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Art Basel et Paris, l'alliance du fer et du verre au Grand Palais

La nef centrale du Grand Palais et son parterre de galeries d'art. ©EPA

Ce week-end, la foire Art Basel Paris réintègre le Grand Palais avec 41 galeries de plus qu'en 2023. Un écrin sublime pour 195 marchands venus proposer un siècle d'art... Très peu de déchets, mais trop peu de prises de risque.

Depuis les combats d'escrime aux JO de Paris, cet été, et le défilé Chanel qui leur a succédé, tous les yeux restent braqués sur le Grand Palais. Après 18 mois de travaux, menés tambour battant, celui-ci retrouve sa splendeur et sa fonction première depuis 1900: accueillir les événements culturels de prestige de la capitale française.

Il héberge ainsi jusqu'à dimanche la foire d'Art Basel Paris (anciennement Fiac puis Paris+ by Art Basel), après deux éditions parquées dans le lieu plus étriqué du Grand Palais Éphémère, face à la tour Eiffel. Dans les 13.500 mètres carrés de la nef centrale, le long de la galerie supérieure qui ceint l'immense cathédrale de verre et d'acier, au cœur de ses coursives dissimulées au premier regard, quelque 195 galeries d'art, venues de 42 pays, rivalisent d'attractivité pour séduire le chaland – Français bien sûr, mais aussi Belge, au vu de ces dames chics qui laissent pendre en bandoulière un sac "brillant" de chez Delvaux, tandis qu'on parle anglais à tous les stands, et souvent avec l'accent américain.

Art Basel Paris 2024: Behind the scenes

Il n'a pas fallu un jour pour que les ventes atteignent des sommets, à la hauteur des 45 mètres de la voûte en berceau du Grand Palais, planté à deux pas des Champs-Élysées et que Le Corbusier avait rêvé de raser avec la complicité de Malraux! La londonienne White Cube rafle d'emblée la mise avec 9,5 millions de dollars pour l'"Insile" foisonnant de la plasticienne américaine Julie Mehretu, ainsi qu'un Howardena Pindeel et un Fontana dépasssant le million. Chez Hauser & Wirth de New York, un Mark Bradford est parti à 3,5 millions, tandis qu'un Louise Bourgeois s'adjugeait, toujours mercredi, à environ 2 millions. Le jeudi, c'est 20 millions qu'a déboursés un collectionneur pour acquérir une araignée de la terrible plasticienne américaine!

Le balcon du Grand Palais accueille 16 jeunes galeries d'art émergent.
Le balcon du Grand Palais accueille 16 jeunes galeries d'art émergent. ©Art Basel Paris
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Des femmes, du contemporain et des valeurs sûres

Des femmes artistes, des productions contemporaines de ces vingt dernières années indiquent déjà deux grandes tendances. La foire expose aussi, mais en moindre quantité, des pièces maîtresses de l'époque moderne et de l'après-guerre. Perchées le long de la galerie du Grand Palais, seize galeries d'art émergeant apportent un surcroît d'innovation à la sélection des valeurs sûres. Épinglons dans cette section "Émergence", les œuvres de Pierre Allain qui chamboulent la neutralité présupposée de l'objet, se vendant chacune 3.000 euros chez Petrine Paris.

"La dimension commerciale de l'art n'enlève rien à la subversion ou à la dimension politique ou revendicatrice que défendent certains artistes ou certaines galeries."

Clément Delépine
Directeur de la foire Art Basel Paris

Enfin, une nouvelle section, "Premise", regroupe neuf galeries qui défendent un propos curatorial assumé, comme Bombon de Barcelone, affichant les planches de BD de Nazario. "Un dessinateur subversif qui a accompagné la transition vers la démocratie de l'Espagne. Il publiait des cartoons clandestins qui faisaient la part belle à la pornographie queer", s'enthousiasme Clément Delépine, le patron d'Art Basel Paris (lire ici son interview). "La dimension commerciale de l'art n'enlève rien à la subversion ou à la dimension politique ou revendicatrice que défendent certains artistes ou certaines galeries."

