Alexis Lebedoff: le premier Belge de Facebook
Depuis mars dernier, Alexis Lebedoff (38 ans) est le premier et le seul employé de Facebook en Belgique. Dès ses débuts, il a passé une semaine à Menlo Park, où travaillent quelque 2.000 personnes. "C’était comme si j’arrivais chez Disney."
Bien qu’il porte un nom lituanien, notre homme est Anversois de naissance. Alexis Lebedoff a étudié le marketing et la communication à Bruxelles. Avant de frapper à la porte de Facebook, il était responsable national chez Microsoft Advertising, où il dirigeait la régie chargée de vendre l’espace publicitaire sur les sites comme msn ou hotmail. "Grâce à mon réseau de contacts dans la publicité, à quoi il faut ajouter l’expérience de la communication et du monde numérique, j’étais le partenaire idéal pour Facebook." Pourtant, il lui restait encore beaucoup à apprendre. "Comme bien des gens, j’avais une expérience d’utilisateur. Je devais apprendre à voir les choses avec les yeux de l’annonceur. C’est très différent."
Alexis Lebedoff s’est rendu deux fois au siège. Le voyage lui a fait forte impression. "J’ai rencontré des gens qui imaginent et programment des produits pour un milliard d’utilisateurs. Dans une entreprise qui n’a pas huit ans!"
Peut-il comparer avec son employeur précédent? "Rien à voir! Prenez déjà l’échelle: plus de 60.000 personnes dans le monde au lieu de 4.500. Il y a moins de niveaux hiérarchiques. La mentalité est très ouverte, sans secrets ni tabous. Chaque vendredi, le CEO Mark Zuckerberg explique le travail de sa semaine. Vous lui demandez ce que vous voulez, et il répond. À partir de la Belgique aussi, je peux me connecter chaque semaine et poser des questions. Chez Microsoft, je voyais le CEO Steve Ballmer au maximum une fois par an, à l’occasion des réunions formelles."
Cette culture ouverte, il est vrai, se limite au personnel. Bien que Facebook compte 4,6 millions d’utilisateurs en Belgique, tous les chiffres importants sont tenus jalousement secrets. Alexis Lebedoff n’en dira donc rien. Nous n’en saurons pas plus sur l’entrée en Bourse ni sur le cours de l’action.
Facebook tire l’essentiel de ses revenus de la publicité: 1,09 milliard de dollars sur un chiffre d’affaires de 1,26 milliard au troisième trimestre 2012. Auparavant, le marché belge était couvert par les équipes commerciales du Benelux, basées à Amsterdam et Dublin. "Mais il manquait une saveur locale, quelqu’un qui connaisse la culture, même si le modèle est le même partout", explique Alexis Lebedoff.
Facebook pour entreprises
Il existe trois voies pour faire de Facebook une plate-forme pour annonceurs. "D’abord, les entreprises veulent être présentes sur Facebook et générer de la fréquentation sur leur site. C’est ce que la plupart des sociétés belges font depuis deux ans. Elles ont constitué une communauté de fans avec qui elles communiquent. Des agences spécialisées y ajoutent de l’espace publicitaire. Cela passe par Dublin. Je n’interviens pas. Je m’occupe du deuxième canal, le marketing social. Mon objectif? Convaincre les grands annonceurs que Facebook peut revêtir une importance primordiale dans leur plan marketing. Il reste du chemin à faire dans ce domaine. Les entreprises doivent se demander comment Facebook peut les aider à avancer. Il faut pour cela des objectifs concrets, par exemple toucher davantage de personnes. Je suis surtout en contact avec le top 50 des annonceurs belges comme Telenet ou la Loterie Nationale." Car la force de Facebook réside d’abord dans le ciblage précis des annonces. Tout ce que l’utilisateur aime, écrit et publie est exploité pour le définir en tant que consommateur.
Enfin, en dehors de l’espace publicitaire proprement dit, le message des entreprises peut aussi apparaître dans les vrais fils d’actualités, encore bien plus précieux. "Le magasin du coin comme la multinationale ou le particulier peuvent créer leur page gratuitement. Cela permet d’envoyer des messages à tous ceux qui aiment la page."
Problème: en moyenne, seulement 16 % des "fans" voient ces messages. "Tout ce que mes 700 amis postent n’apparaît pas dans mon fil d’actualités. Cela produirait un flux beaucoup trop abondant. Un algorithme sélectionne ce qui est susceptible de m’intéresser le plus. Cette pertinence suscite la concurrence. Mais les messages des marques qui font la force de mon lien, je les vois toujours. C’est là-dessus que les marques doivent travailler."
Facebook sait que ce n’est pas facile et peut booster le contact des marques avec leurs fans si elles acceptent de payer. "Il est même possible de toucher les amis des fans et d’autres clients potentiels. Cela dit, il ne faut pas que le fil d’actualités devienne un mur de spam."
Solutions créatives
Facebook change très vite et déploie des trésors de créativité pour proposer sans cesse de nouveaux formats aux annonceurs. Le récent Custom Audiences en est un bon exemple. Souvent, en effet, les annonceurs disposent d’une grande base de données de clients qui ont autorisé l’usage commercial de leurs informations. "Aux Pays-Bas, nous avons ainsi confronté les adresses e-mail d’un fichier Volkswagen avec les mêmes données des utilisateurs Facebook. Cela a permis d’envoyer un message aux clients qui étaient sur Facebook et qui avaient acheté une Golf six ou sept ans plus tôt. Un message à propos de la nouvelle Golf. Soyons clairs: par la suite, nous ne pouvons plus rien faire de ces données."
Question: un réseau social est-il le lieu pour inonder les gens de publicité? "Je crois que les marques y ont leur place, en effet. Ce qui compte, c’est la façon de traiter les destinataires. Les clients ont besoin de mon aide pour cela. Comment s’adresser aux usagers de Facebook? Que répondre aux clients qui se plaignent sur votre page? Nous donnons des conseils et des astuces. Sans garantir pour autant le nombre de fois que l’annonceur apparaîtra sur la page. Facebook reste une plate-forme vivante."
On rencontre pourtant des utilisateurs Facebook irrités, tandis que le petit concurrent Google +se fait apprécier en exploitant les annonces plus prudemment. "Nous cherchons le bon équilibre entre la publicité et l’utilisation normale, répond Alexis Lebedoff. Un message d’une entreprise dans un fil d’actualités n’a rien d’irritant s’il est bien conçu. Et les annonces du côté droit se retrouvent sur tous les sites. Les États-Unis et la France vont déjà plus loin dans le côté commercial, sans que cela fasse baisser la fréquentation de Facebook."
"C’est ce que nous appelons le social business. La compagnie aérienne KLM a développé un outil Facebook qui permet de voir si vos amis sont sur le vol que vous réservez. Vous pouvez même vous asseoir ensemble. KLM s’efforce de rendre tous les aspects de son activité plus sociaux. Mais il faut pour cela que l’activité soit centrée sur le consommateur individuel."
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