© Courtesy of Highland Kings

Ultrarun de luxe en Écosse: après l'effort, le réconfort

Encaisser en guerrier, récupérer en roi. Les muscles vont piquer sur un parcours de 192 kilomètres en Écosse puis seront chouchoutés par un majordome et les délices d’un banquet.

Depuis l’extrémité orientale de Glen Coe, une des plus belles vallées  d’Écosse, nous nous dirigeons vers le sud en suivant le West Highland Way, en grimpant rapidement sur une piste caillouteuse. Le majestueux Rannoch Moor s’étend devant nous sous le chaud soleil de juillet. L’herbe et la bruyère sont d’un vert éclatant, tandis que la blanche et cotonneuse linaigrette virevolte dans la brise légère.

Après avoir enlevé les lourdes chaussures de randonnée et le gros sac à dos, il est surprenant de constater à quelle vitesse on peut se déplacer dans les montagnes. En un rien de temps, nous atteignons le sommet de la montée et voyons la route rocheuse se dérouler devant nous. Nous descendons en courant, laissant la gravité faire son œuvre. Une rivière ralentit son cours, formant un petit lac où se reflètent les nuages. Après des mois de confinement, courir à travers les Highlands écossais procure un sentiment de liberté aussi exaltant qu’inhabituel.

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L’itinéraire du jour est court, une dizaine de kilomètres, mais le paysage est merveilleux. Le glen en forme d’auge se transforme en prairie ouverte et ondulée, puis en épaisse forêt de pins au bord du Loch Tulla, avant de déboucher sur une route isolée qui mène à un pittoresque lodge. Notre trail, pour aujourd’hui du moins, est terminé. En revanche, quand 40 sportifs dévaleront la même piste en avril prochain, comme l’espère l’ex-membre des forces spéciales Matt Smith, il leur restera encore une vingtaine de kilomètres à parcourir avant la fin de la première étape. Et près de 180 avant la fin de la course de quatre jours.

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Exploit physique

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© Courtesy of Highland Kings

Je suis invité en Écosse par Smith, fondateur de Primal Adventures, afin de tester ses projets pour le Highland Kings Ultra de l’année prochaine. Il espère que les participants paieront 18.200 euros pour ce privilège - un montant qui ne manquera pas de faire tiquer certains adeptes d’un sport traditionnellement pragmatique et sans fioritures. "Il y a des milliers d’ultratrails dans le monde et aucun n’est semblable à celui-ci", explique Smith plus tôt dans la journée, tandis que nous serpentions autour du Loch Lomond. "Les gens veulent faire quelque chose que personne d’autre ne fait."

L’engouement pour l’ultratrail - une course à pied plus longue qu’un marathon traditionnel (42,195 kilomètres) - a connu une véritable explosion au cours de ces dix dernières années: aujourd’hui, nombreux sont ceux qui cherchent à relever des défis encore plus extrêmes. En 2018, au moins 611.098 personnes à travers le monde y ont participé, soit une augmentation de 345% en 10 ans, révèle une étude réalisée en mai dernier qui prétendait couvrir plus de 85% des événements d’ultratrail dans le monde.

Ce type de courses varie en termes de longueur, de durée et de format, et vont de l’extrêmement difficile à l’apparemment insensé. Dans le Colorado, les athlètes d’élite de la Hardrock 100 courent 161 kilomètres sur plus de 10.000 mètres de dénivelé à une altitude moyenne de plus de 3.300 mètres. Dans un environnement plus provincial, John Stocker de l’Oxfordshire, en Angleterre, a couru un record de 540 kilomètres en 81 heures lors du Suffolk Backyard Ultra du mois de juin, en effectuant chaque heure 6,7 kilomètres dans le Knettishall Heath du comté, jusqu’à abandonner.

