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Riton Liebman: "Depardieu était un gros con"

Pour Riton Liebman, "La Vedette du quartier" a d'abord été un spectacle. ©Yves Kerstius

Après avoir consacré un triptyque de spectacles à son parcours chaotique, dont "La Vedette du quartier", le comédien Riton Liebman transpose ce dernier volet en livre.

À 13 ans, le jeune Bruxellois tourne avec Depardieu, Dewaere et Carole Laure sous la direction de Bertrand Blier dans "Préparez vos mouchoirs". Devenu en effet "la vedette du quartier", le fils de Marcel Liebman, célèbre professeur de sociologie politique à l'ULB et initiateur du dialogue israélo-palestinien, "monte" à Paris et descend dans les enfers des excès et de la drogue.

Tout cela, il le raconte sans détours, sans honte, mais pas sans pudeur ni style, avec l'énergie du désespoir et un vrai talent de romancier...   

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Pourquoi avoir appelé ce récit roman?

Je ne voulais pas raconter simplement ma vie, mais je souhaitais donner une dimension littéraire, produire un travail afin d'en faire un projet artistique.

Au niveau du style, ce serait plutôt un mélange entre Bret Easton Ellis pour le fond et le Petit Nicolas de Goscinny pour la forme?

En effet, c'est le Petit Nicolas qui se défonce…

Finalement, votre drame n'est-il pas d'avoir été connu trop tôt?

Peut-être... Mais en même temps, c'est ce qui m'a permis de faire tout ce que j'entreprends aujourd'hui. 

Vous avez une mémoire des choses, des idées, des lieux et des personnes impressionnante, ce qui est assez incroyable pour quelqu'un qui était défoncé.

Mais c'est mon itinéraire, et, étant un peu romancier, je réussis à remettre mes souvenirs dans l'ordre et à me revoir. Quiconque serait capable de faire ce travail.

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Finalement, ne seriez-vous pas plus écrivain que comédien?

"Sans vouloir frimer, des comédiens comme moi, il y en à 50.000, mais un auteur comme moi, il n'y en a pas deux!"

Sans vouloir frimer, des comédiens comme moi, il y en à 50.000, mais un auteur comme moi, il n'y en a pas deux!

Vous comptez donc développer cette carrière d'écrivain?

Ça me plairait si l'éditeur est d'accord.

Et vous avez déjà le matériel nécessaire?

Le prochain ce sera "Soissons dans l'Aisne" que j'ai présenté sous forme théâtrale au théâtre de Poche juste avant la crise du covid.

Mais ce sera toujours autobiographique?

Non, je pense qu'après Soissons, j'arrêterai de parler de moi, de m'autofictionner: mon histoire sera toujours présente, mais moins centrale. Et peut-être que je passerais à la fiction: quand j'ai écrit le film "Je suis supporter du Standard", il ne s'agissait pas vraiment de mon histoire. Je pense passer à des projets de cet ordre-là: m'inspirer de la vie à travers mon expérience, mais ne pas raconter forcément mon histoire.

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Le parcours que vous avez eu enfant serait-il encore imaginable dans la société d'aujourd'hui?

(réfléchit) Faut-il un thérapeute pour accompagner les enfants pendant X semaines sur le tournage pour qu'ils puissent être un peu plus solides? Je n'ai pas d'avis sur la question.

 Mais on peut penser que ce ne serait plus possible?

Je ne sais pas, n'étant pas sociologue. Qui vous dit que demain, un réalisateur ne va pas prendre un jeune garçon pour une autre histoire, et qu'il se passera la même chose?

Que pensez-vous de ce qui se déroule autour de Gérard Depardieu actuellement, vous qui l'avez côtoyé?

"Depardieu est surtout enfermé dans son personnage. S'il a commis des actes répréhensibles, qu'il soit puni."

Depardieu est surtout enfermé dans son personnage.

S'il a commis des actes répréhensibles, qu'il soit puni. Quant au fait que la société change et que l'on attaque Depardieu parce qu'il parle de cul tout le temps.... Évidemment, ce n'est pas formidable de s'exprimer de la sorte, mais après tout, qui ne parle pas de cul avec ses copains?

Dans le livre, vous racontez en effet que, jeune adolescent, lorsque vous le rencontrez sur le tournage de "Préparez vos mouchoirs", il se comportait déjà de cette manière...

Et cela ne choquait pas grand monde. En tout cas, personnellement, je n'ai pas été témoin d'attouchements de sa part. Mais l'on ne s'offusquait pas plus que cela de son comportement: Il était lourd et c'était un gros con.

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Il avait un côté complètement con, tout comme Patrick Dewaere d'ailleurs... Mais l'on faisait avec et l'on passait à autre chose... 

Si votre père avait vécu jusqu'ici, qu’aurait-il pensé de ce qui se passe en Israël et en Palestine?

Je l'ignore. Mais mon père avait un avis très éclairé sur les choses. Il avait une dimension supérieure: son livre "Né Juif" est extraordinaire, la vision politique d'un homme intellectuellement au-dessus... ce que je ne suis pas.  Parfois, son avis sur les choses me manque en effet… Mais ma mère est restée très à gauche, notamment sur la question du conflit israélo-palestinien, très proche des idées de mon père, comme tous les membres de la famille...

Et comment vous vous positionnez-vous dès lors par rapport à toute cette tragédie?

C'est déchirant pour tout le monde, mais qui puis-je?

J'ai des copains juifs qui sont devenus très à droite. En même temps, j'ai croisé une manifestation propalestinienne l'autre jour: j'ai marché un peu avec eux, en leur disant que j'étais juif pour un État palestinien. Ils n'en avaient rien à foutre et ils étaient quand même quelque part contre l'État d'Israël. Que peut-on faire avec des gens qui sont contre l'État d'Israël? Même si vous n'êtes pas sioniste, l'État d'Israël existe de toute façon.... (soupir) C'est très compliqué.

Le plus touchant dans votre livre c'est ce rapport à votre père, une personne remarquable qui doit beaucoup vous manquer et, en même temps, qui devait être une figure imposante dans votre existence…

Ah oui. Il était difficile d'avoir raison face à mon père.

Cependant, on sent dans le livre l'amour réciproque qui vous unit?

J'entretenais de très bonnes relations avec lui. Malheureusement, mon père est mort trop tôt, à une période où je n'étais pas vraiment un homme.  Je me droguais encore à l'époque: je n'ai pas pu lui montrer qui j'étais, le garçon plus ou moins sérieux que je suis aujourd'hui.

Votre mère est également une figure importante, même si elle ne jouit pas de l'aura publique de votre père

Ma mère est une conteuse extraordinaire, et si je suis écrivain aujourd'hui, elle y est pour beaucoup. Mon grand-père était proche de Sholem Aleichem, grand écrivain juif de langue yiddish. Il existe donc une tradition littéraire dans ma famille maternelle. D'ailleurs, lorsque ma mère raconte des blagues et des contes, qu'elle fait le pitre, tout le monde est plié de rire.

4/5 Riton Liebman: "La Vedette du quartier", édition Séguier. 277 pages, 21 euros.

©Séguier
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