Roman noir à l’islandaise avec Arnaldur Indridason
Avec "La Pierre du remords", Arnaldur Indridason met l'honnêteté et le soin d'autrui au centre de son nouveau roman noir.
À quoi tient le grand talent d'Arnaldur Indridason? Ses romans comportent toujours les mêmes éléments, l'Islande d'hier et d'aujourd'hui, les secrets de famille, les remords, les signes du hasard... Pourtant le lecteur ne se lasse jamais de mettre ses pas dans ceux de ses vieux flics à la retraite; Erlendur d'abord et, depuis trois romans, Konrad, veuf, et ronchon comme son prédécesseur. Leur auteur a le réel souci de ne pas utiliser les personnages pour rouages d'une intrigue mais de les accompagner sur le chemin d'eux-mêmes avec une compassion sincère.
Savamment mais avec aisance, Indridason enrichit ses enquêtes de l'intériorité de son inspecteur; sa propre histoire entre en résonance avec le vécu des victimes, mais aussi des coupables. Reykjavik n'est jamais qu'un simple décor, la ville est l'expression des changements radicaux qui ont emporté l'île en moins d'un siècle sur le chemin d'une modernité venue d'ailleurs qui bouleverse les comportements. Les racines paysannes, les hameaux perdus où sont nés les parents, collent encore aux semelles de chacun, pour le meilleur ou pour le pire.
Indridason sait moduler un ton rapide et sec avec une onde mystérieuse qui semble apporter à chacun un peu de chaleur humaine.
Les souvenirs habitent aussi Konrad, ceux liés à son père en particulier, alcoolique, brutal et escroc sans scrupule, retrouvé assassiné devant les abattoirs, quand lui-même était jeune policier. Une tache dont il ne s'est jamais défait et qui revient le hanter trente après. Est-ce parce qu'une femme lui a demandé son aide pour retrouver le fils qu'elle a abandonné cinquante ans plus tôt? Est-ce parce qu'il la lui a refusée et qu'on l’a retrouvée morte? Le fait est qu'à son corps défendant, Konrad va seconder ses anciens collègues et trouver des fils qui le ramèneront à son propre passé d'enfant honteux et meurtri.
Deux histoires se mêlent donc cette fois encore habilement et s'éclairent avec une sensibilité et une pudeur remarquables pour un roman noir. C'est presque à reculons qu' Indridason pénètre dans l'intimité de foyers fracassés sans misérabilisme ni complaisant voyeurisme. Ces pages semblent se poser, telle une aile, sur l'épaule des victimes.
Agression des ultra-riches
Est-ce que ce genre de choses pourrait arriver ailleurs qu'en Islande? «Je ne sais pas», répond Konrad, vieux routier qui ne s'habitue pas à la violence que les hommes exercent sur les femmes. Comme il ne se fait pas aux hordes de touristes: il perçoit la même agression que celle qu'imposent à la nature ses concitoyens ultras-riches, qui vendent leurs parts de marchés aux étrangers mais défigurent le fragile paysage islandais avec leurs villas démesurées.
Quant à leurs sociétés, sises dans d'immenses buildings, elles font écran, au sens premier du terme, aux signaux de la marine nationale! Oui, il a du mal Konrad avec la prédation, l'irrespect en général et avec la dissimulation. En ce compris, la sienne.
Indridason sait, lui, moduler un ton rapide et sec avec une onde mystérieuse qui semble apporter à chacun un peu de chaleur humaine.
«La Pierre du remords»
Arnaldur Indridason
Traduit par Eric Boury, Éditions Metailié, 344p., 21,50 euros
Note de L'Echo: 5/5
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