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reportage

Carton plein pour le Philharmonique de Liège

Chef d'Orchestre Gergely Madaras, à la tête de "son" Philharmonique de Liège.

Pour sa dernière saison à la tête de l'Orchestre philharmonique royal de Liège, son chef, Gergely Madaras, a mis les petits plats dans les grands pour parachever son bilan. Et les salles sont déjà pleines.

Un orchestre symphonique est une société en miniature. On s'en rend compte, en ce petit matin de juillet, lorsque les 97 musiciens de l'Orchestre philharmonique royal de Liège (OPRL) prennent place dans des bus qui les emmènent de la Cité ardente au Concertgebouw d'Amsterdam pour clôturer en beauté la saison passée.

Le chef Gergely (prononcez "Guergueï") Madaras et les solistes, le pianiste Nelson Goerner et l'organiste et compositeur Thierry Escaich, sont déjà arrivés sur place en voiture. Dans le premier bus, le premier violon, communément appelé "konzertmeister", s'est tout de suite assis à la première place, juste derrière le chauffeur, et tient le crachoir, tandis qu'Aline Sam-Giao, la Française qui occupe depuis un an le poste de directrice générale, se tient, bien droite, également à la première place, mais dans la rangée opposée...

Toute la petite troupe est ainsi en ordre de marche pour donner au public néerlandais une bonne dose de répertoire franco-belge dans lequel excelle la formation liégeoise, à commencer par César Franck, qu'elle n'a cessé de fêter et d'enregistrer depuis le bicentenaire de sa naissance, en 1822, le "Concerto en sol" de Ravel, puis la "Symphonie pour orgue" de Saint-Saëns, un tube qui met en branle le vénérable instrument romantique d'un Concertgebouw, plein à craquer d'un public sensiblement différent de celui de Liège.

Nelson Goerner en répétition au Concertgebouw d’Amsterdam avec l’OPRL, le 17 juillet 2024.

Nos voisins du premier balcon semblaient sortir d'un kébab, exhalant des senteurs de grillade, un petit vieux en bras de chemise nous tape sur l'épaule pour modérer notre enthousiasme, tandis qu'un public plus bourgeois a sorti mocassins et pull à l'épaule. Des auditeurs finalement très attentifs et décontractés qui se voient offrir un verre de vin gratuit après le concert, non sans avoir gratifié l'OPRL d'une double standing ovation méritée.

Dans l'acoustique parfaite de la salle, aussi chaleureuse qu'à Liège, mais à la résonance plus ample, on distingue parfaitement le travail de tous les pupitres qui fusionnent dans un tout organique, pulsant au rythme de la battue du jeune chef hongrois.

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Standing ovation pour l'OPRL au Concertgebouw d'Amsterdam, le 17 juillet 2024.
Standing ovation pour l'OPRL au Concertgebouw d'Amsterdam, le 17 juillet 2024. ©X. F.
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"Cela doit ressembler à un organisme où tout le monde respire ensemble", nous disait d'ailleurs Gergely Madaras entre deux répétitions. Et je crois que notre orchestre a commencé à respirer ensemble, j'en suis très fier. Et j'ai encore une saison pour renforcer ce sentiment." Madaras achèvera en effet en 2025 un mandat de cinq ans, avant de laisser sa baguette au jeune Français Lionel Bringuier, que l'on entendra déjà cette saison en tant que chef invité.

"Je crois que notre orchestre a commencé à respirer ensemble, j'en suis très fier. Et j'ai encore une saison pour renforcer encore ce sentiment."

Gergely Madaras
Directeur artistique de l'OPRL

Un satisfecit qui se traduit dans les chiffres de fréquentation de la salle, avec une hausse de 31,9% des ventes par rapport à 2022, nous apprend le rapport annuel de 2023, pour un total de 92.184 spectateurs pour 198 événements. "Depuis mon arrivée, en 2019, la vente de tickets s'est accrue de 62%", précise encore le chef, qui y voit aussi une reconnexion définitive entre l'orchestre et son public après la crise du covid. "Le confinement fut une très bonne école!", dit-il. Ce qu'il lui reste du covid? "Une sensibilité et une ouverture aux autres accrues, une flexibilité et une souplesse. J'ai l'impression qu'auparavant, l'orchestre était plus rigide, aussi bien sur des questions de planning que dans sa manière d'être, et aussi musicalement."

"Réussir à gérer un travail et une pression aussi intenses positionne l'orchestre au niveau mondial", dit encore Madaras, qui veut associer étroitement les musiciens à la bonne marche de l'entreprise. C'est d'ailleurs un de ses chevaux de bataille pour sa dernière saison avec le renouvellement du comité artistique de l'orchestre, dans lequel les musiciens seront bien représentés, la mise en valeur de trois d'entre eux, promus solistes le temps de trois concerts, le soin apporté à sa relation avec ses deux konzertmeisters.

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C'est encore appuyer "Hop", une initiative provenant des musiciens eux-mêmes pour se produire en petites formations, en plus de leurs heures d'orchestre. "Dans les organisations, certains patrons ont parfois peur de ce genre de prise d'autonomie, mais, chez nous, nous les soutenons."