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Les planches de BD queer de Nazario à la galerie Bombon, de Barcelone.
Les planches de BD queer de Nazario à la galerie Bombon, de Barcelone. ©Art Basel Paris

Plébiscite pour l'art contemporain

À la foire parisienne, la répartition des tendances de l'art est conforme aux conclusions du nouveau rapport d'Art Basel et de la banque UBS qui fait autorité dans le marché de l'art. "En 2023, l'art d'après-guerre et contemporain est resté le secteur le plus important du marché des ventes aux enchères de beaux-arts, avec 53% de la valeur des ventes globales et 55% en volume." Le rapport situe l'art moderne à 24%, en hausse de 2% par rapport à l'année précédente, ce qu'a bien noté Martin Desfosses, directeur de la galerie bruxelloise Vedovi, installée dans le paddock avec Van de Weghe New York ou Nahmad Contemporary New York, également spécialisés dans les chefs-d'œuvre de cette période de l'histoire de l'art.

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Un sublime Fontana peint à l'huile verte, issu de la collection du réalisateur Claude Berri et vendu d'emblée à l'ouverture de la foire.
Un sublime Fontana peint à l'huile verte, issu de la collection du réalisateur Claude Berri et vendu d'emblée à l'ouverture de la foire. ©Vedovi Gallery - photo: X.F.

"Le marché est plus volatil qu'il y a cinq ans, mais cette relative frilosité se concentre davantage sur le segment de l'art contemporain, secteur plus perméable aux soubresauts du marché. Les collectionneurs se concentrent sur des valeurs plus sûres, tant dans une optique de diversification de leur patrimoine que parce que ce sont de vrais passionnés d'art", analyse le galeriste bruxellois en nous détaillant le fil rouge qu'il a tissé entre de belles pièces du très pop Tom Wesselmann (auquel la Fondation Louis Vuitton consacre en ce moment une rétrospective...), Dubuffet, Gerhard Richter, David Hockney, Magritte, Calder ou ce sublime Fontana peint à l'huile verte, issu de la collection du réalisateur Claude Berri et vendu d'emblée à l'ouverture de la foire.

Le tassement de 4% de la valeur du marché en 2023 ne se traduit cependant pas dans le volume des échanges qui, lui, serait en augmentation.

Si le rapport Art Basel/UBS indique bien un tassement de 4% de la valeur du marché en 2023, en raison de l'incertitude politique internationale, de l'inflation et des taux d'intérêt élevés, il touche essentiellement les transactions dépassant les 10 millions de dollars. La perte en valeur d'un marché évalué à 65 milliards de dollars (il était de 64,4 milliards de dollars en 2019, avant la pandémie) ne se traduit cependant pas dans le volume des échanges qui, lui, serait en augmentation.

L'artiste pop américain Tom Wesselmann est partout à Art Basel Paris, au moment où s'ouvre une exposition qui lui est dédiée à la Fondation Vuitton, à Paris.
L'artiste pop américain Tom Wesselmann est partout à Art Basel Paris, au moment où s'ouvre une exposition qui lui est dédiée à la Fondation Vuitton, à Paris. ©The Estate of Tom Wesselmann
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Coups de cœur à foison

Clément Delépine reste ainsi optimiste: "On n'est pas à l'abri d'un succès!", dit-il en jetant un œil circulaire du balcon. Revenu au plancher des vaches, on flâne entre les allées, en essayant de ne pas se laisser influencer par le pedigree des galeries ou des artistes, qu'on reconnaît parfois au premier coup d'œil comme la Belge Édith Dekyndt, qui jouxte deux œuvres de Giuseppe Penone, sélectionnée par la galerie allemande Konrad Fischer, suivant la tendance de l'arte povera qu'expose au même moment François Pinault – le collectionneur des collectionneurs – à la Bourse de commerce.

Devant la surabondance des propositions, certaines galeries préservent mieux que d'autres le rapport intime que nous voulons entretenir avec les œuvres.

Chez Kukje de Séoul, nous ne sommes pas les seuls à être tombés en pâmoison devant le subtil dégradé de couleurs signé Lee Ufan. Il s'est tout de suite vendu entre 900.000 et 1,8 million de dollars. Chez Neu Berlin, on a reconnu une "Camera becoming painting" qu'expose en ce moment le Wiels, à Bruxelles, dont le patron, Dirk Snauwaert faisait les 100 pas dans l'enfilade des stands...

