Trois méthodes pour (ne pas) rembourser la dette belge
La dette de l'État a battu un record, passant au-dessus des 500 milliards d'euros. Comment allons-nous rembourser une telle somme? Les économistes Étienne de Callataÿ et Bruno Colmant rassurent.
La crise du coronavirus a fait exploser la dette de l'État belge qui a atteint 524 milliards d'euros. L’endettement public se situe désormais à 115% du PIB. Pas moins de 32 milliards d'euros sont venus alourdir l'ardoise au 2e trimestre. Cause principale de cette hausse: la crise sanitaire. "Et ce n'est que le début", prévient l'économiste Bruno Colmant, professeur à l'ULB et à l'UCLouvain.
"On pourrait miser sur l'austérité. Mais ce n'est pas le moment."
Mais où la Belgique va-t-elle trouver l'argent pour honorer ses dettes? "Souvent, la Belgique ne rembourse pas vraiment sa dette puisqu'elle lance un nouvel emprunt pour rembourser. On s'en accoutume, se disant qu'un jour peut-être, quand ça ira bien...", place d'emblée Étienne de Callataÿ, chef économiste d’Orcadia Asset Management.
Diminuer les dépenses, augmenter les recettes?
On peut aussi considérer l'ardoise sous un autre angle. "On peut voir la dette en milliards, mais aussi en pourcentage du PIB. Si le numérateur augmente plus vite que le dénominateur, la fraction diminue. Or, considérer la dette en pourcentage du PIB est important parce que celui-ci indique la capacité à lever des impôts, à rembourser", explique Étienne de Callataÿ .
Mais actuellement, la dette augmente selon les deux calculs. "On pourrait miser sur l'austérité. Mais ce n'est pas le moment et les autorités ne pourraient pas annoncer cela pour demain: les gens épargneraient davantage, ce qui pénaliserait l'économie."
La deuxième option repose sur les taux d'intérêt. Aujourd'hui, la dette peut être financée à taux zéro. Mais si les taux augmentaient? "Sur une partie de leur dette, liée au Covid par exemple, les États pourraient toujours demander leur emprunt à la Banque centrale européenne (BCE) à taux zéro", résume Étienne de Callataÿ. La BCE peut financer gratuitement un État avec cette forme de dette perpétuelle.
"La crise du Covid bénéficie de l'aléa moral: ça nous est tombé dessus, ce n'est pas la faute d'une mauvaise gestion."
Risque de défaut
Le risque qu'un État fasse défaut sur sa dette semble donc faible. "Mais c'est envisageable", assure Étienne de Callataÿ. "Cela peut se faire de façon structurée. On rééchelonne, on annule une partie. Ou l'emprunteur ne rembourse pas du tout. La BCE pourrait, par exemple, laisser tomber 100 milliards d'euros de dette italienne liée au Covid, ou 30 milliards pour la Belgique..."
"Tant que la Banque centrale achète des obligations, la confiance est là."
Tout ce système repose sur la capacité de la BCE à créer de l'argent ex nihilo. À partir de rien. "Un ancien raisonnement fait craindre une augmentation de l'inflation. Mais il n'en est rien dans les faits. La BCE injecte de l'argent, mais celui-ci ne circule guère, les gens restent assis sur leurs euros", constate le cofondateur d’Orcadia. Et les scrupules des États les plus rigoureux, comme l'Allemagne, se sont envolés. "La crise du Covid bénéficie de l'aléa moral: ça nous est tombé dessus, ce n'est pas la faute d'une mauvaise gestion."
Pas de risque actuellement
N'y a-t-il aucun grain qui risque de gripper la machine? Si. Un jour, nous pourrions nous réveiller avec une grande peur. Pour le paiement de nos pensions, par exemple. Les prêts à l'État s'assécheraient, les taux d'intérêt monteraient, la BCE ne contrôlerait plus la situation, on verrait une résurgence brutale de l'inflation. Ou la BCE pourrait arrêter de battre monnaie, "pour une question de crédibilité, parce qu'elle ne voudrait pas devenir le comptoir d'escompte des États qui y verraient un effet d'aubaine", envisage Bruno Colmant.
Actuellement, rien de tout ça. "La confiance collective est énorme", insiste Étienne de Callataÿ. "Tant que la banque centrale achète des obligations, la confiance est là", rassure Bruno Colmant.
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