La première maison achetée par Nelson Mandela à sa sortie de prison est devenue un hôtel, le Sanctuary Mandela. Séjourner dans l'une de ses neuf chambres, c'est vivre une émotion unique.
"Tout a un sens", déclare Dimitri Maritz au sujet de la transformation de la maison située au 4, Thirteenth Avenue, dans la banlieue de Houghton à Johannesburg. La première maison que Nelson Mandela acheta en tant qu’homme libre est désormais un boutique-hôtel. Maritz n’a pas tort: dans le jardin du Sanctuary Mandela, il y a des roses et des strelitzias, des plantes grasses comme le pourpier en arbre et l’arbre-beurre, choisis pour leur potentiel de survie. Une sculpture dans la véranda est basée sur une photographie de Mandela. À l’intérieur, des diffuseurs de parfum Cape Island vaporisent des fragrances de bergamote, les préférées de Mandela. Chacune des neuf chambres représente une période de sa vie et affiche une des gravures numérotées de la série "Mandela: a life’s journey", de John Meyer.
"Cette maison était un refuge pour Tata et ceux qui venaient du monde entier pour le rencontrer", explique Maritz, directeur général de l’hôtel, qui utilise invariablement son surnom lorsqu’il parle de Nelson Mandela -Tata signifie "père" en xhosa. Maritz nous montre un tableau de Meyer représentant Mandela assis sur un banc, à côté de Bill Clinton. Il est accroché au centre du mur, entouré de photographies du plus célèbre militant anti-apartheid du monde dans différents rôles: père, ami et homme d’État. "Disons que nous ne faisons que mettre en forme ce qui a toujours été."
Après avoir été libéré, en 1990, Nelson Mandela retourne vivre avec son épouse Winnie au 8115, Vilakazi Street, la petite maison de Soweto où ils ont vécu avant son arrestation, en 1962. Mais Mandela aimait Houghton, la banlieue huppée de la périphérie, située entre l’ancien et le nouveau quartier des affaires de ‘Joburg’. En 1992, il achète alors une maison de deux étages, où il emménage avec quatre de ses petits-fils.
Même pendant ses années de présidence, le 4, Thirteenth Avenue, demeure sa maison préférée. Il appréciait la vie de famille et trouvait là l’espace adéquat pour penser à l’étape suivante. Lorsqu’il quitte la présidence, c’est encore là qu’il crée la Fondation Nelson Mandela, une organisation à but non lucratif dédiée à la justice sociale, un projet qui a rapidement pris trop d’ampleur pour être géré depuis une maison ordinaire. Mandela était déjà octogénaire, mais il allait s’y impliquer pendant dix années encore, jusqu’à ce jour où il déclara en plaisantant: "Et maintenant, je vais mettre fin à ma retraite pour... prendre ma retraite."
Lettre à ses deux filles
Ouvrir la porte de la chambre "Président", le nom que l’on a attribué à la chambre numéro 9, est une expérience inoubliable, car c’est ici que dormait Nelson Mandela. "Son petit-fils, Mandla, nous a expliqué que, lorsqu’on était appelé dans cette pièce, on entrait toujours en tremblant. Lorsqu’il voulait nous parler entre ces quatre murs, nous savions que nous étions mal barrés", raconte Maritz, faisant référence à Mandla Mandela, aujourd’hui membre du Parlement du Congrès National Africain.
La pièce a été entièrement réaménagée dans un style contemporain: miroir ovale sans cadre, suspensions aériennes et fauteuils club en cuir. Mais cela ne change rien au sentiment que l'on éprouve en rentrant dans cette pièce en sachant que Nelson Mandela ouvrait cette même porte et regardait par cette fenêtre tous les jours à une époque de sa vie.
La chambre numéro 3, la chambre douillette et lofty dans laquelle dormait Mandla et qui porte désormais le nom de "Tata", est plus agréable. Dans la salle de bain, on ne peut s’empêcher de regarder la photo incroyablement puissante d’un père heureux entouré de tous ses enfants.
