Asile et migration: la N-VA retrouve sa matière fétiche, le monde associatif se prépare
Anneleen Van Bossuyt obtient le portefeuille de l'Asile et de la Migration. Une chance pour elle de se faire remarquer dans ce ministère prisé par la N-VA. Sa mission sera de taper fort.
Qui allait reprendre la matière de l'Asile et de la Migration? Dans L'Echo, la secrétaire d'État sortante Nicole de Moor avait fait acte de candidature pour rempiler, mais ce portefeuille était trop tentant pour la N-VA, qui sait bien le gain politique qu'il représente. Et en premier lieu Theo Francken, ancien pensionnaire du secrétariat d'État sous la suédoise (2014-2018) et principal animateur de la table de négociation "asile et migration" pour les nationalistes flamands.
C'est d'ailleurs bien la marque de la N-VA qui figure sur l'accord de gouvernement et qui va durcir, de manière peut-être jamais vue en Belgique, le recours à l'asile et à la migration. Ce sera donc à la charge d'Anneleen Van Bossuyt de prendre la main sur la matière. Son nom n'avait pas particulièrement circulé jusqu'alors.
Née en 1980 à Gand, ancienne étudiante en droit européen en France, à Rennes-I, elle fut députée européenne en 2015, puis députée fédérale en 2019 et réélue en juin dernier. La voilà qui hérite de son tout premier poste-clé à l'âge de 45 ans, avec comme feuille de route une mission claire: "maîtriser l'afflux de migrants" et "restreindre progressivement et sensiblement le nombre de places d'accueil".
En effet, ce chiffre n'a cessé de monter ces dernières années, passant de 20.000 en 2018 à plus de 36.000 actuellement, au prix de lourds investissements: le budget de Fedasil a plus que triplé dans le même laps de temps; il s'élevait à 838 millions d'euros en 2023. L'objectif affirmé du gouvernement De Wever est d'économiser 1,6 milliard d'euros au total d'ici 2029.
La Belgique n'est plus "dans le durcissement graduel, mais entre dans une nouvelle catégorie en suspendant de manière immédiate la relocalisation des réfugiés."
"Le cheval de bataille de l'extrême droite"
Pour ce faire, la future ministre va jouer sur plusieurs tableaux. Déjà en restreignant de manière très dure le regroupement familial. "Le gouvernement entend supprimer la possibilité pour une personne reconnue comme réfugiée la possibilité de se faire rejoindre par sa famille dans l'année. De la même manière, les conditions de ressources pour le regroupement sont augmentées: un père de famille de 4 enfants devra gagner plus de 3.000 euros par mois pour faire venir sa famille, ce qui est souvent impossible, ainsi qu'une attaque frontale au regroupement familial", commente l'avocat Julien Wolsey, président du conseil d'administration de l'Association pour le droit des étrangers.
Pour l'avocat Robin Bronlet (Progressive lawyers network, cabinet actif dans le droit des étrangers), la Belgique n'est plus "dans le durcissement graduel, mais entre dans une nouvelle catégorie en suspendant de manière immédiate la relocalisation des réfugiés, préférant payer une amende plutôt que de se répartir les réfugiés avec les États membres, ce qui est le cheval de bataille de l'extrême droite partout en Europe", analyse-t-il.
Les deux avocats dénoncent aussi ce qu'ils considèrent comme une reprise en main du Conseil du contentieux des étrangers (CCE), la justice administrative qui traite du droit des étrangers, dont les juges ne seront plus nommés à vie, mais pour cinq ans. "L'idée d'indépendance du juge est remise en cause", considère Julien Wolsey. Par ailleurs, le gouvernement fédéral entend renvoyer les dossiers judiciaires liés à la non-attribution de places d'accueil depuis le tribunal du travail vers le CCE, alors que l'État belge avait été condamné dans des milliers de dossiers, aboutissant à des saisies dans les cabinets de Nicole de Moor et Alexander De Croo. "C'est une volonté de contourner le pouvoir judiciaire et son indépendance", résume Robin Bronlet.
"Dans cette note, tout semble vu sous le prisme de l'étranger qui ne cherche qu'à frauder et profiter du système. Même la régularisation par le travail est fermée."
Âpre lutte judiciaire
D'autres éléments sont également pointés par les avocats, comme le retour des visites domiciliaires, qui avaient disparu sous la coalition suédoise et été bloquées sous la Vivaldi, et qui reviennent aujourd'hui en fanfare.
Le milieu associatif du droit des étrangers, plutôt versé à gauche, attend de voir sortir les premiers textes du futur exécutif fédéral, mais se prépare déjà à une âpre lutte judiciaire, avec de nombreuses saisines de la Cour constitutionnelle. "Je suis dubitatif, car, dans cette note 'asile et migration' figurent énormément de points qui ne peuvent être mis en place sans adaptation du cadre législatif. Et ce qui sort de tout cela, c'est que dans cette note, tout semble vu sous le prisme de l'étranger qui ne cherche qu'à frauder et profiter du système. Même la régularisation par le travail est fermée", regrette Julien Wolsey.
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