L'ingérence russe menace de paralyser l'élargissement de l'Europe
L'UE a lancé un avertissement à la Serbie et la Géorgie, deux pays candidats à l'adhésion, jugés trop alignés sur la Russie. Moscou poursuit une campagne d'ingérence en vue de freiner l'élargissement de l'Europe.
La Russie parviendra-t-elle à bloquer l'élargissement de l'Europe? La question se pose avec acuité. La Commission européenne présentait mercredi son rapport sur les progrès réalisés par les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne (UE). Le rituel annuel, très attendu par les capitales des dix pays souhaitant rejoindre l'Union, a été marqué par un avertissement sans équivoque du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, sur leurs liens avec la Russie.
"On ne peut continuer à avoir des relations avec la Russie, comme si de rien n'était, tout en continuant à adhérer à l'Union", a martelé l'Espagnol. Dans sa ligne de mire, la campagne d'ingérence de plus en plus assertive exercée par Moscou dans ces anciens pays du bloc soviétique.
Parmi les pays candidats, l'Ukraine, la Serbie, la Géorgie et la Moldavie sont des plus concernés par la pression constante exercée par Moscou pour les capter dans sa sphère d'influence.
"La Russie constitue une menace existentielle pour l'Europe, aujourd'hui plus que jamais", a insisté Josep Borrell lors de la présentation du rapport. "L'adhésion à l'UE est devenue un choix existentiel."
Pour l'Ukraine comme pour la Moldavie, la Commission a indiqué qu'elle veut entrer dans le dur des négociations en 2025.
L'Ukraine, première victime
L'Ukraine est la première victime de cette stratégie d'étouffement. Envahie par les troupes russes en février 2022, elle s'est vue reconnaître le statut de candidat à l'adhésion à l'UE en quelques mois. Les négociations ont démarré en juin 2024. Le rapport souligne les progrès importants réalisés par Kiev, cette accélération étant à l'antipode de l'effet recherché par Moscou.
Pour ce pays comme pour la Moldavie, la Commission a indiqué, mercredi, qu'elle veut entrer dans le dur des négociations en 2025. Mais une chose est claire: tant que le conflit durera, l'Ukraine ne pourra adhérer, car cela signifierait l'entrée en guerre des autres pays de l'UE.
"L'abrogation de la loi sur 'les agents de l'étranger' et la loi sur les valeurs dites familiales, voilà deux engagements que nous attendons [de la part de la Georgie]."
L'adhésion de la Géorgie à l'arrêt
La Russie utilise la peur générée par sa guerre d'agression en Ukraine comme levier pour intimider les autres pays de l'Est. C'est le cas en Géorgie et en Moldavie, deux États candidats dont une partie du territoire est occupée par les troupes russes, où Vladimir Poutine mène une guerre hybride, exploitant en sa faveur les divisions au sein de la population.
Cette tactique était visible lors du scrutin en Géorgie, dimanche dernier, qui s'est terminé par le maintien au pouvoir du parti pro-russe Rêve géorgien. Les observateurs internationaux ont dénoncé de nombreuses irrégularités entachant le vote. L'opposition géorgienne a accusé la Russie d'avoir "volé" l'élection. La crise va compliquer, encore plus, l'adhésion du pays à l'UE.
La Géorgie s'est vue reconnaître le statut de candidat en décembre 2023, mais l'adoption de la loi sur "les agents de l'étranger", inspirée par la Russie et pénalisant les organisations financées par l'étranger, a entraîné un gel du processus d'adhésion. Une autre loi, sur les "valeurs familiales", restreignant les droits des LGBT+, votée en septembre, a aggravé la situation.
"L'abrogation de la loi sur 'les agents de l'étranger' et la loi sur les valeurs dites familiales, voilà deux engagements que nous attendons", a déclaré Josep Borrell.
La crise géorgienne sera à l'ordre du jour du sommet européen de Budapest, le 8 novembre, sous présidence hongroise de l'UE. Le premier ministre hongrois Viktor Orban, qui soutient Rêve géorgien, pourrait s'y trouver isolé.
La Moldavie en suspens
La Moldavie, reconnue candidate en même temps que l'Ukraine, progresse sur le chemin de l'adhésion. La présidente moldave Maia Sandu a multiplié les réformes pour hâter le processus. Ces progrès ont été salués par le commissaire chargé de l'Élargissement, Olivér Várhelyi. "Ces quatre dernières années ont été vraiment remarquables en termes de réformes", a-t-il résumé, en soulignant la récupération de 62 millions d'euros de la corruption.
Mais les équilibres politiques en Moldavie pourraient changer. La réélection de Maia Sandu, dimanche lors du second tour, est loin d'être acquise face à son rival pro-russe Alexandr Stoianoglo. Sandu est sortie en tête au premier tour, le 20 octobre, mais un référendum sur l'adhésion, organisé le même jour et remporté à quelques milliers de voix près, a révélé la fragilité du camp pro-européen.
"Tôt ou tard, la Serbie devra aligner sa politique étrangère sur celle de l'UE, faute de quoi l'adhésion sera remise en question."
"Carton jaune" pour la Serbie
La Serbie a, elle aussi, progressé. Mais sa proximité avec la Russie freine son entrée dans la famille européenne. "La Serbie a maintenu des relations de haut niveau avec la Fédération de Russie et a intensifié ses relations avec la Chine, ce qui soulève des questions sur son orientation stratégique", lit-on dans le rapport de la Commission.
"Tôt ou tard, la Serbie devra aligner sa politique étrangère sur celle de l'UE, faute de quoi l'adhésion sera remise en question", a dit Josep Borrell. Ce "carton jaune" n'empêche pas Belgrade de poursuivre les négociations d'adhésion, mais l'avertissement est clair.
Borrell a étendu cette remarque à la Turquie, dont il juge la politique étrangère "très, très, très" éloignée de celle de l'UE. Par contre, il a cité en exemple l'alignement de la Macédoine du Nord, de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de l'Albanie et du Kosovo, et les progrès de l'Ukraine et de la Moldavie.
Horizon 2029
La Commission n'a fourni aucun calendrier d'adhésion, le processus étant basé sur les mérites. Mais, en même temps, elle a fixé l'échéance à l'horizon 2029.
"Les pays candidats ont tous les outils à leur disposition pour être prêts d'ici à la fin du prochain mandat", a dit Olivér Várhelyi. "Ils doivent se mettre à la tâche pour respecter cette échéance", a-t-il insisté. D'ici là, le bras de fer entre l'Europe et une Russie des plus menaçantes se poursuivra, au risque de paralyser le processus.
- Lors de la publication de son rapport annuel sur l'élargissement de l'Union européenne (UE), la Commission européenne a invité les pays candidats à l'adhésion, en particulier la Serbie et la Géorgie, à prendre leur distance avec Moscou. La Moldavie, où se déroulera dimanche le second tour de la présidentielle, est sur le fil.
- La Russie mène une campagne d'ingérence de plus en plus assertive dans les anciens pays du bloc soviétique, en s'appuyant, entre autres, sur la peur générée par la guerre qu'elle mène en Ukraine.
Les plus lus
- 1 Gouvernement wallon: la note de Pierre-Yves Jeholet prônant un contrôle plus serré des chômeurs est validée
- 2 Belfius refuse de financer Mons après l'arrivée du PTB au pouvoir
- 3 La Cour pénale internationale émet un mandat d'arrêt contre Benjamin Netanyahou
- 4 Voici les profils (avec salaires) les plus recherchés dans le secteur financier pour 2025
- 5 Le plan de Donald Trump pour expulser en masse les sans-papiers