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La guerre de Poutine rapproche la Finlande et la Suède de l'Otan

Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, lors de l'exercice Cold Response 2022, auquel les armées suédoise et finlandaise ont participé. ©REUTERS

L'invasion de l'Ukraine pourrait pousser la Finlande et la Suède à rejoindre l'Otan. La Russie se retrouverait face à une alliance défensive de 32 pays, alors qu'elle exigeait la fin de son élargissement.

Le président russe Vladimir Poutine voulait bloquer l'élargissement de l'Otan à l'Est en ordonnant l'invasion de l'Ukraine. Il obtiendra l'effet inverse. La violence avec laquelle l'armée russe agresse son pays voisin depuis deux mois pourrait avoir raison de la traditionnelle politique de non-alignement de la Suède et la Finlande.

Helsinki et Stockholm ont entamé une réflexion parlementaire qui pourrait les mener à introduire leur candidature à l'Otan "d'ici l'été" prochain. Ce serait, pour le président Poutine une défaite de plus confirmant ses errements stratégiques, après la perte de son navire amiral le Moskva, le retrait de ses troupes du nord de l'Ukraine et la destruction d'une partie de son armée. La guerre a déjà coûté à la Russie entre 7.000 et 15.000 soldats, selon les données de l'Otan.

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"Je pense que le processus va être très rapide, c'est une question de semaines."

Sanna Marin
Première ministre finlandaise

Le signal le plus clair est venu de la Première ministre finlandaise, Sanna Marin (SDP, social-démocrate), lors d'une visite à Stockholm le 13 avril. "Il y a des points en faveur d'une demande d'adhésion, et d'autres contre. Nous devons analyser tout cela sérieusement", a-t-elle dit lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue suédoise, Magdalena Andersson (SAP, social-démocrate). "Mais je pense que le processus va être très rapide, c'est une question de semaines".

Le débat est aussi en cours en Suède. Plusieurs élus du royaume scandinave, historiquement opposés à l'entrée dans l'Otan, font volte-face en invoquant deux raisons, le fait que la Finlande puisse déposer bientôt sa candidature et la menace accrue par la guerre en Ukraine.

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Le choc de la guerre

La Suède et la Finlande font partie du groupe de six États de l'Union européenne (UE) non membres de l'Otan, aux côtés de l'Irlande, l'Autriche, Chypre et Malte.

Cette neutralité remonte au début de la Guerre froide. L'URSS avait fini par bloquer leur adhésion à l'Otan sous la menace de représailles. L'expression péjorative de "finlandisation" désigne, depuis lors, l'influence excessive d'une nation puissante sur un pays voisin plus petit.

La guerre en Ukraine a rebattu les cartes. Les images de l'invasion, montrant une Russie de plus en plus dangereuse et violente, a changé radicalement l'opinion publique des pays nordiques.

Le basculement est le plus net en Finlande, le pays européen le plus exposé à la Russie par une ligne frontalière de plus de 1.300 kilomètres. Selon le sondage le plus récent, diffusé par MTV Uutiset le 11 avril, 68% de la population finlandaise est désormais en faveur de l'adhésion à l'Otan, tandis que 12% s'y oppose. Si le président et le gouvernement finlandais recommandaient cette adhésion, alors le rapport passerait à 77% pour et 11% contre. Dans les sondages passés, l'opinion favorable stagnait aux alentours de 20-30%.

L'exercice Cold Response 2022 simulant une attaque contre les frontières d'un pays nordique.
L'exercice Cold Response 2022 simulant une attaque contre les frontières d'un pays nordique. ©REUTERS

Opinions publiques liées

L'opinion de la population suédoise semble liée à celle des Finlandais. Selon un sondage récent de Kantor-Sifo réalisé en Suède, 59% des personnes interrogées souhaitent que leur pays rejoigne l'alliance si la Finlande fait de même, tandis que 17% s'y opposent. Si on retire l'avis positif des Finlandais, l'opinion favorable des Suédois retombe à 40%.

