Le paysage mouvant des villes
Clap première pour la Brussels Urban Landscape Biennial. L’exposition "L’invention du paysage: une histoire continue", qui s’ouvre à Bozar, prend part à cet ambitieux projet.
Bruxelles, ville verte, diront les amoureux, habitants de la capitale ou non. Pour les plus sceptiques, bonne nouvelle: la Ville de Bruxelles lance aujourd’hui la première édition de la Brussels Urban Landscape Biennial. Peut-être a-t-il été choisi par hasard, toujours est-il que l’acronyme Bulb sied étrangement aux volontés de Céline Fremault, la ministre bruxelloise de l’Environnement, à l’initiative du projet. Lesquelles? Promouvoir la ville en tant que capitale européenne verte et, partant, sensibiliser ses habitants à l’environnement dans lequel ils évoluent.
C’est que Bruxelles n’en est pas à son coup d’essai. Notre capitale, qui peut se targuer de posséder pas moins de 8.000 hectares de parcs, forêts et autres coins boisés, loupe de peu la première marche du podium des villes les plus vertes. Rien d’étonnant à ce que politique et institutions muséales s’associent pour défendre notre lopin de terre.
Le spectateur évolue de façon chronologique, au gré des médiums.
En filigrane de ce gros projet s’ouvre, aujourd’hui également, l’exposition "L’invention du paysage: une histoire continue". C’est à Bas Smets qu’a été confiée la délicate tâche de créer un ensemble cohérent sur l’architecture du paysage, son histoire et son évolution, et qui ne soit pas spécialement consacrée à Bruxelles. Une pièce – la salle du Conseil du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles – lui a suffi. Le spectateur évolue de façon chronologique, mais surtout au gré des différents médiums: peinture, gravure, photographie, cinéma et enfin, architecture du paysage – la "Smets touch" de l’exposition.
Cinq formes d’expression
En premier lieu vient la peinture. Et puisque nous sommes à Bozar, il semblait logique pour Bas Smets que les tableaux exposés soient issus des collections des Musées Royaux des Beaux-Arts. Oui mais, c’était sans compter le délai d’obtention d’une œuvre, fixé à neuf mois quelles que soient la nature de la demande ou la destination de l’envoi. Le commissaire ne disposant que de neuf semaines, il a fallu innover. À tout problème, une solution: utiliser des reproductions. Au final, ce n’est pas tant l’œuvre en tant qu’objet physique qui compte, mais bien l’idée derrière l’œuvre, ce qu’on peut y lire, nous dit Bas Smets. Imparable parade.
Au travers de huit tableaux datant des XVe et XVIe siècles est mise en évidence l’évolution du traitement du paysage par les peintres. D’abord mélange saugrenu et indécis d’éléments de décoration et de détails paysagers chez le Maître de l’Annonciation d’Aix, l’arrière-plan gagne en importance à l’aube du XVIe siècle, pour, in fine, devenir le sujet principal de l’œuvre, comme c’est le cas dans le paysage hivernal de Pieter Bruegel l’Ancien.
Le paysage imprimé ou gravé sous forme de plan constitue la deuxième étape de cette rétrospective. Les 15 gravures et cartes présentées offrent un condensé de la vision que pouvaient avoir nos ancêtres sur le paysage de nos régions. Et c’est parfois cocasse! En est pour preuve la carte des anciens Pays-Bas de Michael von Aitzing, intitulée "Leo Belgicus", où le tracé des frontières du pays épouse la forme d’un lion… emblème par excellence des provinces de cette région.
Les oiseaux pour horloge
La photographie et le cinéma, troisième et quatrième volets du parcours, nous ramènent au présent. La partie photographique présente systématiquement un même paysage, capturé par l’objectif de différents artistes. L’idée derrière ces sélections est de montrer que, dans des paysages qui semblent de prime abord avoir peu évolué, le changement est là, sous nos yeux. D’une rangée d’arbres en 1905, on retrouve en 2014 un espace de verdure complètement mis à nu. Parfois, au contraire, la nature reprend ses droits, et l’homme reste impuissant. Le 9e art, sous le prisme des œuvres de Michaël R. Roskam et Bouli Lanners, nous montre un paysage en mouvement cette fois, où le temps est mesuré tantôt par le vol des oiseaux, tantôt par une voiture qui roule. Le paysage, lui, est hors du temps.
L’exposition se veut ancrée dans le réel. Ainsi, l’architecture du paysage, que l’on découvre dans le cinquième et dernier volet de l’exposition, se dévoile par des cartes tout droit sorties du bureau de Bas Smets. "L’image de la région urbaine bruxelloise devient un instrument politique préparatoire permettant de générer des idées alternatives et d’explorer les développements spatiaux", peut-on lire en guise d’explication. Bref, ça sent le politique, mais l’idée, légitime, n’en est pas moins séduisante: redorer le blason de Bruxelles, que ce soit grâce à cette éclectique exposition – gratuite qui plus est – ou par le lancement d’une biennale d’architecture bruxelloise. La sauce prendra-t-elle? Rendez-vous en 2018.
"L’invention du paysage: une histoire continue", du 23 septembre au 6 novembre. Bozar. www.bozar.be. Dans le cadre de Brussels Urban Landscape Biennial. www.bulb.brussels
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