Comment ne pas déstabiliser les marchés financiers?
La banque centrale américaine a changé de ton. Elle est devenue plus "faucon", ce qui constitue l’annonce d’un retour à une politique monétaire plus normale. Pourtant, le marché reste étonnamment zen.
Existe-t-il une main invisible sur les marchés financiers? Parfois, on peut légitimement se poser la question. Mercredi, la Federal Reserve (Fed) américaine a prévu un rebond de la croissance de 7% en 2021. Le président de l'institution, Jerome Powell, a bien dû reconnaître que les données économiques s’étaient améliorées de manière sensible, dans la foulée notamment des progrès en matière de vaccination. Et ce sont surtout les prévisions en matière de taux d’intérêt qui ont retenu l’attention. Les membres du comité monétaire de la Fed envisagent désormais plus largement une première hausse des taux directeurs dès 2023. Précédemment, c’était 2024.
Ceci a provoqué des tonnes de commentaires sur les marchés avec une conclusion assez largement partagée: la Fed est en train de changer de ton. Elle est devenue plus "faucon", ce qui constitue l’annonce d’un retour à une politique monétaire plus normale. Les marchés obligataires ont rapidement réagi, avec une poussée vers le haut des taux de rendement. Une poussée qui a duré… une petite séance. Les taux sont revenus le lendemain à leur niveau de départ. Depuis la fin mars, les taux des obligations du Trésor américain à 10 ans ont même baissé de 0,25 point, passant de 1,75% à 1,50%. Et ceci malgré l’annonce d’une hausse de l’inflation de 5% au mois de mai qui, en d'autres temps, aurait agité les marchés. Surprenant!
Alors plusieurs hypothèses à ce stade. Jerome Powell a réussi à totalement convaincre les marchés que l’inflation n’est que transitoire. C’est ce qui explique que les taux ne montent pas. Autre explication: à chaque petite tension sur les taux, de discrètes interventions seraient opérées sur les marchés pour acheter des obligations et faire ainsi plier les taux. De quoi prendre à revers ceux qui ont spéculé sur leur hausse. Bref, une sorte de "main invisible" qui n’aurait d’invisible que le nom puisqu’il s’agirait de la banque centrale.
La prochaine étape pour Jerome Powell sera d’annoncer la réduction de ses achats d’obligations sur les marchés financiers, le fameux "tapering".
La prochaine étape pour Powell sera d’annoncer la réduction de ses achats d’obligations sur les marchés financiers, le fameux "tapering", du verbe anglais ""taper", qui signifie "réduire progressivement". Ce sont ces achats d'obligations qui ont constitué l'arme préférée de la banque centrale pour soutenir la croissance en provoquant une baisse des taux de rendement. Mais un jour, il faudra bien en finir avec une telle politique, intenable sur le long terme.
Un gestionnaire de la firme Ethenea rappelle que le "tapering" est un terme initialement emprunté à l’univers du marathon. Après des semaines d’entraînement intense, les marathoniens réduisent progressivement le rythme à l’approche de la compétition. L’organisme peut ainsi récupérer.
Sur les marchés, le terme "tapering" a été popularisé par Ben Bernanke en mai 2013. Lors d’une audition au Congrès, celui qui était alors président de la Réserve fédérale avait indiqué son intention de maintenir une politique monétaire accommodante aussi longtemps que nécessaire. Mais il avait ajouté dans la foulée que la Fed pourrait décider de réduire le rythme de ses achats d'obligations lors des prochaines réunions du comité de politique monétaire. Ces quelques mots avaient fait l’effet d’une petite bombe auprès des investisseurs, provoquant l’envolée des rendements des obligations du Trésor américain et la chute des marchés d’actions. Cet accès de colère des marchés porte même un nom: le "taper tantrum". Et apparemment, Jerome Powell a parfaitement retenu la leçon. Il ne veut pas répéter "l'erreur de Bernanke" et déstabiliser complètement les marchés au risque de menacer la croissance économique. C'est pourquoi il tente à chaque conférence de noyer le poisson sur ce "tapering". Pour l'instant, il semble plutôt y réussir. Mais jusqu'à quand?
Les plus lus
- 1 Belfius refuse de financer Mons après l'arrivée du PTB au pouvoir
- 2 Gouvernement wallon: la note de Pierre-Yves Jeholet prônant un contrôle plus serré des chômeurs est validée
- 3 Voici les profils (avec salaires) les plus recherchés dans le secteur financier pour 2025
- 4 Odoo valorisée à 5 milliards d’euros après une opération à 500 millions
- 5 La Cour pénale internationale émet un mandat d'arrêt contre Benjamin Netanyahou