L'élection présidentielle russe, "une mascarade", selon l'ex-espion du KGB Sergueï Jirnov
Les Russes sont appelés aux urnes à partir de ce vendredi, jusqu'à dimanche. Pour l'ancien officier du KGB Sergueï Jirnov, cette présidentielle n'est pas crédible, les principaux candidats d'opposition ayant été éliminés et les citoyens russes étant tenus par la peur.
"Les Russes sont habitués à l'idée d'avoir un tsar", a dit un jour l'écrivain ukrainien Andreï Kourkov, pour résumer la fatalité avec laquelle le peuple russe accueille chaque élection présidentielle. Depuis 1999, Vladimir Vladimirovitch Poutine incarne, tel un tsar, le pouvoir en Russie. Comme président durant 20 ans, et comme Premier ministre lors d'un bref intermède pendant lequel il confia les rênes à son homme de paille, Dmitri Medvedev. Le maître du Kremlin s'apprête à rempiler pour un nouveau mandat de six ans, au terme d'un scrutin de trois jours qui démarre ce vendredi, et dont le résultat est couru d'avance.
Poutine, âgé de 71 ans, n'est pas près de lâcher prise. Dans son costume de seigneur de guerre, taillé sur mesure par la propagande, et qu'il revêt depuis l'invasion de l'Ukraine, il se présente comme "le sauveur de la patrie", adulé par les siens et craint par les autres.
Pourtant, la vie en Russie sous son règne n'est pas facile. Les guerres d'agression successives menées en Tchétchénie, en Géorgie et en Ukraine ont entraîné la mort de centaines de milliers d'hommes. En dépit d'une croissance économique prévue à 2,6% cette année, dopée par l'industrie militaire, l'inflation est galopante et le pouvoir d'achat en berne.
Malgré tout, les sondages récents des instituts pro-Kremlin donnent à Poutine 82% des suffrages. Seul le Centre analytique Levada apporte une note dissonante en abaissant cette prévision à 58%.
"Prigojine a démontré que Poutine n'a pas de soutien."
"Une mascarade"
"Cette élection est une mascarade", lâche Sergueï Jirnov, ancien officier du KGB et écrivain russe réfugié en France. "La Constitution de 1993 interdit plus de deux mandats présidentiels consécutifs. En 2020, Poutine a modifié le texte en annulant la prise en compte de ses précédents mandats. Il repart à zéro, vierge de tout mandat, pour cette élection."
Pour beaucoup d'observateurs, la popularité de Poutine est un leurre. "Cela fait 25 ans que les instituts de sondage prétendent que 82% des gens soutiennent Poutine. Mais quand Evgueni Prigojine a fait son putsch en juin 2023, avez-vous vu 82% des Russes sortir pour défendre le régime ? Non. Il n'y avait personne. Prigojine a démontré que Poutine n'a pas de soutien."
Le président russe a besoin d'une participation massive aux élections pour valider sa présence au pouvoir et la guerre menée en Ukraine. Ces dernières semaines, les médias russes ont assené les invitations à voter. Un clip de campagne est allé jusqu'à menacer les abstentionnistes d'un retrait de leurs avantages sociaux. Dans l'est de l'Ukraine, illégalement annexé, la population est forcée à voter.
Dans certaines localités, on annonce l'organisation d'une loterie dans les bureaux de vote où l'on pourra gagner des appareils ménagers. Ailleurs, on promet que la vodka coulera. "C'est une tradition soviétique, datant de Brejnev, pour inciter à voter. Mais cela ne touche que les plus âgés", dit Jirnov.
L'opposition muselée
"Nadejdine, Navalny et Prigojine ont démontré que de nombreux Russes sont opposés à Poutine."
Les candidats crédibles susceptibles de faire de l'ombre à Poutine ont été éliminés. Le libéral Boris Nemtsov a été assassiné le 27 février 2015 à Moscou. Alexeï Navalny vient de mourir en prison en Sibérie. Selon son épouse, Yulia Navalnaya, il a été assassiné "sur ordre du Kremlin". Des dizaines de milliers de personnes se sont recueillies à Moscou lors des funérailles de Navalny.
"Nadejdine est un personnage charismatique, plus de 200.000 personnes s'étaient présentées pour lui donner leur signature. On l'a constaté sur des vidéos. Mais la présidente de la commission électorale a dit qu'elle n'avait rien vu", dit Sergueï Jirnov. "Nadejdine, Navalny et Prigojine ont démontré que de nombreux Russes sont opposés à Poutine. C'est cela le seul vrai sondage."
L'appel de Navalny
Pour l'ancien espion du KGB, le scrutin n'est pas fiable. "C'est sûr et certain qu'il y aura un bourrage des urnes. On votera durant trois jours, au lieu d'un, ce qui leur laissera du temps. Les nouvelles machines électroniques, contrôlées par le pouvoir, ne sont pas fiables", ajoute Jirnov.
Avant de mourir, Navalny avait invité ses partisans à se présenter en masse aux urnes dimanche à midi pour saturer le système et faire une démonstration de force.
Mais l'opposition peine à faire descendre les Russes dans la rue. "C'est la nature humaine. Les gens sont opposés, mais pas révolutionnaires. Personne ne veut risquer sa vie", conclut Sergueï Jirnov. En Russie, le simple fait d'évoquer une "guerre" contre l'Ukraine, ou, pire, de la contester, est passible d'une peine allant jusqu'à 15 ans de prison.
- L'élection présidentielle russe démarre ce vendredi pour trois jours. Vladimir Poutine est assuré d'être réélu, après 20 ans de mandat présidentiel, sur fond de guerre en Ukraine et de menace nucléaire.
- Pour beaucoup d'observateurs, cette élection est peu crédible. L'écrivain russe et ancien espion du KGB Sergueï Jirnov y voit "une mascarade", vu l'élimination des opposants et le soutien manifesté à leur égard en dépit du danger.
Dossier spécial sur la guerre en Ukraine, lancée le 24 février 2022 par Vladimir Poutine: toute l'actu et les dernières infos sur le conflit armé entre l'Ukraine et la Russie.
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