Cette prééminence de l'opinion finlandaise s'explique par une habitude prise par le gouvernement suédois de se retrancher derrière la neutralité de la Finlande, exposée géographiquement à la Russie, pour éviter de remettre en question la sienne. Cette position a permis à la sociale démocratie suédoise, au pouvoir depuis huit ans, de ne pas lancer le débat épineux de l'adhésion à l'Otan.

Témoin de ce lien, les conservateurs suédois et finlandais ont créé un groupe de travail commun afin de promouvoir une adhésion de leurs pays. Même si, en définitive, rien ne garantit que la Finlande et la Suède prendront la même décision.

Débat parlementaire

"La situation sécuritaire en Europe et en Finlande est plus sérieuse et plus difficile à prédire qu'à tout moment de la Guerre froide."

Rapport finlandais

Pour déclencher le débat parlementaire, le gouvernement finlandais a publié le 13 avril un rapport d'urgence sur la nouvelle situation sécuritaire, commandé au lendemain de l'invasion de la Russie. "La situation sécuritaire en Europe et en Finlande est plus sérieuse et plus difficile à prédire qu'à tout moment de la Guerre froide" et ce changement "devrait être durable", conclut ce rapport.

La Première ministre finlandaise Sanna Marin, le 20 avril, lors d'un débat parlementaire sur l'adhésion à l'Otan.
La Première ministre finlandaise Sanna Marin, le 20 avril, lors d'un débat parlementaire sur l'adhésion à l'Otan. ©via REUTERS

La discussion, en cours depuis Pâques, pourrait s'achever fin mai. Son issue ne fait guère de doute. Selon les données les plus récentes, une majorité de 105 députés finlandais sur 200 est en faveur de l'adhésion de leur pays à l'Otan, tandis que 13 élus, principalement de la gauche radicale, s'y opposent, et 72 n'ont pas encore pris position.

Le vent tourne aussi en Suède, où le parti social-démocrate, traditionnellement opposé à l'adhésion, a lancé une réflexion interne sur "la politique de sécurité". Le résultat de ces cogitations internes sera connu "avant l'été", afin que la question soit réglée avant les élections de septembre. La Première ministre n'exclut plus d'entrée dans l'Otan, mais la décision est encore loin d'être prise.

L'extrême droite suédoise a également changé de position, ces dernières semaines, en se prononçant en faveur de l'adhésion. La gauche radicale et les écologistes y restent opposés.

Une réponse "rapide"

"De tous les partenaires de l'Otan, la Suède et la Finlande sont les plus proches."

Sven Biscop
Conseiller à l'Institut royal Egmont et professeur à l'Université de Gand

La Finlande et la Suède ont obtenu la garantie de la part du secrétaire général de l'Otan d'un traitement "rapide" de leur demande. Une fois celle-ci déposée, le processus pourrait prendre quelques semaines, tout au plus. La décision requiert l'unanimité, et selon les premières consultations menées par le secrétaire général Jens Stoltenberg, la réponse serait positive. Le sommet de l'Otan prévu en juin à Madrid, durant lequel l'alliance présentera le redéploiement de ses forces sur son flanc oriental, serait une date symbolique idéale pour déposer une telle demande.

"De tous les partenaires de l'Otan, la Suède et la Finlande sont les plus proches. Ils sont presque membres sauf sur papier. C'est clair que leur adhésion ira vite, car ils remplissent tous les critères", dit Sven Biscop, conseiller à l'Institut royal Egmont et professeur à l'Université de Gand.

L'apport militaire

L'entrée de ces deux pays dans l'Otan améliorerait la puissance défensive de l'alliance. Ils appliquent, l'un comme l'autre, le concept de "défense totale" impliquant toutes les composantes de la société dans la défense du pays.

La Finlande dispose d'une armée de 12.000 actifs et 34.000 conscrits bien entraînés, auxquels s'ajoute un corps de 12.000 gardes-frontières aguerris à la protection de son immense frontière avec la Russie.

Helsinki apporterait aussi ses compétences en matière de renseignements. Plus de 105 ans d'observation de la Russie, avec des capacités de reconnaissance aérienne déjà très appréciées lors des exercices de l'Otan.

