Comment financer votre activité quand la banque vous refuse un crédit?
Si vous voulez vous lancer comme indépendant, vous aurez sans doute besoin de moyens financiers. La banque peut apporter les fonds nécessaires à vos investissements. Si tel n’est pas le cas, ne renoncez pas à vos projets pour autant: il existe aujourd’hui de plus en plus d’alternatives.
Fonds propres, famille et proches
Même si se financer seul est rarement possible, l’autofinancement d’une partie de son projet n’en demeure pas moins indispensable pour se lancer. "Tous les investisseurs demanderont que le porteur du projet ‘se mouille’ dans l’aventure. Il y a toujours une asymétrie d’informations entre un investisseur et l’entrepreneur, qui en sait forcément plus sur son projet. S’engager financièrement apporte aux investisseurs une certaine garantie sur la volonté du porteur de projet. En cas d’échec, il en souffrira aussi", explique Oscar Bernal, professeur de finance à l’UNamur.
"Faire appel à ses proches est une manière de crédibiliser son projet et fait aussi office de premier test."
S’il n’existe pas de véritables règles, un investissement personnel, même minime, sera donc systématiquement recommandé. Pour le financer, outre ses économies, Oscar Bernal conseille de faire appel à ses proches. "C’est une autre manière de crédibiliser son projet et cela fera aussi office de premier test. Il sera en effet difficile de convaincre un inconnu de vous suivre dans votre projet si vous ne parvenez même pas à persuader votre famille et vos proches".
Business angels
Une des alternatives au financement bancaire très médiatisées depuis quelques années est la levée de fonds auprès d’investisseurs privés, appelés aussi business angels. Passer par ces "anges gardiens", de l’investissement présente plusieurs avantages. "Les investisseurs privés sont la plupart du temps des entrepreneurs ou des managers qui souhaitent investir dans un projet qui leur parle", précise Claire Munck, du réseau d’investisseurs belge Be Angels.
Mais la grande force de ce type de soutien ne se limite pas à l’injection du capital. Faire appel à un business angel, c’est aussi solliciter un soutien et une expertise entrepreneuriale qui seront bien utiles au développement du projet. "Leur souhait est de s’impliquer concrètement dans la croissance de la société. Ils s’investissent donc en apportant leur connaissance du marché, leur propre expérience d’entrepreneur, parfois un carnet d’adresse… Leur appui est essentiel", explique la responsable.
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Fondé il y a 18 ans, Be Angels est aujourd’hui l’un des réseaux de Business Angels les plus importants du royaume. Seraphin, Do Eat, CVTrust sont quelques exemples de réussite récemment financés. "On compte environ 250 investisseurs dans notre réseau. L’année dernière, 4 millions d’euros ont été apportés à 37 projets qui ont levé au total plus de 15 millions d’euros", détaille la responsable de Be Angels.
Si la levée de fonds privés semble alléchante, elle n’est cependant pas faite pour tout le monde. "Les Angels s’investissent largement dans l’entreprise et prennent d’ailleurs souvent une position dans le conseil d’administration. C’est un élément qu’il ne faut pas oublier", précise Claire Munck. En effet, des fonds ou des particuliers qui investissent dans une entreprise reçoivent des parts de celle-ci en échange de leur apport de capital.
Par ailleurs, les business angels sont souvent les premiers à suivre. Ils prennent donc un risque important de voir partir en fumée leur investissement. "Comme il s’agit d’un pari, il y a forcément un retour attendu. Les start-ups doivent donc être capables de sortir des liquidités au bout de cinq ou six ans", explique encore la CEO de Be Angels.
Les projets innovants ayant une forte marge de croissance sont par conséquent ceux qui suscitent le plus l’intérêt des investisseurs. Un entrepreneur ayant recours à ce moyen peut espérer récolter entre 50.000 et 500.000 euros de capitaux grâce à l’intervention de plusieurs investisseurs.
