Les pays de l'Opep+ unis face à Washington sur le front pétrolier
Plusieurs pays de l'Opep+ ont annoncé de nouvelles baisses de leur production de pétrole. Ces décisions ont des raisons économiques, mais aussi géopolitiques.
Le bras de fer entre grandes puissances économiques et militaires s'étend au pétrole. Les États-Unis n'ont guère apprécié la décision, annoncée dimanche, de plusieurs pays de l'Opep (Organisation des pays producteurs de pétrole) de réduire leur production d'or noir de plus d'un million de barils par jour (b/j) supplémentaires à partir de mai.
"Nous ne pensons pas que des réductions soient souhaitables en ce moment, compte tenu de l'incertitude sur le marché, et nous l'avons fait clairement savoir", a indiqué un porte-parole du Conseil national de sécurité des USA.
La Russie, alliée du cartel depuis 2016 au sein de l'Opep+, a quant à elle annoncé la prolongation de sa diminution de production de 500.000 b/j jusqu'à la fin de l'année. Cette baisse de l'offre de brut s'ajoute aux coupes déjà décidées auparavant, qui étaient de 2 millions de b/j. En tout, la production pétrolière se retrouvera ainsi réduite, à partir de mai, de plus de 3,5 millions de b/j jusqu'à la fin 2023.
"C’est sans ambiguïté un soutien à la Russie de la part de l’Arabie saoudite."
D'autres messages
Officiellement, cette baisse de production est destinée à "stabiliser le marché" du pétrole. En effet, le baril de Brent , qui oscillait encore autour de 100 dollars l'été dernier, est retombé récemment en dessous de 80 dollars, voire ponctuellement à 70 dollars seulement. Or, relève Jefferies dans une note publiée ce lundi, "pour le budget saoudien, le prix d'équilibre du pétrole doit être de 66,8 dollars le baril cette année". L'Arabie saoudite avait donc intérêt à passer à l'action car les prévisions de baisse de la demande due au ralentissement économique attendu cette année pointaient vers des prix pétroliers encore plus bas.
Mais au-delà de ces considérations économiques, l'Opep+ fait passer d'autres messages, selon Bernard Keppenne, chef économiste chez CBC: "D’abord, c’est sans ambiguïté un soutien à la Russie de la part de l’Arabie saoudite, et cela explique encore un peu mieux son rapprochement avec l’Iran (allié de Moscou, NDLR, les deux pays étant tous deux visés par des sanctions occidentales, l'un à cause de la guerre en Ukraine et l'autre à cause de son programme nucléaire). Car la hausse du prix du baril permet à la Russie de financer sa guerre."
"C’est ensuite une réponse à l’Europe, qui a décidé d’augmenter la part du renouvelable à l’horizon 2030 et dès lors de réduire sa consommation d’énergies fossiles", analyse M. Keppenne. "L’Opep+ a intérêt à vendre plus cher son pétrole durant les années qui restent avant la fin de sa consommation."
Influence chinoise
La décision de l'Opep pourrait aussi être mâtinée d'une influence... chinoise. "Un casse-tête géopolitique s'est ajouté depuis le récent rapprochement entre l'Iran et l'Arabie saoudite sous l'égide surprenante de la Chine", souligne Jefferies. "Ce mouvement pourrait être considéré comme une tentative de l'Arabie saoudite de rejeter les USA au profit de la Chine, à laquelle environ un quart des exportations de pétrole saoudien sont destinées."
Enfin, la décision de l'Opep+ est aussi une réponse à la politique énergétique américaine. L'an dernier, les exportations de pétrole des États-Unis ont atteint un record de 3,6 millions de b/j, soit 22% de plus qu'en 2021, rappelle Jefferies. Autant de pétrole qui n'a pas été acheté aux pays de l'Opep+. Ceux-ci préfèrent vendre encore moins mais en faisant monter les prix, d'autant que, selon UBS, les Américains ne seraient plus capables d'encore augmenter facilement leur production.
Ce lundi, la décision des pays de l'Opep+ faisait grimper le cours du Brent de plus de 5% à environ 84 dollars le baril.
- Plusieurs pays de l'Opep+, dont la Russie, ont annoncé de nouvelles coupes dans la production de pétrole.
- L'objectif officiel est de stabiliser le marché, le prix du baril étant passé récemment sous 80 dollars.
- Mais il y a aussi des considérations géopolitiques. L'Opep+ envoie ainsi des messages aux USA et à l'Europe.
- Les États-Unis jugent qu'une baisse de production n'était pas souhaitable.
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