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interview

Barbara Trachte & Pierre Hermant: "Plus de 250 millions ont été prévus pour soutenir l'économie bruxelloise"

Pierre Hermant, CEO de l'invest bruxellois et membre de l'Economic Risk Management Group (ERMG) au Fédéral, aux côtés de la secrétaire d'Etat bruxelloise en charge de la transition économique Barbara Trachte. ©Wouter Van Vooren

Malgré une situation en constante évolution, la secrétaire d'Etat bruxelloise à la transition économique et le patron de l'invest régional tentent de préserver leur agilité. Avec notamment un lot de nouvelles mesures économiques annoncées ce jeudi.

Le gouvernement bruxellois s'est accordé jeudi sur un renfort des mesures économiques à destination des secteurs les plus touchés par la crise sanitaire et sur les décisions du Conseil national de sécurité dans la lutte contre le coronavirus.

Un pansement sur une plaie ouverte? "On essaie d'être agiles face à la situation. De même que de compléter les décisions du Fédéral. Plus de 250 millions d'euros de soutien sont déjà prévus pour l'économie bruxelloise", rétorque la secrétaire d'Etat en charge de la transition économique Barbara Trachte (Ecolo). Et ce, "avec une logique de complémentarité entre les outils et les regards", abonde le CEO de finance.brussels, Pierre Hermant, aussi président du groupe de travail "PME et indépendants" de l'Economic Risk Management Group.

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Où en êtes-vous sur la prime de 2.000 euros, annoncée mi-avril, pour les indépendants et les TPE, non contraints à l'arrêt mais en souffrance?

Barbara Trachte (B): On travaille aux modalités. Pour éviter 36 démarches. On espère que l'arrêté passera la semaine prochaine et sera envoyé au Conseil d'Etat. Il faut donc encore compter, à mon avis, deux semaines pour un go.

Et pour la prime, déjà en vigueur, de 4.000 euros à destination des entreprises dont la fermeture a été rendue obligatoire?

B: On a reçu le feu vert du ministre fédéral des Finances pour sa défiscalisation. Côté chiffres, un peu plus de 15.000 demandes avaient déjà été rentrées ce jeudi, pour un envoi de 14.362 paiements au total, soit un montant total de 65,5 millions d'euros avec une moyenne de 9 jours entre demande et réception. Une rapidité de traitement qu'on aimerait répliquer pour la prime de 2.000 euros.

"La prime de 4.000 euros aux entreprises obligées de fermer pourra être défiscalisée"

Barbara Trachte

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L'horeca gronde aujourd'hui... Que répondez-vous?

L'invest bruxellois, dirigé par Pierre Hermant, s'est vu octroyer une mission déléguée spécifique à l'horeca par le gouvernement bruxellois, sous l'égide de Barbara Trachte. Et ce, avec des moyens spécifiques: quelque 40 millions d'euros destinés à sauver le secteur.
L'invest bruxellois, dirigé par Pierre Hermant, s'est vu octroyer une mission déléguée spécifique à l'horeca par le gouvernement bruxellois, sous l'égide de Barbara Trachte. Et ce, avec des moyens spécifiques: quelque 40 millions d'euros destinés à sauver le secteur. ©Wouter Van Vooren

Pierre Hermant (P): Qu'on comprend et agit. Dans sa mission déléguée, spécifique au secteur, finance.brussels a reçu 40 millions d'euros. Pour travailler sur trois aspects. Un, les fournisseurs avec plus de 30 clients, qui ont vu leurs créances bondir. On leur octroie des prêts pour réduire les tensions avec leurs clients endettés. Deux, on a décidé de prêts spécifiques - à des tarifs avantageux - à destination des établissements avec plus de 50 collaborateurs. Où l'on vient compléter l'action des banques. Et enfin, trois, pour les hôtels, on proposera un mécanisme de prêts subordonnés - avec moratoire et sans indemnité de remploi. Mais là, on attend de voir quelle est la demande avant de voir si d'autres mesures sont nécessaires. Objectif? Observer, dans un premier temps, pour, quand le peloton redémarrera, pouvoir soutenir ceux qui n'arrivent pas à suivre, plutôt que doper tous les coureurs dès le départ, favorisant les effets d'aubaine.

Ne sera-t-il pas trop tard?

"Dès le début, on a su que l'hôtellerie serait la première à souffrir."

