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Le fisc utilise le nouveau régime des droits d'auteur dans ses contrôles

Le ministre des Finances Vincent Van Peteghem est à l'origine de la réforme du régime des droits d'auteur. ©Photo News

Lors de ses contrôles "droits d'auteur" portant sur des situations antérieures à 2023, le fisc se renseigne sur le respect de conditions qui n'étaient, à l'époque, pas encore obligatoires. Les informaticiens sont particulièrement visés.

L'administration fiscale flirte-t-elle avec la rétroactivité lorsqu'elle envoie aux contribuables des demandes de renseignements concernant la perception de droits d'auteur sur des périodes antérieures à la nouvelle loi de décembre 2022?

Selon Pierre-François Coppens, conseil fiscal ITAA, "aujourd'hui, les contrôles se multiplient à l'encontre des informaticiens, et les trois nouvelles conditions de la loi (diffusion large, exploitation effective, limitation aux œuvres littéraires et artistiques)  sont reprises dans les demandes de renseignements et les avis de rectification". Pour rappel, ces conditions ont été introduites dans la loi de décembre 2022 qui redéfinit les situations dans lesquelles le contribuable peut bénéficier du régime fiscal super attrayant des droits d'auteur.

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Denis-Emmanuel Philippe (Bloom Law) confirme: "Le fisc applique effectivement certaines conditions issues de la nouvelle loi du 26 décembre 2022 lors de contrôles fiscaux. Il y a actuellement des masses de procédures administratives en cours, qui débouchent sur des procédures devant les tribunaux faute d’accord entre le contribuable et le fisc".

"Ce sont les nouvelles conditions qui sont défendues par le fisc pour l’application de la législation ancienne, en présentant cela à tort comme une interprétation de la loi ancienne"

Typhanie Afschrift
Avocate

Vers une vague de recours judiciaires?

Selon l'avocate fiscaliste Typhanie Afschrift, "les contrôles se multiplient et il est de plus en plus difficile d’avoir un véritable dialogue avec l’administration sur les questions de droits d’auteur. Elle campe sur ses positions, même lorsqu'elles sont très discutables et il faut s’attendre à une vague de recours judiciaires. Et souvent, ce sont effectivement les nouvelles conditions qui sont défendues par le fisc pour l’application de la législation ancienne, en présentant cela à tort comme une  'interprétation'  de la loi ancienne".

Or, lorsque l’administration fiscale applique la nouvelle loi du 26 décembre 2022 pour refuser l’application du régime fiscal des droits d’auteur à des "anciens" dossiers (avant le 1er janvier 2023), "elle adopte une interprétation contraire à la loi". Les contribuables ont alors en théorie tout intérêt à porter le dossier devant le tribunal de première instance, lequel ne devrait pas manquer de leur donner raison.

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Encore faut-il bien entendu qu’ils soient en droit d’appliquer l’ancien régime des droits d’auteur", précise Denis-Emmanuel Philippe. Cette incertitude couplée à l'idée d'un procès long et coûteux devrait, dans la pratique, amener le contribuable à bien réfléchir avant de se lancer...

Plus clairement, la nouvelle loi n'a fait que transposer les conditions que l'administration fiscale demandait déjà auparavant.

Déjà depuis 2020

Les questions du fisc concernant la condition relative à la "diffusion large" et "l'exploitation de l'œuvre", contenues dans les demandes de renseignements actuellement envoyées dont nous avons pu prendre connaissance, posent particulièrement problème aux fiscalistes, car elles font expressément référence aux conditions de la nouvelle loi. Or le SPF Finances s'en défend: "Nous n’utilisons pas la loi de décembre 2022 pour faire les contrôles sur des périodes d’attribution des droits d’auteurs avant décembre 2022. Mais les droits d'auteur revendiqués doivent répondre aux exigences de la loi (conditions) en vigueur pendant la période sur laquelle porte le contrôle."

Bref, incompréhensible? En réalité, selon Sébastien Watelet (Lawtax), l'attitude du fisc n'est pas nouvelle. "Depuis le début de l’action en 2020, l’administration fiscale défend l’idée que le régime ne serait pas applicable en l’absence de 'communication au public' et/ou d’exploitation. Pour les programmes d’ordinateur, le fisc considère qu’il n’y aurait pas de communication au public lorsque le programme est essentiellement utilisé en interne. Cette position est tout à fait erronée tant sous l’ancienne législation que sous la nouvelle", explique-t-il.

Comment les tribunaux vont-ils trancher?

Plus clairement, la nouvelle loi n'a fait que transposer les conditions que l'administration fiscale demandait déjà auparavant (ce que les avocats fiscalistes se faisaient un plaisir de contester étant donné l'absence de base légale).

"À mon avis, la thèse administrative a peu de chance de prospérer devant les magistrats..."

Denis-Emmanuel Philippe
Avocat-associé (Bloow Law)

C'est d'ailleurs, selon Denis-Emmanuel Philippe, le plus "choquant" dans cette histoire: certaines de ces fameuses conditions supplémentaires ont été introduites dans le nouveau texte légal, lequel est pourtant seulement applicable à des situations postérieures à 2023.

Toute la question est à présent de savoir comment les tribunaux vont réagir: vont-ils suivre le fisc et refuser l’application de l’ancien régime des droits d’auteur (pour les périodes imposables antérieures à 2023) lorsque ces conditions additionnelles ne sont pas satisfaites? "À mon avis, la thèse administrative a peu de chance de prospérer devant les magistrats…", conclut-il.

Le résumé
  • Le nouveau régime des droits d'auteur est entré en vigueur cette année.
  • De nouvelles conditions doivent être respectées pour en bénéficier, comme celle de la diffusion vers un public large.
  • Problème : le fisc utilise ces nouvelles conditions pour contrôler des situations antérieures.
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