La peinture se taillant la part du lion, on est heureux d'avoir l'œil aimanté par la splendide tête en cuivre de Pierre Huyghe, accrochée sur un mur blanc par la Parisienne Chantal Crousel. Chez Lisson de Londres, comment ne pas être saisi par la tapisserie et la grande tresse d'Olga de Amaral, également vendues immédiatement à une collection privée américaine pour, respectivement, 400 et 800.000 dollars, tandis que deux Otobong Nkanga, créatrice nigériane basée à Anvers, prolongent notre réflexion sur le statut de la femme africaine dont les formes explosent dans les toiles et les sculptures de l'artiste née en 1990 à Harlem, Tschabalala Self.

"My House" de l'artiste américaine Tschabalala Self.
"My House" de l'artiste américaine Tschabalala Self. ©Eva Presenhuber Gallery
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Le stand de la galerie suisse Eva Presenhuber, qui expose cette dernière, dénote par ses cimaises et son sol entièrement colorés, offrant au visiteur une expérience totale. De quoi nous amener à cette réflexion: devant la surabondance des propositions, certaines galeries préservent mieux que d'autres le rapport intime que nous voulons entretenir avec les œuvres, nous rappelant qu'il s'agit bien d'art et non de biens (certes très chers) de consommation.

Préserver l'expérience de l'art

Une dramaturgie qui révèle aussi en creux l'identité des galeries: très flamande chez le Bruxellois Jan Mot, qui évite toute surenchère avec la femme baissée d'Andrea Büttner, ciselée dans un aplat rouge, une miniature de Francis Alÿs et une sculpture de Lily Dujourie. On peut la jouer maximaliste, mais tout aussi juste, comme le prouve l'Américain David Zwirner en faisant se répondre, à l'entrée de son espace, des personnages de Gerhard Richter et de Marlene Dumas.

À gauche, "Suprematism, 18th Construction" de Kazimir Malevitch.
À gauche, "Suprematism, 18th Construction" de Kazimir Malevitch. ©Hauser & Wirth

Chez Hauser & Wirth, c'est un simple mur bleu profond qui suffit à nous happer dans un fabuleux Malevicth de 1915 – cinq traits de couleurs sur un fond blanc, dans la plus pure abstraction. Mais la plus belle association, à notre sens, se déploie dans une alcôve immaculée, ménagée par la galerie londonienne Victoria Miro, entre la baignoire translucide du Coréen Do-hot Suh et la femme qui prend son bain du Caribéen Boscoe Holder.

Reste à se confronter à soi-même et aux vanités de toute cette entreprise devant un miroir de Pistoletto, exposé dans un total dépouillement chez Cardi Milan. Arte povera?

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FOIRE D'ART

Art Basel Paris

Art contemporain, émergent, d'après-guerre et moderne

Commissaire: Clément Delépine

Du 18 au 20 octobre 2024

Grand Palais - Paris

3 avenue du Général Eisenhower - 75008 Paris. Accès Métro: Franklin-Roosevelt ou Champs-Élysées-Clemenceau

Note de L'Echo:

Art Basel’s Public Program transforms Paris into an open-air gallery
Paris, la ville Culture

Art Basel Paris ne se cantonne pas au Grand Palais et crée une interface avec l'"écosystème culturel" parisien, à travers un programme public qui investit dix lieux emblématiques de la capitale française. Autant dire que l'on parle de prestige avec le triple champignon de Carsten Höller que présente la galerie Gagosian, place Vendôme, le pouce de César, planté par la Galleria d’Arte Maggiore G.A.M. au domaine national du Palais-Royal, ou "Tales & Tellers", l'événement de la marque de mode Miu Miu au Palais d'Iéna.

©Art Basel Paris

Au rayon des expositions qui résonnent avec les œuvres vues à Art Basel, on ne manquera pas Tom Wesselmann à la Fondation Louis Vuitton, Olga de Amaral à la Fondation Cartier, l'Arte povera à la Bourse de commerce - Collection Pinault et le Surréalisme au Centre Pompidou...

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Art Basel n'est d'ailleurs pas la seule foire à Paris qui accueille, également jusqu'au dimanche 20 octobre, Paris Internationale, dédiée aux arts émergents, Akaa et son design africain, l'Asian Art Fai.r Asia Now, Offscreen, festival de l'image fixe et en mouvement, ou la Modern Art Fair. Cet automne, Paris est la capitale de la culture! X. F.

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