Crowdfunding
Pour les futurs entrepreneurs qui ont besoin d’un capital de base limité, le crowdfunding est une solution de financement à considérer. Largement popularisé depuis quelques années grâce à l’émergence de nombreuses plateformes, ce type de levée de fonds consiste à susciter l’intérêt de la foule, qui peut directement investir de très petites sommes.
Différentes formules existent, se distinguant principalement par la contrepartie que recevra le généreux "crowder". Celle-ci dépendra généralement de la somme investie. Parfois symboliques, les contreparties permettent dans certains cas de réels retours sur investissement pour le contributeur, notamment quand le soutien prend la forme d’un prêt ("crowdlending").
Avec des campagnes n’excédant habituellement pas les trois mois, le crowdfunding est un moyen efficace de trouver rapidement de l’argent. Mais la démarche possède d’autres atouts. "Notamment d’un point de vue marketing. Cela permet de tester la demande potentielle et la qualité de l’idée, précise Oscar Bernal, convaincu du réel intérêt de ce financement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si aujourd’hui, beaucoup de banques s’investissent d’une façon ou d’une autre dans les plateformes de crowdfunding. Cela permet d’avoir une bonne indication sur la viabilité d’un projet".
Si la formule est plaisante, elle est souvent basée sur le principe du tout ou rien. L’objectif visé devra donc impérativement être atteint pour espérer récolter l’argent. L’ambition devra être bien calculée et un important travail de communication sera nécessaire pour mener à bien la campagne. Précisons également que les plateformes récupèrent une partie des recettes et qu’une commission sur chaque don est également prélevée, diminuant donc de quelques pour cents la somme effectivement perçue. Un élément dont il faudra tenir compte lors de la fixation de l’objectif à atteindre.
"Le crowdfunding est aussi intéressant pour l’investisseur sur le plan fiscal", ajoute Michiel Verhamme, de l’organisation d’entrepreneurs Unizo. L’apporteur de fonds a droit à une réduction d’impôt de 30% sur la somme apportée, voire 45% s’il s’agit d’une micro-entreprise.
Micro-crédit
Lorsque la somme recherchée est relativement faible, le micro-crédit est une solution envisageable. Reconnue mondialement pour son intérêt dans le développement des pays de l’hémisphère sud, la formule est également disponible sous nos latitudes. Comparable dans les grandes lignes à un prêt classique, le micro-crédit permet d’emprunter des sommes réduites. En Belgique la limite maximale pour les microcrédits s’élève à 25.000 euros et commence à un seuil très bas, parfois dès 500 euros.
Les différents montants empruntables dans cette fourchette permettent de tester une idée, de se lancer concrètement ou encore de combler un trou de trésorerie. Le micro-crédit présente également l’avantage d’une certaine flexibilité en termes de durée et de montant des mensualités. Cette option peut être utile pour les petites structures ou les indépendants n’ayant pas accès au crédit bancaire.
Soutien des autorités
→ Aides publiques
Pour boucler son budget, il sera également judicieux de s’intéresser aux différentes aides publiques. Il en existe une multitude permettant souvent d’obtenir des fonds supplémentaires bien utiles. "Il existe des aides au niveau fédéral, mais aussi plusieurs à l’échelon régional et qui varient donc à Bruxelles et en Wallonie. Mais globalement, les possibilités sont assez semblables d’une Région à l’autre. Elles sont assez nombreuses et permettent d’obtenir un soutien dans bien des situations", confirme Eléonore Dubois, directrice du département du développement économique à l’UCM.
Tremplin-indépendants, aide aux financements de la Sowalfin (ou du SRIB pour la Région bruxelloise), prêt coup de pouce, produit mixte Socamut, les aides disponibles sont innombrables. Ces dernières interviennent à toutes les étapes de l’entrepreneuriat, des débuts pour un chômeur-indépendant complémentaire à l’accompagnement personnalisé en passant du statut d’indépendant complémentaire à celui d’indépendant à titre principal.
