Arts de la rue, un secteur qui évolue
Le cinquantième anniversaire du Festival international des arts de la rue de Chassepierre est l'occasion de faire le point sur ce que regroupe, justement, l'appellation "arts de rue", et comment elle évolue.
Une pile de CD avec des vidéos de spectacles. S’y attaquer était la routine du lundi matin quand Charlotte Charles-Heep a commencé à travailler au Festival international des arts de la rue de Chassepierre, en 2010, avec l’ancien directeur Alain Schmitz. Depuis 2015, c’est elle la directrice, et elle ne reçoit plus rien par la poste. “Quand ça arrive, je suis contente. J’ai encore le lecteur CD.” Sa morning routine à présent, c’est de contrer la noyade sous e-mails. “Si les compagnies n’ont pas de chargé de diffusion, elles se retrouvent perdues dans la masse.”
"Le lien entre l’opérateur et l’artiste devient complexe avec des fiches techniques qui grandissent."
La directrice du Festival constate plus de pluridisciplinarités, la frontière entre les différents arts s’efface, tandis que certaines formes ont tendance à disparaître, comme le déambulatoire. Sophie Dupavé, attachée presse de Chassepierre depuis vingt ans, se souvient “d’échassiers remontés sur ressorts, ou d’une personne qui se baladait avec un troupeau d’une cinquantaine d’oies. Le déambulatoire, c’est un moment inattendu et pas contrôlé. Il se suffit à lui-même: les gens sont emportés par le côté surprenant.”
Les défis du plein-air
Aujourd’hui, les compagnies sont plus réticentes à l'idée ne pas contrôler leurs performances, acquiescent Charlotte Charles-Heep et Sophie Dupavé. Cette dernière, qui exerce aussi comme attachée presse au Théâtre National Wallonie Bruxelles, remarque que “le lien entre l’opérateur et l’artiste devient complexe avec des fiches techniques qui grandissent."
La directrice de Chassepierre différencie les “compagnies de rue” de celles qui “jouent en extérieur”’. La deuxième catégorie joue dehors, mais ne s’adapte pas à son environnement. Gaëlle Coppée, circassienne de la compagnie Anoraks, confirme que l’art de rue est un échange direct avec le public. Par exemple, “si un enfant vient danser avec nous, je vais faire une blague, trouver le bon mot au bon moment pour qu’un parent se lève et vienne le chercher. On ne va pas faire semblant qu’il n’est pas là.”
Gaelle Coppée ajoute que “l’énergie est différente” si elle joue un même spectacle en rue ou en salle. “Dans un théâtre, on ne voit pas le public à cause des lumières, et c’est silencieux. Alors qu’en rue, on voit les sourires, ceux qui regardent ailleurs, l’enfant qui crie, l’avion qui passe. Il y a une multitude de stimuli, on doit faire en sorte que les gens restent avec nous.” Elle trouve la rue plus conviviale et permet de créer “une sorte de cocon”. Les spectateurs viennent plus facilement lui parler après sa performance.
Amortir un maximum les créations
À Chassepierre, de plus en plus de compagnies émettent des conditions: ils ne veulent pas jouer à certaines heures, s’il y a trop de soleil ou de pluie, confie la directrice. “Avant, le critère était uniquement la dangerosité. Maintenant, c’est le confort.” Sophie Dupavé trouve également que “le côté irrévérencieux de la rue s’est un peu perdu. C’est moins engagé”.
Ces changements proviennent, entre autres, d’un problème de financiarisation du secteur, et de la pression de la diffusion, analyse Charlotte Charles-Heep. “Les compagnies veulent ’amortir un maximum la création artistique en la jouant à la fois en salle et dans la rue.”, renchérit Sophie Dupavé. 265.000 euros du budget du Festival sont attribués à la rémunération des artistes, hors frais, répartis dans les cinquante compagnies qui se produisent.
Les théâtres ne programment pas un spectacle de trente minutes, alors la durée des performances s’allonge, pour être jouées sur les deux fronts: en rue et en salle. “Je dis aux compagnies qu’il y a souvent un quart d’heure de trop", précise la directrice de Chassepierre. "Le festivalier est assis par terre, dans de mauvaises conditions, il arrive en avance, puis il enchaîne les spectacles, il transpire sous son chapeau ou se prend la pluie. Il n’a pas le côté relax d’un fauteuil de théâtre.”
Comme tout secteur culturel, les arts de la rue évoluent au gré des fluctuations de la société, avec ses mœurs, son basculement vers le numérique ou ses contraintes financières. Ce qui demeure, c'est la chaleur humaine, l'amour du spectacle et les frissons qu'il produit.
Rue du Bocage à Herve
Les 24 et 25 août, une vingtaine de compagnies d'arts de rue se produiront sur dix scènes temporaires de Herve, avec pour fil conducteur less oiseaux. Les festivités commencent le samedi avec la traditionnelle parade dans les ruelles de la ville.
Festival Le Leû à Honnelles
Les 31 août et 1ᵉʳ septembre, le Festival Le Leû promet une ambiance champêtre en prenant possession de la grande prairie fleurie d’Onnezies dans le Hainaut. Du cirque, de la musique, des animations pour enfants, des stands de nourriture et de la bière couleront à flots.
Rallye de la Petite Reine à Lessines
Les 7 et 8 septembre, vivez un festival itinérant en parcourant 25 km à vélo, sur les traces des surréalistes Magrittes et Scutenaire dans la contrée de Lessines. Le périple se ponctue de spectacles d'arts de rue, créant une féérie bien particulière.
Les Fêtes Romanes à Bruxelles
Les 28 et 29 septembre, les Fêtes Romanes s'emparent du centre Wolubilis (Woluwe-Saint-Lambert) pour mêler arts de rue et enjeux sociétaux. Pour cette édition, le thème de la famille est mis en exergue. On retrouve encore le spectacle de jonglerie "Drache nationale" de la compagnie Anoraks, pour celles et ceux qui l'auraient loupée à Chassepierre.
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