Cependant, c’est dans la chambre 5, appelée "Nel", le surnom que Walter Sisulu, membre de l’ANC et codétenu, avait donné à Mandela à l’époque où ils étaient prisonniers dans la prison de Robben Island, que la plus grande émotion nous envahit. C’est ici qu’est accrochée une reproduction encadrée d’une lettre que Mandela avait écrite en 1969 à ses filles, Zenani et Zindzi, alors âgées de dix et neuf ans. Les fillettes avaient trois et deux ans lorsqu’il a disparu de leur vie, condamné à rester derrière les barreaux. Et 16 ans lorsqu’elles ont été autorisées à lui rendre visite pour la première fois.
Voici ce que Mandela écrivait à ses deux filles: "Zindzi dit que son cœur saigne parce que je ne suis pas à la maison. Elle veut savoir quand je serai de retour. Je ne sais pas quand je reviendrai, mes chéries. Vous vous souviendrez que dans une lettre que j’ai écrite il y a trois ans, je vous ai expliqué que le juge blanc a dit que je devais rester en prison toute ma vie. Mais je suis certain qu’un jour, je rentrerai à la maison, pour être heureux avec vous jusqu’à la fin de mes jours."
"Mandela appréciait la cuisine traditionnelle xhosa. Pour qu’elle plaise à notre clientèle, nous voulions une version contemporaine."Xolisa Ndoyiya
Ragoût de queue de bœuf
Il est temps de penser à son estomac: le dîner est servi dans le restaurant. La cuisinière qui est au fourneaux, Xolisa Ndoyiya, est une vieille connaissance du président: pendant vingt-deux ans, elle a été la cuisinière personnelle de Nelson Mandela. Au menu: kingklip (poisson local) frit légèrement, salade de papaye épicée de Cape Malay et potiron mariné, suivis d’une fricadelle de lentilles servie sur du tahini et d’un velouté de pois chiches avec pomme, fenouil et salade de radis.
Nous n’avons pas droit à l’une des spécialités de Xolisa, un ragoût de queue de bœuf qui mijote pendant des heures, "le plat préféré de Tata", confie la cuisinière. Aujourd’hui, elle le prépare sous forme de raviolis. "Tata adorait la cuisine traditionnelle xhosa", ajoute-t-elle. "Mais pour la clientèle de l’hôtel, nous voulions en donner une version plus contemporaine."
Must absolu
Après la mort de Nelson Mandela, le bâtiment est légué à la Fondation Nelson Mandela, mais c’est Jerry Mabena, directeur de Motsamayi Tourism Group, qui a proposé de le transformer en hôtel. "La gestion d’un musée coûte cher", explique-t-il. "Nous voulions créer une extension plus ‘vivante’ de la Fondation Nelson Mandela. Un espace contemplatif qui, nous l’espérons, inspirera les visiteurs grâce à la mémoire de Mandela."
Pour clôturer le séjour, tous les clients de l’hôtel ont droit à une visite guidée du Nelson Mandela Centre of Memory, situé non loin de là. Une découverte à ne pas rater.
"Le juge blanc a dit que je devais rester en prison toute ma vie. Mais je suis certain qu’un jour, je rentrerai à la maison, pour être heureux avec vous jusqu’à la fin de mes jours."Nelson Mandela
Ann-Young Maharaj, la commissaire de l’exposition, nous accompagne au fil d’une fascinante collection d’objets et de photographies ainsi que dans la pièce où travaillait Nelson Mandela, qui, contrairement au reste de la maison, est restée intacte. On y voit ses archives, composées de nombreux carnets et lettres, des cadeaux et des distinctions, autant de témoins muets du dévouement inlassable de cet homme hors du commun admiré par le monde entier. Cette visite permet une véritable remise à niveau sur la vie et les enseignements d’une personnalité exceptionnelle en tous points.
À partir de 230 euros la nuit en chambre double, petit-déjeuner compris.
www.sanctuarymandela.com