Cette panoplie d’aides n’est cependant pas toujours utilisée. "On constate une vraie méconnaissance des possibilités. La faute peut-être justement au nombre important d’aides qui coexistent et à la difficulté dès lors de s’y retrouver. Cela évolue néanmoins dans le bon sens, mais il y a encore du travail pour mieux faire connaître toutes les possibilités", ajoute Eléonore Dubois.
Pour s’y retrouver, elle recommande d’ailleurs de se faire conseiller. Les sites infos-entreprises.be pour la Wallonie et 1819.brussels pour les entrepreneurs de la capitale seront ainsi de précieux outils pour entreprendre les démarches.
En plus des aides purement financières, d’autres soutiens sont à la disposition des entrepreneurs.
"Il y a également moyen d’obtenir un suivi et des conseils. Cet appui permet d’intervenir à des moments clés du développement, comme lors de la réalisation du business plan. Ce sont des éléments qui ne sont pas systématiquement mesurables d’un point de vue comptable, mais qui ont un réel intérêt", ajoute la responsable de l’UCM.
→ Prêt sous garantie
À Bruxelles comme en Flandre, vous pouvez frapper à la porte du gouvernement pour obtenir un régime de garantie. Le gouvernement se porte alors caution pour une partie du crédit dont vous avez besoin. Pour la banque, cela se traduit par une baisse du risque, tandis que cela augmente la crédibilité de l’entreprise. Grâce à ce système, une PME peut emprunter au maximum 500.000 euros en Région bruxelloise et 750.000 euros en Flandre. Bruxelles garantit jusqu’à 80% du crédit, la Flandre, 75% maximum. Pour obtenir cette garantie, il faut payer une prime unique qui dépend de l’importance du crédit et de sa durée.
→ Tax shelter
Le gouvernement fédéral veut inciter les particuliers à investir dans des entreprises débutantes, c’est-à-dire qui existent au maximum depuis quatre ans. C’est la raison pour laquelle il a instauré en 2016 le tax shelter, un régime fiscal de faveur pour le capital à risque. Concrètement, celui qui investit directement ou via une plateforme de crowdfunding dans une entreprise débutante a droit à une réduction d’impôt. Celle-ci est égale à 30% du montant investi dans de petites sociétés (chiffre d’affaires annuel inférieur à 9 millions d’euros) ou 45% du montant investi dans des micro-entreprises (chiffre d’affaires de moins de 700.000 euros).
Nouveau
Tax shelter pour les entreprises de croissance
Depuis mars dernier, le tax shelter a été étendu aux entreprises de croissance. Soit des entreprises qui ont au moins quatre ans et au plus dix ans d’existence, qui occupent au moins dix travailleurs à temps plein et qui ont réalisé au cours des deux années précédentes une croissance d’au moins 10% sur le plan de l’emploi et/ou du chiffre d’affaires. Les particuliers qui investissent dans ce type d’entreprises ont droit à une réduction d’impôt de 25% du montant investi.
Grâce au tax shelter, une petite entreprise obtient dorénavant une sorte de "sac à dos", qu’elle peut remplir dans sa phase de lancement (les quatre premières années) et dans sa phase de croissance (entre quatre et dix ans) avec au total 500.000 euros. L’investisseur particulier peut investir au maximum 100.000 euros par an via les deux systèmes.
Combiner plusieurs sources de financement
Les différentes solutions de financement présentées permettent souvent de répondre à une situation précise. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles ne sont pas combinables. "Au contraire même. Il est souvent judicieux de diversifier ses sources d’investissements en les combinant directement ou en les faisant intervenir à des moments différents de la vie de l’entreprise. Les premières années sont souvent gourmandes en capitaux. On peut imaginer des débuts via l’autofinancement et un crowdfunding. Une fois le projet établi, il peut être intéressant de chercher d’avantage d’argent auprès des investisseurs privés, tout en analysant les différentes aides possibles", illustre Oscar Bernal. Votre banquier a donc de la concurrence.
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