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Outre l’exploit physique, ces courses représentent un défi logistique pour les participants. "Lors du Marathon des Sables, une course de 250 kilomètres en six jours dans le désert du Sahara que j’ai achevée en 2019, nous portions nos vivres et notre équipement et dormions sous des tentes berbères à paroi ouverte. Lors du Ring O’Fire (une course de 216 kilomètres en trois jours autour de l’île galloise d’Anglesey), les concurrents passaient la première nuit sur le sol froid d’un centre de loisirs et la seconde dans une salle des fêtes communale." Spartiate, on vous dit.

Les puristes diront peut-être que ces difficultés sont le sel de l’expérience "ultra", mais c’est justement là que la course de Matt Smith se distingue: les 40 participants à la Highland Kings récupèreront chaque nuit dans un camp de luxe, reposeront leurs jambes fatiguées dans des bassins d’hydrothérapie, bénéficieront de massages sportifs top classe et dormiront sur des lits king-size avec matelas en mousse à mémoire de forme, sous des tentes cloche individuelles avec les services d’un majordome et, enfin, seront alimentés par le chef d’un restaurant étoilé Michelin. Rien que ça.

Courir un peu plus de 190 kilomètres en quatre jours: le programme des Highland Kings en Écosse ne fait pas de quartiers.
Courir un peu plus de 190 kilomètres en quatre jours: le programme des Highland Kings en Écosse ne fait pas de quartiers.
© Courtesy of Highland Kings

Tout est dans la récupération

"Encaisser en guerrier, récupérer en roi." Voilà résumé le programme élaboré par Smith, qui prépare cet événement depuis quatre ans et le présente comme "le premier ultratrail premium du monde". Attention, il ne s’agit pas de luxe pour le luxe, insiste-t-il. L’événement vise plutôt à créer les meilleures conditions pour tirer le meilleur de soi-même. Et pour atteindre, selon ses termes, "une performance humaine optimale. Tout au long de ma carrière militaire, j’ai voulu me dépasser physiquement. Ainsi, quand je crée ce type d’événements, je tiens à ce qu’ils soient les meilleurs: il me faut les meilleures personnes, le meilleur équipement et la meilleure logistique".

La performance en tête, l’expérience de cette course pour les participants commencera non pas sur la ligne de départ au mois d’avril, mais sept mois plus tôt, au Porsche Human Performance Centre du circuit britannique de Silverstone, pour un test d’effort cardio-pulmonaire complet.

Matt Smith affirme que rien n’a été négligé. La société Precision Hydration, basée à Dorset, utilisera des évaluations de la composition de la sueur afin de donner aux coureurs des compléments d’hydratation sur mesure. Des montres personnalisées seront fournies par Garmin et des vêtements de course, par ThruDark. Enfin, les coureurs d’ultratrail de renommée mondiale Anna-Marie Watson et Jonathan Albon assureront le coaching et superviseront les plans d’entraînements mensuels des participants tout au long de la préparation.

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"Il ne s’agit pas seulement de savoir combien vous pouvez courir, mais aussi combien vous pouvez récupérer", explique Watson, arrivée deuxième au Marathon des Sables en 2015. Celle qui fait partie de ce groupe de plus en plus nombreux de femmes qui établissent des records dans l’ultratrail, Watson espère que les Highland Kings pourront attirer un nombre égal d’hommes et de femmes. Elle ne jure que par la valeur de l’entraînement croisé et de la course de nuit, quand "le monde est à vous".

Albon, champion du monde en titre de trail running et double vainqueur de la Skyrunning World Series, explique qu’il utilise d’abord l’entraînement pour se construire "un moteur aussi gros que possible" via des courses longues et lentes. Environ 10 semaines avant la course, il commence à "régler le moteur" en adaptant son entraînement à la vitesse et aux conditions de l’épreuve. Et deux semaines avant la course, il "fait le plein" en se reposant.

