Mwazulu Diyabanza, dirigeant d'Unité-Dignité-Courage: "Je porte une parole opprimée"
Mwazulu Diyabanza, dirigeant du mouvement UDC, milite pour la restitution d’objets d’art tribal. Yves-Bernard Debie, avocat spécialisé en droit des biens culturels, lui répond.
La France vote une loi d’exception de "restitutions" de biens culturels au Bénin et au Sénégal. Le 4 novembre, le Sénat suggérait un "Conseil national [sur la] circulation et [le] retour de biens culturels extra-européens", sans doute refusé par Matignon.
Le 28 novembre 2017, à Ouagadougou, le Président Macron annonçait: "Je veux que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique". Lionel Zinsou, son ex-collègue à la banque Rothschild, ancien Premier ministre béninois et conseiller d’Ali Bongo, Président gabonais, mis en cause par les instances de l’UE après sa réélection en 2016, lui aurait soufflé l’idée. Elle a inspiré au Congolais Emery Mwazulu Diyabanza des actions contre le "pillage" culturel de l’Afrique.
"Je veux que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique."
Avec quatre membres de son association "panafricaine" Unité-Dignité-Courage (créée en 2010, 37.000 abonnés Facebook), il s’est saisi le 12 juin 2020 au musée du Quai Branly d’un poteau funéraire bari (Tchad, XIXe siècle). Le tribunal l’a condamné pour "vol aggravé" (et trois autres militants à des amendes avec sursis), et "découragé" ce mode opératoire: "Vous disposez d’autres moyens". "La légitimité d’aller chercher ce qui nous appartient", a rétorqué Diyabanza, "ne revient pas aux juges d’un gouvernement prévaricateur. Nous continuerons le combat avec tous les moyens dont nous disposons."
Le 30 juin 2020, il a porté plainte contre l’État français pour "vol et recel" et "annuler le titre de propriété […] du Quai Branly". Le 30 juillet 2020, il s’emparait d’une épée en ivoire au Musée des Arts africains, océaniens et amérindiens de Marseille, le 10 septembre d’une statuette congolaise à l’Afrika Museum de Berg en Dal, Pays-Bas. Il sera jugé ce mardi à Marseille et en janvier aux Pays-Bas. Le 22 octobre dernier, il s’emparait au Louvre d’une figure d’esprit tutélaire ana deo fin XVIIIe (île de Florès, Indonésie).
"La légitimité d’aller chercher ce qui nous appartient ne revient pas aux juges d’un gouvernement prévaricateur."
Restitution inconditionnelle
Unité-Dignité-Courage (UDC) milite depuis plusieurs années pour "la dissolution de l’ONU", "le retrait des bases militaires françaises d’Afrique" ou "contre des programmes scolaires aliénants". Depuis 2018, elle brandit le flambeau des restitutions. "La France veut m’enfermer (il a été 3 jours en garde à vue et 2 jours en prison, NDLR), attestant la faiblesse de l’État de droit. Je porte la voix d’un peuple opprimé dont on a étouffé la parole, décapité les leaders. 'Décourager' va de pair avec intimider ou assassiner."
"La loi française admet que l’État 'colonisateur et esclavagiste' a mal acquis ces objets. La figure indonésienne n’était pas une erreur: il élargit le front, des Chicanos mexicains aux Amérindiens, des Kanaks aux Aborigènes." L’UDC revendique 160.000 soutiens dans le monde et des contacts privilégiés avec le Niger, l’Égypte, le Bénin, le Nigéria. Des sources "nous informent, comme Nadia Nsayi", curatrice au Museum aan de Stroom d’Anvers. La statue du chef Ne Kuko, "volée en 1878 par le marchand belge Alexandre Delcommune, réclamée par Mobutu en 1970, sera retournée à son village de Kikuku (RDC). Nous devrions formaliser une alliance avec un député belge membre de la Commission d’enquête parlementaire sur la colonisation."
Les pièces retournées "réintégreront la communauté religieuse ou initiatique, permettant au peuple de faire des choix sapés par l’influence coloniale."
Il vise deux démarches: "une résolution de restitution inconditionnelle devant l’ONU, appuyée par plusieurs villages et autorités administratives" et "une autoroute culturelle associant les peuples opprimés et les États receleurs vers un retour progressif". Les œuvres sont classées en catégories 4 et 5 qui iront à 500 musées africains sélectionnés, en 2 et 3 qui iront à des clans, des familles royales identifiées, et en catégorie 1, qui appartiennent à la mémoire nationale".
Que vous inspire l’action de M. Diyabanza?
Un militant de la cause "panafricaine" et des "restitutions" qui tente de voler au Louvre une statue indonésienne en s’écriant "Je suis venu reprendre ce qui a été volé à l’Afrique!" Si cette méconnaissance des arts africains le disqualifie à mes yeux, ses propos antisémites sur le centre "juif" [sic] d’ethnopsychiatrie Georges Devereux, le disqualifient à la face du monde. Il s’agit de délits passibles de poursuites, contrairement à l’ignorance historique, juridique ou artistique, et c’est heureux pour lui.
Le débat vous semble-t-il fécond?
Le partage des biens culturels est noyé sous les amalgames. En France, du discours de Ouagadougou au débat parlementaire, en passant par le rapport Savoy/Sarr, tout a été raté, confisqué par les chantres de la repentance coloniale. La France restituera le sabre d’un djihadiste et les regalia d’un roi esclavagiste, au mépris de l’Histoire et du droit, en sacrifiant l’inaliénabilité du domaine public et ses musées. Ce ratage crée des vocations, comme celle de M. Diyabanza.
En Belgique, qu’en est-il?
La rénovation par la Belgique de son musée dédié aux arts d’Afrique centrale ne vaut guère mieux. Les statues de grands artistes africanistes sont remisées, voilées et les œuvres africaines font place à une propagande anticoloniale sans nuance. Ce sont les "ponts intellectuels entre les peuples et les continents", chers à Stefan Zweig et édifiés par les musées de Tervuren et du Quai Branly, que l’on brise.
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