La Suède est dotée d'une armée de 30.000 actifs et 20.000 réservistes et d'une puissante force aérienne. Elle apporterait, en particulier, sa marine réputée pour la chasse des sous-marins.

Des blindés suédois participant à l'exercice Cold Response 2022.
Des blindés suédois participant à l'exercice Cold Response 2022. ©REUTERS

Moscou menace

La perspective de voir l'Otan compter 32 États et doubler sa ligne frontalière avec la Russie provoque la colère du Kremlin. L'ex-Président russe et actuel numéro deux du Conseil de sécurité russe Dmitri Medvedev a affirmé que si la Finlande ou la Suède rejoignaient l'Otan, la Russie renforcerait ses moyens militaires, notamment nucléaires, en mer Baltique et près de la Scandinavie. La Finlande, en adhérant à l'Otan, cesserait d'être considérée par Moscou comme un pays "ami".

"Poutine a provoqué une plus grande cohésion au sein de l'Otan, et la perspective d'un nouvel élargissement."

Sven Biscop
Conseiller à l'Institut royal Egmont et professeur à l'Université de Gand

Cette colère est d'autant plus grande que le président Poutine se retrouve pris au piège de sa propre stratégie. "Poutine a provoqué une plus grande cohésion au sein de l'Otan, et la perspective d'un nouvel élargissement", précise Sven Biscop.

Forcée par la Russie à la neutralité, la Finlande avait réussi à maintenir de bonnes relations avec Moscou tout en construisant une défense militaire respectable en dehors de l'Otan. Poutine, obsédé par l'élargissement de l'alliance défensive, qu'il voit de manière paranoïaque comme offensive, avait espéré imposer une "finlandisation" de l'Ukraine. Voici le maître du Kremlin empêtré dans une guerre loin d'être gagnée, avec la probabilité de plus en plus élevée de voir les armées suédoises et finlandaises renforcer le bouclier atlantique.

Une neutralité de façade

La neutralité de la Suède et de la Finlande est toute relative. Les deux pays nordiques font partie de l'Union européenne depuis 1995 et leurs armées collaborent avec celles des trente pays de l'Otan.

La Suède et la Finlande sont membres du partenariat pour la paix de l'Otan depuis 1994. Elles participent à la plupart des exercices de l'alliance, comme Cold Response 2022, en mars et début avril. Dans le scénario de cet exercice, qui vient de se jouer en Norvège, leurs troupes sont intervenues aux côtés du royaume scandinave pour sécuriser ses côtes.

Leurs armées ont également pris part aux interventions de l'alliance au Kosovo, en Irak et en Afghanistan.

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Par ailleurs, l'adhésion d'Helsinki et Stockholm à l'Otan serait une démarche symbolique, car elles bénéficient déjà du bouclier américain. Elles ne peuvent pas invoquer l'article 5 du Traité Otan, mais "la réalité politique et stratégique veut qu'une invasion de leur territoire entraînerait une intervention militaire des États-Unis et des autres pays européens", explique Sven Biscop.

Cette doctrine est également valable pour les 4 autres pays neutres de l'UE. "Si un Etat membre de l'UE en dehors de l'Otan était attaqué, les alliés ne pourraient se permettre de ne rien faire, même s'il n'y a aucune obligation juridique", poursuit-il. Reste à savoir quelle entité coordonnerait les opérations. "Il est clair qu'une adhésion de tous les pays de l'UE à l'Otan faciliterait une bonne fois pour toutes leur coopération militaire".

Le résumé
  • En lançant une invasion en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a resserré les liens entre les Occidentaux. Cette nouvelle menace en Europe pourrait entraîner l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'Otan.
  • Le débat parlementaire sur cette question, en cours en Finlande, devrait aboutir dans les semaines à venir. Son issue influencera l'opinion publique suédoise. L'Otan est prête à répondre positivement aux demandes d'adhésion des deux pays.
  • Dans les faits, la Suède et la Finlande sont déjà intégrées dans la défense européenne et participent aux exercices de l'Otan.

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