Google confirme sa volonté d'aller en Chine, la fin justifie les moyens
Pour la première fois, le moteur de recherche a reconnu l’existence du projet Dragonfly, qui n’en est pas encore à un stade avancé.
Le projet avait fuité dans la presse américaine, il est désormais officiel. Lundi, Google a reconnu, pour la première fois, qu’il ambitionnait bien de relancer son moteur de recherche en Chine, huit ans après sa fermeture. Une version censurée, filtrant les mots clés et les sites internet interdits par Pékin, qui suscite déjà la colère des employés de l’entreprise et de la classe politique américaine.
"Nous tenons à notre mission de fournir de l’information au monde entier, et la Chine représente 20% de la population mondiale", a justifié Sundar Pichai, le directeur général de Google au cours d’une conférence organisée par le site Wired. Se disant attaché à "l’accès à l’information, la liberté d’expression et la vie privée des utilisateurs", le responsable a cependant rappelé que la société se devait de "respecter la loi dans tous les pays".
"Nous tenons à notre mission de fournir de l’information au monde entier et la Chine représente 20% de la population mondiale."
Les exigences de Pékin
Sur scène, Sundar Pichai a assuré que le projet n’était pas encore à un stade avancé. Et qu’aucune décision définitive sur sa concrétisation n’avait été prise. "Nous voulions voir à quoi ressemblerait Google s’il revenait en Chine. C’est cela que nous avons construit en interne", a-t-il expliqué, promettant que le moteur pourrait "répondre à plus de 99% des recherches" et "fournir une information de meilleure qualité que celle qui est actuellement disponible".
Les déclarations du dirigeant sont cependant contredites par une note interne publiée début octobre par le site The Intercept, qui a été le premier à révéler l’existence du projet Dragonfly. Ben Gomes, le responsable de la recherche chez Google, y parle d’un lancement entre janvier et avril 2019, demandant à ses équipes de se tenir prêtes pour "déployer rapidement" le moteur en Chine.
La version chinoise de Google se plierait aux exigences du gouvernement de Pékin. Pour certaines recherches sensibles, aucun résultat ne s’afficherait. Pour d’autres, des informations seraient passées sous silence. Par exemple, une recherche sur la place Tiananmen ne donnerait aucun résultat sur le massacre étudiant qui a eu lieu en 1989. Un message informerait simplement les internautes que des liens ont été retirés.
Google avait quitté la Chine en 2010 avec fracas. Après quatre ans dans le pays, le moteur avait conquis 36% des parts de marché, face au concurrent local Baidu. Sa décision avait été motivée par la découverte, fin 2009, d’une vaste opération de piratage, visant notamment les boîtes mails de défenseurs des Droits de l’homme et d’activistes tibétains. Depuis 2010, son moteur de recherche et la plupart de ses services (Gmail, YouTube…) sont bloqués.
Ces dernières années, le groupe ne faisait pas mystère de son intention de retrouver le marché chinois. En 2016, il avait tenté de lancer une version censurée de sa boutique d’applications Google Play. Mais le projet n’avait jamais abouti. Début 2018, l’entreprise a également ouvert un laboratoire spécialisé dans l’intelligence artificielle à Pékin. Et elle a lancé deux applications sur le marché chinois.
Un Graal encore inaccessible
Pour Google comme pour la grande majorité des géants de la Silicon Valley, la Chine représente un Graal encore inaccessible. C’est en effet le pays qui compte le plus d’internautes au monde, avec 772 millions de personnes connectées. Soit 2,5 fois plus qu’aux Etats-Unis. Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, ne ménage ainsi pas ses efforts pour amadouer les dirigeants du régime.
Depuis février, Apple héberge les données des utilisateurs chinois du service iCloud sur les serveurs d’une entreprise proche du pouvoir.
Les opportunités de croissance sont potentiellement énormes pour Google. L’an passé, Baidu a réalisé un chiffre d’affaires de 13 milliards de dollars, pour des profits proches des 3 milliards.
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