'ai essayé les carnets, mais je les perds."
"Je révise aussi des textes ou j'en écris. Je me pose des questions sur les gens, leur parcours, leur journée, leur état émotionnel. C'est comme du softwork. J'observe la vie se dérouler sous mes yeux et ça me donne des idées."
Arrives-tu en avance à la gare?
"Je suis un professionnel du ratage de train. J'arrive soit last minute, soit je le loupe et je prends le suivant. En général, si je rate un train pour un tournage, c'est un bon présage."
"Une fois, j'avais deux tournages qui se superposaient dans deux villes différentes. Ils se sont embrouillés au niveau des dates. Le premier m'a mis des dates à un moment où je devais être sur le deuxième. Le dernier jour, on tournait dans une prison. Il y a donc des règles de sécurité bien spécifiques. On ne se déplace qu'avec l'équipe, on est surveillé et il faut sa carte d'identité. On prend un gros retard et je loupe le dernier train. Le lendemain, c'est le 1ᵉʳ novembre, c'est férié, il n'y a pas de train qui m'amène à Paris. Sauf qu'on m'attend à huit heures sur le deuxième tournage. Je galère à aller jusqu'à Paris, j'appelle un Hitch, un vieux tacot arrive et je me dis tant pis, je rentre dedans et je dis au chauffeur de foncer. J'arrive deux minutes avant le départ du train, on m'interdit de monter. Finalement, je vais jusqu'à Lille et le producteur vient me chercher. Je suis arrivé sur le plateau avec cinq ou six heures de retard, toute l'équipe me tirait la gueule, car la moindre minute perdue coûte de l'argent. Au final, j'ai bouclé toutes les séquences avant l'heure de fin. Je ressentais une telle adrénaline que j'ai tout réussi en une prise."
Tu as l'air d'être serein quand tu loupes des trains.
"Hyper serein. Je vis ma petite vie, je révise mes textes. Mais les équipes sont en panique. Ma notion du temps est diffuse, je n'ai jamais l'impression de perdre du temps. Je me dis que, si ce n'est pas maintenant, c'est que ça doit se faire comme ça. Il y aura toujours des échéances. Mais peut-être que je suis trop tranquille."
As-tu une destination de rêve?
"J'aimerais poser les pieds sur la Lune ou une autre planète. Je suis très intéressé par l'idée du voyage spatial, mais je suis un néophyte de l'astronomie. J'aime bien regarder les étoiles, c'est un peu cheesy, mais ça touche à d'autres couches de notre humanité."
"J'aimerais organiser un tour du monde culinaire. On planifie, on fait un itinéraire, et on va manger des trucs dans chaque pays. Ce serait pour goûter les plats chez les gens et comprendre comment leur a été transmis leur savoir-faire culinaire. Je suis un grand gourmand."
Quel est ton souvenir de vacances préféré?
"Quand j'étais petit, ma destination préférée était la cité de mes cousins en France, à Paris. Pourtant, je suis allé en Italie et au Portugal, mais je préférais aller au quartier dans un bâtiment tout gris. Je m'y sentais bien, à ma place, on faisait des conneries. À chaque fois, j'avais l'impression de redécouvrir le monde."
"Mes voyages en Guinée m'ont aussi beaucoup marqué. C'est l'un de mes pays d'origine. J'y ai ma famille ancestrale et mes racines, alors qu'on ne parle pas la même langue. J'ai l'ancrage culturel, mais pas linguistique. J'aimerais aller en Angola, c'est mon deuxième pays d'origine. J'aimerais prendre le temps de me poser là-bas."
"Les couchers de soleil à Conakry, en Guinée, sont incroyables. C'est une capitale où tout va très vite. Ça vibre en permanence, mais quand le soleil se couche, il y a un calme qui s'impose sur la ville."
Quel est ton dernier voyage?
"Mon dernier voyage intéressant était à Agadir, au Maroc, pour le festival du cinéma. Le pays d'honneur était la Belgique et je faisais partie de la délégation belge. J'ai eu droit à une semaine tout frais payé, c'était agréable que mon travail me permette d'arriver là."
"Je devais aller dans une crique, dans une oasis, tout le groupe avec lequel j'étais y est allé sauf moi parce que j'ai raté le départ. Finalement, il s'est passé de belles choses, j'ai passé la journée au Souk, c'était magnifique. Tu pénètres dans une espèce de rempart, comme si tu entrais dans un château-fort, puis tu te balades, tous les marchands essayent de t'attraper, il y a beaucoup de senteurs d'épices."