Outre les performances physiques, les ultraruns sont un défi logistique pour les participants. Ce n’est pas le cas des Highland Kings: les quarante participants passeront la nuit dans une tente ultraconfortable.
Outre les performances physiques, les ultraruns sont un défi logistique pour les participants. Ce n’est pas le cas des Highland Kings: les quarante participants passeront la nuit dans une tente ultraconfortable.
© Lotus Belle

Single Malt et banquet

Le lendemain matin, le moteur peut-être un peu trop alimenté par un petit-déjeuner écossais roboratif, nous partons explorer la deuxième étape de la course: 50 kilomètres depuis le village de Dalmally sur le Strath of Orchy, dans un paysage vallonné et boisé qui nous mène jusqu’au pittoresque Loch Fyne. Nous courons sur une section en descente rapide, en suivant une route forestière sinueuse. Le terrain se dérobe sur notre droite et la vue s’étend loin au-delà de la cime des arbres.

Le chef promis étant réservé uniquement pour l’événement proprement dit, nous nous contentons de déjeuner au restaurant de Loch Fyne. Une auberge qui a un concept original: on y vend des poissons et fruits de mer depuis 1978 et elle a 21 succursales au Royaume-Uni. Je décide que le vin n’est probablement pas compatible avec le trail prévu l’après-midi sur l’île accidentée d’Arran, mais le tourteau entier est aussi frais que délicieux. Quand je demande à Smith s’il pense que la gastronomie et les verres de whisky single malt sont compatibles avec l’ultratrail, il me déclare que oui: depuis des décennies, des amateurs de sensations fortes combinent ski extrême dans des montagnes reculées et hébergements luxueux, alors pourquoi ne serait-ce pas le cas pour la course à pied? Je me range à son avis. Depuis le Loch Fyne, le troisième jour, les coureurs d’ultratrail de la Highland Kings se dirigeront vers le sud, parcourant 55 kilomètres sur un chemin essentiellement côtier jusqu’à la marina de Portavadie, avant de traverser le Firth of Clyde en hors-bord jusqu’à l’île d’Arran.

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© Courtesy of Highland Kings

Quand nous sortons du port, la mer est presque d’huile. Les moteurs du Stormforce Rib noir rugissent lorsque le barreur appuie sur l’accélérateur et nous glissons sur l’eau. Arran est d’une beauté stupéfiante. Nous accostons à la jetée, accueillis par le son caractéristique des cornemuses. L’île est souvent décrite comme l’Écosse en miniature. Loutres et phoques chassent le long du littoral accidenté et on aperçoit des aigles royaux planer au-dessus des montagnes spectaculaires. Au bord de l’eau, le château en ruines de Lochranza, construit à la fin du XIIIe siècle par le fils du seigneur écossais Sven le Rouge, marque le départ de ce qui sera la dernière étape de la course: 45 kilomètres sur près de 2.000 mètres de dénivelé au passage du Goatfell, le plus haut sommet de l’île.

Au cours de la journée suivante, nous testons deux parties de ce parcours: une épuisante course depuis le village de Brodick montant jusqu’à l’époustouflant Glen Rosa, et une descente rapide à travers le domaine de Dougarie, construit vers 1865 pour servir de pavillon de sport du 11e duc d’Hamilton, jusqu’à la ligne d’arrivée sur la côte ouest d’Arran.

Le dernier jour sera le véritable test, déclare Smith, ajoutant que la perspective d’un banquet le dernier soir en compagnie de Sir Ranulph Fiennes, le célèbre explorateur, devrait aider les coureurs à franchir la ligne. "Combattez à tout moment la petite voix faible dans votre tête: c’est ça le secret", m’affirme Fiennes (77 ans). Je ne suis pas certain que s’il avait eu une dizaine d’années de moins, Fiennes aurait signé pour la Highland Kings. Mais, pour ceux qui combinent le sens de l’aventure de Fiennes avec l’amour des plaisirs raffinés de la vie, la course de Smith promet d’être une expérience unique et peut-être même un avant-goût de la prochaine tendance en matière de voyages d’aventure.

La Highland Kings inaugurale se déroulera du 25 au 29 avril 2022. Inscription: 18.200 euros, 40 personnes max. Un quart des places sont déjà réservées.