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Pouvons-nous encore renouer avec la croissance ?

L’absence de croissance économique sur le continent européen conduit à une certaine polarisation sociale dans de nombreux pays. Lorsque la croissance est au rendez-vous, les débats politiques portent essentiellement sur l’utilisation de l’excédent (budgétaire). À l’inverse, lorsque la croissance est en berne, l’on se retrouve dans une situation gagnantperdant : l’un ne peut accroître ce qu’il possède qu’aux dépens des possessions de l’autre.

Le débat actuel autour de l’impôt sur la grande fortune illustre parfaitement cet état de fait. Outre la question de savoir si cet impôt sera créé et comment il sera prélevé, ce n’est pas par hasard que ce débat s’ouvre précisément maintenant, après des années de quasistagnation de la croissance. La croissance et le progrès permettent d’entreprendre des projets, rendent les gens plus heureux et assurent une plus grande stabilité politique et sociale.

Or, la croissance est absente de nos économies, contrairement à ce que d’aucuns voudraient nous faire croire. Pis encore, la poursuite de notre prospérité sera plus compliquée sur le plan structurel au cours des années à venir. Quatre grands facteurs ont permis une véritable envolée de la croissance ces dernières décennies : un accroissement marqué de la population, une croissance soutenue de la productivité, une augmentation de la dette et une baisse des taux.

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Mais ces quatre sources de croissance économique se sont à présent taries. Le rétrécissement de la population active et l’effritement de la productivité mettent en péril notre croissance potentielle : le nombre de personnes qui créent de la richesse diminue, de même que leur contribution au développement de l’économie. Nous avons considéré comme une évidence la croissance de la productivité et de la population observée ces dernières décennies.

Aujourd’hui, il est plus compliqué de renouer avec la croissance, mais ce n’est toutefois pas impossible à condition de changer notre fusil d’épaule.

Peter De Keyzer
Chief Economist, BNP Paribas Fortis

C’est d’ailleurs sur elle que reposent notre modèle social, les attentes de notre société et une bonne partie de nos politiques. Pour ce faire, nous avons supposé que la croissance resterait toujours élevée – ce qui n’est manifestement plus le cas. Par conséquent, il nous faudra tôt ou tard procéder aux ajustements sociaux et/ou économiques nécessaires : soit nous détricoterons notre modèle social, soit nous tâcherons de renouer avec la croissance.

Mais comment faire pour retrouver le chemin de la croissance ? L’accumulation de dettes et le maintien des taux à un bas niveau ne constituent pas de solutions à long terme. Mieux vaut au contraire jouer la carte de l’innovation, de l’esprit d’entreprise et de la création de richesse. À cette fin, deux pistes méritent d’être explorées. Tout d’abord, nous devons améliorer la qualité de l’enseignement et promouvoir la recherche, le développement et l’innovation. Sur ces points, nous avons encore une belle marge de progression.

En Europe, nous comptons environ 110 demandes de brevet par million d’habitants, contre plus de 400 aux États-Unis. Parmi les quelques régions européennes qui sont au top dans le domaine de l’innovation et de la recherche, citons notamment le Bade-Wurtemberg, l’Ile-de-France, Londres ou Stockholm. On y recense plus de 250 dépôts de brevet par million d’habitants, une moyenne que dépassent toutefois près de trois quarts des États américains. La seconde piste consiste à assouplir quelque peu la réglementation.

Les mesures de protection artificielle, toujours largement répandues, de certains secteurs contre la concurrence (taxis, transports en commun, supermarchés, avocats, pharmaciens, sociétés de transport nationales, hôtels, télécoms, etc.) freinent la reprise de la croissance. Prenons l’exemple de l’Italie : son absence de croissance depuis 15 ans n’est pas due aux taux trop élevés que doit payer l’État (au contraire), mais à son économie on ne peut plus figée et corporatiste qui étouffe dans l’oeuf toute forme de concurrence et d’innovation.

Nous avons épuisé les sources de croissance économique de ces dernières décennies : accroissement de la population, croissance de la productivité, augmentation de la dette et baisse des taux. Certes, il est aujourd’hui plus compliqué de renouer avec la croissance, mais ce n’est toutefois pas impossible à condition de changer notre fusil d’épaule, c’est-à-dire en jouant la carte de la concurrence, de l’innovation et de l’efficacité ainsi qu’en assouplissant les règles et en optimalisant l’action du secteur public.

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Peter De Keyzer Chief Economist, BNP Paribas Fortis

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