Barbara Trachte

B: Dès le début, on a su que l'hôtellerie serait la première à souffrir, avec ses difficultés antérieures. Le secteur mettra du temps à se relever... Mais, conscient de son rôle pour Bruxelles dans la création d'emploi et forte d’une plus-value pour l'économie locale, le gouvernement a tout de suite adopté des mesures sur la "city tax" qui ne sera pas perçue du 1er janvier à fin juin. De même que la prime de 4.000 euros est aussi ouverte aux hôtels, tout comme les prêts de l’invest régional le seront. Alors, si ça ne suffit pas, on agira. Un groupe de travail a été chargé de suivre la situation.

Plus globalement, certains pointent du doigt des banques trop frileuses sur les prêts. Quid?

P: C'est lié à la lisibilité. Je comprends un banquier qui, aujourd'hui, se devrait de prêter sans savoir ce qui peut se passer dans un mois ou deux. Un déconfinement clarifié facilitera les choses. Alors c'est clair qu'il faudra des mesures complémentaires, avec de la dette subordonnée, un renfort des capitaux propres et des incitants fiscaux. Mais c'est facile à dire maintenant. Au départ, on ne savait pas combien de temps durerait la crise. Il a fallu agir vite, or les entreprises ont depuis lors été privées de deux mois de chiffre d'affaires, soit plus ou moins l'ebitda (grosso modo, l'excédent brut d'exploitation, NDLR), c'est-à-dire leur capacité de remboursement. Ca a changé la donne.

Du côté de finance.brussels, une augmentation de capital de 160 millions a été décidée jeudi. Alors qu'on a longtemps parlé de plus. Un couac?

"On ne multiplie pas les pains, même en période de crise."

Pierre Hermant

P: On ne multiplie pas les pains. On a reçu 160 millions, plus 40 pour notre mission déléguée. Cela correspondait à nos besoins. Et ce, en permettant au privé de monter à 33% du capital dans la foulée, ce qui est une bonne chose et est unique au niveau des invests régionaux. On est donc satisfait.

D’autant qu’avec les 120 millions dont nous disposons déjà, on pourra désormais aller chercher de la dette du côté de la BEI (banque européenne d'investissement, NDLR), par effet de levier. Et ce, à un moment où précisément elle n'est pas chère. De quoi renforcer notre action.

"160 millions d'euros supplémentaires, c'était ce dont nous avions besoin."

Pierre Hermant

L'exécutif bruxellois a aussi renforcé les microcrédits, par le biais de Brusoc, avec des crédits de trésorerie jusqu'à 15.000 euros. Peu?

P: Le besoin des TPE se situait entre 5.000 et 15.000 euros. D'où ce montant, engendrant un coût de 1,5 million pour la Région. De plus, on a décidé, du côté de Brusoc (filiale de l'invest bruxellois octroyant des prêts à taux bas à ceux qui n'y ont pas accès, NDLR), d'un moratoire pour nos sociétés en portefeuille, quand on continue aussi à investir malgré la crise.

La Région inaugure aussi les prêts "proxy". Après la Flandre et la Wallonie, Bruxelles va donc aussi mobiliser l'épargne des ménages désormais?

P: Exact. Les entreprises vont pouvoir contracter des prêts auprès des "family, friends and fools". Et ce, à des taux d'intérêts balisés, qui permettront aux prêteurs de gagner plus qu’avec un crédit classique de par l'avantage fiscal y afférent.

"Les entreprises bruxelloises vont désormais pouvoir contracter des prêts auprès des "family, friends and fools"."

Pierre Hermant

B: C'est typiquement une mesure, passée dans un temps record, qui va aider à répondre à la crise, dans une logique de redéploiement, mais aussi de soutien à l'économie réelle et locale.

Tout comme les relocalisations?

"Les relocalisations n'ont plus rien d'une utopie désormais."

Barbara Trachte

B: En effet. La crise a montré que ce n'était plus une utopie, mais du concret, avec, par exemple, la production en Région de quelque 200.000 masques en quelques semaines.

Certains le disent déjà, tout ne sera pas rose dans les semaines à venir...

P: Ne dit-on pas que c'est avant l'aube que la nuit est la plus noire?

"La crise est aussi une opportunité d'une relance plus durable."

Barbara Trachte

B: Noire, avec un sacré brouillard... Toutes les dates évoquées par le Conseil national de sécurité sont au conditionnel. C'est pourquoi nous devrons rester vigilants, tout en essayant d'avancer aussi sur des sujets comme l'environnement par exemple. Car la crise est aussi une opportunité d'une relance plus durable.

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