Viktor Ehikhamenor, sorcier du temps
Maruani-Mercier présente pour la première fois en Europe Viktor Ehikhamenor, le plasticien américano-nigérian qui ensorcelle.
Conteur du passé, Viktor Ehikhamenor tisse les traditions familiales et les histoires religieuses de son double territoire originel: l’ancien royaume du Bénin, enchâssé dans l’actuel Nigéria. Fervent défenseur du rapatriement des bronzes du Bénin détenus par le British Museum, il retisse le passé. L’étendard qui donne son nom à l’exposition, The Enigma of Things Remembered, qui flotte dans la salle de la galerie face à l’avenue Louise, est la première de ses œuvres "chapelets".
Il y coud des centaines de chapelets et de coraux, compose des figures et des scènes réminiscentes de l’ancien Royaume du Bénin, des élites africaines et du clergé catholique. Ces chapelets qu’il achète en Chine sont en plastique, donc du pétrole transformé, éventuellement importé du Nigéria, premier producteur de pétrole d’Afrique. C’est toute la trame des croyances et des traditions des peuples colonisés, exposée à la destruction par ces symboles de la mondialisation et de la production de masse.
Trois autres tissages monumentaux de chapelets, de coraux et de statuettes en bronze dominent cette première partie: "Ogidigan. The Sun that Never Sets" représente le souverain de la dynastie Oba du Bénin, Oba Ewuare Ogidigan, qui régna de 1440 à 1473. Sa couronne rouge et sa tête blanche évoquent les couleurs nationales béninoises, les insignes de corail et de pierre rouge que portait l'Oba, le monarque de l’ancien royaume.
En 1955, le pape Pie XII créa l'archevêché de Cotonou, et son successeur, Jean XXIII, nommait Bernardin Gantin premier archevêque de Cotonou, premier Africain noir à ce poste. La sculpture tissée "Pope Pius XII In Benin Kingdom" fait trôner un pape drapé de trois couleurs: le noir, symbole de l’ancien royaume, le bleu, symbolisant la traversée de la mer et le rouge, qui renvoie ici au sang et à la violence coloniale.
Temps de papier
L’autre corpus d’œuvres exposés, ses collages de papier délicatement perforées, rehaussés de couples de silhouettes et de figures abstraites à la feuille d’or, évoquent les rituels de scarification corporelle, représentés dans les bronzes béninois des XVIe et XVIIe siècles. Ces dessins collages, inspirés par les murs des espaces sacrés de sa ville natale d’Udomi-Uwessan et par le Palais royal du Roi du Bénin, dans l’actuel Nigeria, revêtent un aspect de bas-reliefs.
Les perforations et motifs repoussés dans le papier leur prêtent la légèreté et l’épaisseur fragile de passés et de présents formant un feuilleté. C’est véritablement du temps de papier. Ainsi, "Moonsongs II" représente une lune habitée de deux silhouettes, symbole d’une Afrique sans électricité, baignée de la seule lumière nocturne du clair de lune. La série des "Ancestral Portraiture" offre des portraits totems stylisés, et les deux "Palace Soothsayer" sont des visages de devins semblables à des masques et celui d’Otumba, aussi féminin que masculin, renvoie à une figure de cour, l’Ọ̀túnba, conseiller du monarque.
EXPO
"The Enigma of Time Remembered"
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