Gergely Madaras talks about Ernő Dohnányi & Sergeï Rachmaninov - Mezzo Live Session

Tournée en Hongrie

Madaras semble en tout cas sur du velours pour affronter sa nouvelle saison, baptisée "Sensations fortes", avec quelques œuvres de choix au menu, dont la monumentale "Missa Solemnis" de Beethoven, le 4 octobre, au Namur Concert Hall, et le 5, à la Salle philharmonique de Liège, et une tournée en Hongrie où il présentera la musique de César Franck. Il poursuit aussi OPRL+, la série qu'il a créée de toutes pièces pour croiser le répertoire symphonique avec d'autres arts, et qu'il ouvre cette année à la danse, aux bandes originales, à la BD et aux comédies musicales américaines.

La suite, ce sera à Lionel Bringuier de l'écrire. Le jeune chef français prendra les rênes de l'orchestre entre 2025 et 2029. "Notre orchestre, avec sa chaleur et ses couleurs très latines, est immédiatement à l'aise dans le répertoire français. Raison pour laquelle Lionel Bringuier se sent si bien avec l'OPRL, car il est lui-même biberonné à ce répertoire", intervient Aline Sam-Giao.

Aline Sam-Giao, nouvelle directrice générale de l'OPRL.
Aline Sam-Giao, nouvelle directrice générale de l'OPRL. ©Anthony Dehez
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La nouvelle directrice générale de l'orchestre souhaiterait aussi davantage exploiter la Salle philharmonique de Liège, qui a le statut de "centre scénique" et peut donc accueillir d'autres formations musicales que l'OPRL, qui y est en résidence. C'est déjà le cas cette saison, avec 15 concerts invités (on y épinglera le pianiste Nikolaï Luganski, l'organiste Anna Lapwood, star des réseaux sociaux, ou le chanteur folk Tucker Zimmerman). "Mais c'est vrai qu'il y a une petite frilosité à inviter d'autres orchestres. Il y en avait traditionnellement un par saison (Le Scottish Chamber Orchestra, en 2023, et le Chamber Orchestra of Europe, cette saison, NDLR). Mais à partir de la saison 25-26, ce sera quatre par saison, deux belges et deux internationaux."

"C'est vrai qu'il y avait une petite frilosité à inviter d'autres orchestres. Mais à partir de la saison 25-26, ce sera quatre par saison, deux belges et deux internationaux."

Aline Sam-Giao
Directrice générale de l'OPRL

Aline Sam-Giao souhaite également ajouter plus de jazz à la programmation, lorgnant la dynamique de l'excellent festival Jazz à Liège, tout en souhaitant conserver ce "qui marche". "Mes prédécesseurs ont été très créatifs en matière de formats de concert", assure-t-elle en pointant aussi ce qu'on ne voit pas dans la communication de l'orchestre: les dizaines de concerts donnés directement dans les écoles de la région liégeoise. "Il y a de grandes attentes de service public sur nos épaules, et à juste titre vu le montant de notre dotation qui dépasse les 10 millions d'euros."

La saison 24-25 : Les concerts découvertes

En termes de revenus, justement, elle vient d'engager un responsable commercial en plus des deux autres postes déjà budgétés (un responsable des réseaux sociaux et du bâtiment) pour, dit-elle, "rapprocher l'orchestre des milieux économiques". Il s'agira pour lui de développer le mécénat, les partenariats et le sponsoring, et la location d'espaces (grande salle et foyers) et de prestations.

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En ligne de mire, le développement de projets qui accroissent la visibilité de l'orchestre, déjà assurée par les partenariats avec les chaînes en ligne Mezzo et Medici TV. "Vu la contenance de notre salle, nous ne pourrons dépasser les 100.000 places par saison. Pour aller au-delà, il y a les tournées, les disques, l'audio-visuel et pourquoi pas le développement de la réalité virtuelle ou des applications de jeu, qui nous permettraient de donner accès à notre salle partout dans le monde."

Toute la saison 24-25 "Sensations fortes"
Temps forts du début de saison à l'OPRL

1/ Parution d'un CD Liszt ("Faust-Symphonie" et "Mephisto-Valse n°1", chez Bis, à écouter aussi sur Spotify, ci-dessous). L'intégrale Dohnányi est prévue pour le printemps 2025.

2/ "Missa solemnis" de Beethoven, avec 4 chanteurs solistes et le Chœur de chambre de Namur. Le 4/10 au Namur Concert Hall et le 5/10, à la Salle philharmonique de Liège.

3/ "Symphonie fantastique" de Berlioz (+ "Concerto pour violoncelle" d’Elgar + première belge de la "Lugubre gondole" de Liszt, orchestration de John Adams). Le 15/11 à Namur et le 16/11 à Liège.

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Pendant la répétition de l'OPRL au Concertgebouw d'Amsterdam.
Pendant la répétition de l'OPRL au Concertgebouw d'Amsterdam. ©X. F.

4/ Tournée en Hongrie, du 22 au 24 novembre (Budapest, Veszprém, Pécs), présentant notamment César Franck au public hongrois.

5/ Concerts de Noël avec "Casse-noisette" de Tchaïkovski dans sa version intégrale.

6/ Cycle OPRL+, croisant les formes artistiques et dédié cette saison à la danse, aux bandes originales de films, à la BD et aux comédies musicales américaines ("Mary Poppins", "La reine des neiges", "Le Roi Lion"…).

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