La culture au cœur du développement d’Oslo
Après l’artiste belgo-nigérienne Otobong Nkanga, en 2019, le musée Henie Onstad Kunstsenter sacre Alia Farid et son travail sur la migration et l’eau. L’occasion de prendre le pouls de la culture dans la capitale norvégienne.
Dès notre arrivée à Oslo, tout nous invite à explorer le National Museum et le flambant neuf Munch Museum, récemment inaugurés. L’aéroport lui-même joue les avant-postes culturels, avec ses vitrines dignes d’une galerie d’art et une signalétique imposante, surpassant même les panneaux directionnels indiquant la gare.
Cependant, nous avons choisi de ne pas céder à l’efficacité et au bon ordre nordiques, en prenant la direction de Høvikodden, un peu à l'extérieur du centre-ville. Là, dans un écrin naturel surplombant le fjord d'Oslo, se trouve le Henie Onstad Kunstsenter. Ce lieu unique, évoquant parfois le Louisiana Museum près de Copenhague, offre une symbiose entre art et nature.
Une histoire d’amour et de passion artistique
Fondé en 1968, le Henie Onstad Kunstsenter est né d'une histoire d'amour et d'une passion partagée pour l'art. Sonja Henie (1912-1969), célèbre patineuse artistique norvégienne, a remporté trois médailles d’or olympiques et est devenue une actrice de cinéma à succès, à Hollywood. Avec son mari, Niels Onstad, un homme d’affaires féru d’art, ils ont constitué une collection d'art moderne significative.
Le Henie Onstad Kunstsenter ouvre un espace qui ne serait pas seulement un musée, mais un centre d’art vivant, entouré d’un parc de sculptures, où les artistes contemporains pourraient exposer et expérimenter.
Le couple partageait une vision commune: créer un espace qui ne serait pas seulement un musée, mais un centre d’art vivant, entouré d’un parc de sculptures, où les artistes contemporains pourraient exposer et expérimenter. En 1961, ils ont décidé de faire don de leur collection privée et des fonds pour financer la construction du centre d’art Henie Onstad. Un espace du musée est entièrement dédié à cette belle fable contemporaine pleine de glamour.
Un prix prestigieux
Dès ses débuts, le Henie Onstad Kunstsenter s’est distingué par sa volonté de repousser les frontières de l’art traditionnel. Il a été l'un des premiers centres en Norvège à promouvoir les arts interdisciplinaires, comme la musique électronique, la performance et l’installation artistique. Cette ambition perdure, notamment à travers le prestigieux Prix d’Art Lise Wilhelmsen, décerné tous les deux ans. Doté de 100.000 dollars, ce prix inclut une exposition, une monographie et l'acquisition d'œuvres pour enrichir la collection.
Après Guadalupe Maravilla, récompensé en 2021 et, ensuite, l’artiste belgo-nigérienne Otobong Nkanga, en 2019, l'édition 2024 met à l'honneur l’artiste portoricaine-koweïtienne Alia Farid. Ses œuvres, réparties sur deux grandes salles, explorent migration, mémoire et transformations culturelles. L’exposition, intitulée «Bneid Al Gar» («terre de goudron» en arabe), évoque des souvenirs d’enfance dans une région du Koweït où des taches d'huile ressemblant à des ecchymoses marquaient autrefois la surface du sol.
"Alia Farid s'intéresse particulièrement à la migration, au mouvement ou aux transformations des personnes, des lieux, des traditions, des époques et des cultures en réponse aux événements géopolitiques."
«Alia Farid explore différentes expressions visuelles, techniques et traditions artisanales. Sa façon de créer ses œuvres est intimement liée aux thèmes qu’elle aborde. Elle s'intéresse particulièrement à la migration, au mouvement ou aux transformations des personnes, des lieux, des traditions, des époques et des cultures matérielles en réponse aux événements géopolitiques», explique Caroline Ugelstad, présidente du jury du Prix d’Art Lise Wilhelmsen (LWAAP) et directrice de la Collection et des Expositions au Henie Onstad Kunstsenter,
Processus de migration
Parmi les pièces phares, la série textile «Elsewhere» (2023) retient particulièrement l’attention. Ces seize tapis tissés et brodés à la main, suspendus sur toute la longueur de la galerie, explore les styles, symboles et rituels qui émergent des processus de migration. Les motifs mis en avant dans les tapisseries proviennent de photographies, de documents d'archives et de conversations avec des membres de la diaspora palestinienne à Porto Rico. Les textiles sont créés en collaboration étroite avec des tisserands du sud de l'Irak, mettant en lumière de nouvelles significations, formes et expressions de luttes et de solidarités partagées.
Dans une autre salle, la série «In Lieu of What Is» (2022), déjà exposée en Belgique le long de la Meuse, à Maasmechelen, en 2023 (dans le cadre d’un projet avec le musée Z33 de Hasselt), aimante également les regards. L’œuvre se compose de cinq grandes sculptures de récipients d’eau, qui attirent l’attention sur la question brûlante de la pénurie d'eau.
Dans son installation "In Lieu of What Is" (2022), l'artiste portoricaine-koweïtienne attire l'attention sur la question brûlante de la pénurie d'eau.
Ces sculptures sont réalisées à l’aide de moules utilisés pour fabriquer des fontaines publiques, caractéristiques du paysage urbain du golfe Arabo-Persique. Il y a un pot traditionnel en argile, une bouteille standard en plastique, une zamzamiya en forme de vase (utilisée pour l’eau bénite de la source Zamzam à la Mecque), un jarre en forme d’amphore, un château d’eau koweïtien et un heb (un système de refroidissement par évaporation utilisé pour désaliniser l’eau).
Le parc de sculptures du musée s’enrichit également de trois palmiers artificiels en plastique, illuminés par des LED, symboles des transformations écologiques et sociales.
Joyaux culturels d’Oslo
Après cette parenthèse inspirante, le retour au centre d’Oslo s’impose pour découvrir 3 joyaux culturels du centre-ville. Le Astrup Fearnley Museum Of Modern Art, au cœur d’un ensemble dessiné par l’architecte Renzo Piano. Le National Museum, vaste et imposant bunker pour l’art, qui dévoile une richesse exceptionnelle à travers ses galeries bien organisées par numéros. Et le Munch Museum, avec ses perspectives panoramiques et vertigineuses sur la ville – celui-ci a transformé la skyline d'Oslo.
Tout l’art de Munch emplit le nouveau musée qui lui est dédié, ainsi que des expositions présentant d’autres artistes contemporains.
En 1944, Edvard Munch n'avait pas de descendants à qui confier son héritage, il décida donc de léguer toutes ses œuvres à la ville d’Oslo. Tout l’art de Munch emplit le nouveau musée, ainsi que des expositions présentant d’autres artistes contemporains. Avec ses 12 étages et ses 26.313 m², ce musée est cinq fois plus grand que l’ancien musée Munch.
La ville semble avoir fait son choix d’investissements, et ce, hélas au détriment de lieux culturels plus anciens et remplis d’âme et d’histoire. Il n’empêche, on est impressionné par les audaces du rapide développement urbanistique d’Oslo qui fait de la culture l’un de ses moteurs essentiels.
EXPOSITION
"Bneid Al Gar ("terre de goudron" en arabe)"
Par Alia Farid, lauréate du Prix d’Art Lise Wilhelmsen 2024
Commissaire: Caroline Ugelstad
Jusqu'au 5 janvier 2025
Note de L'Echo:
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