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analyse

Élections 2024: l'Europe entame un virage vers la droite dure

Le PPE (démocratie chrétienne), le parti de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, remporte les élections européennes, sur fond de percée de l'extrême droite. ©REUTERS

L'extrême droite confirme sa percée en Europe. Les démocrates-chrétiens, en tête du scrutin, appellent les sociaux démocrates et les libéraux à créer une coalition. La "vague verte" enregistrée en 2019 s'est tarie.

Plus de 360 millions d'électeurs étaient appelés à voter dans les 27 pays membres de l'Union européenne (UE) pour élire les 720 membres du Parlement européen, la plus grande assemblée démocratique du monde. Mais, dans les faits, à peine un électeur européen sur deux s'est déplacé, le taux de participation atteignant les 51%, selon le porte-parole du Parlement européen Jaume Duch.

"On peut dire, en première analyse, que le paysage politique européen s'oriente vers la droite dure."

Benjamin Biard
Politologue au CRISP

Selon les résultats provisoires mis à jour ce lundi vers 15 heures, la démocratie-chrétienne (PPE) reste la première famille politique européenne, comme c'est le cas depuis des décennies, en obtenant 186 députés, soit dix de plus par rapport à 2019. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est pratiquement assurée d'être reconduite pour un nouveau mandat.

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En même temps, l'UE effectue un virage vers la droite dure, les partis d'extrême droite et de droite radicale enregistrant une nette hausse dans plusieurs pays.

"On peut dire, en première analyse, que le paysage politique européen s'oriente vers la droite dure, avec une progression de l'extrême droite, même si elle se fait avec des nuances en fonction des pays concernés" dit Benjamin Biard, politologue au CRISP.

51%
De participation
Le taux de participation aux élections européennes serait de 51%, en légère hausse par rapport à 2019 (50,66%).

Vers une grande coalition

Le PPE, le groupe rassemblant les partis démocrates chrétiens, arrive en tête du scrutin, tiré vers le haut par ses résultats en Allemagne, en Pologne et en Espagne, mais aussi en Grèce, en Suède et en Finlande.

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"Je veux construire une large majorité pour une Europe forte", a déclaré Ursula von der Leyen (PPE), en annonçant que des négociations allaient commencer "dès demain" avec les sociaux démocrates et les libéraux afin de former une coalition. "Je pense que je pourrai rassembler le soutien nécessaire au Conseil européen", a-t-elle ajouté, certaine d'obtenir un second mandat.

Les sociaux démocrates (S&D) envoient 134 élus dans le prochain hémicycle, ce qui est 5 de moins qu'en 2019. "Nous restons le deuxième parti européen", a martelé l'Espagnol Pedro Marques, tout en reconnaissant la victoire du PPE. Il s'est aussi opposé à un élargissement de la coalition européenne à l'extrême droite.

Les libéraux (Renew Europe, RE) reculent nettement, avec 79 députés européens contre 102 en 2019. Toutefois, ils restent la troisième force politique du Parlement. D'après la députée bulgare Iskra Mihaylova, "aucune majorité ne sera possible sans les libéraux".

"Les résultats de ce soir ne représentent certainement pas une victoire pour les Verts."

Philippe Lamberts
Coprésident des Verts européens

Les écologistes européens sont les grands perdants de ce scrutin. Ils ne recueillent que 53 sièges, alors qu'ils en avaient obtenu 71 en 2019, au plus fort de la vague verte.

"Les résultats de ce soir ne représentent certainement pas une victoire pour les Verts", a déclaré le coprésident des Verts européens, Philippe Lamberts, tout en affirmant que son groupe politique serait prête à prendre ses responsabilités.

La gauche radicale (GUE) aligne 36 députés (-1).

Poussée de l'extrême droite

L'extrême droite arrive en tête en Autriche, où le FPÖ, fondé par d'anciens nazis, remporte 27% des suffrages. En Allemagne, l'AfD confirme sa montée en puissance en arrivant en deuxième position, mais il fait moins bien qu'attendu en raison des errements de sa tête de liste, Maximilian Krah, qui avait affirmé en campagne que les SS n'étaient pas tous des criminels de guerre. Il a été exclu, lundi, de l'AfD.

En France, le Rassemblement national (RN) de Jordan Bardella est le grand vainqueur, en obtenant entre 31,5% des voix, soit deux fois le score du parti Renaissance du président français Emmanuel Macron (14,5%) qui se retrouve au niveau du parti de gauche de Raphaël Glucksmann (14%). L'extrême droite française devrait obtenir 30 élus au Parlement européen. Face à ce séisme politique, le président Macron a décidé de dissoudre l'Assemblée nationale. Une décision risquée.

En Italie, Fratelli d'Italia bondit à 27,7% (23 députés), alors qu'il n'avait remporté que 6% en 2019. Mais la Ligue du nord recule à 8%, contre 34,2% lors des précédentes élections.

"On peut s'attendre à une recomposition de l'extrême droite après les élections."

Benjamin Biard
Politiologue au CRISP

Cette poussée de l'extrême droite se traduit par une montée du groupe politique européen Identité et Démocratie (ID) à 58 sièges au Parlement européen, contre 49 en 2019. Mais ce gain d'ID n'est pas indicatif de la progression de l'extrême droite européenne, car l'AfD a été exclu de ce groupe et d'autres partis d'extrême droite, comme Fratelli d'Italia, sont membres du groupe des conservateurs et réformistes (CRE), où l'on retrouve aussi la N-VA.

Le CRE bénéficie du virage vers la droite dure obtient 73 élus (+4).

Par ailleurs, 100 élus, dont ceux l'AfD et de Fidesz, le parti d'Orban, ne feraient partie, pour l'instant, d'aucun groupe politique.

La percée de l'extrême droite, morcelée en plusieurs groupes, laisse entrevoir la possibilité de l'émergence d'un nouveau groupe politique. "On peut s'attendre à une recomposition de l'extrême droite après les élections. Il est possible qu'ID soit disparaisse au profit d'une autre alliance plus forte", dit Benjamin Biard.

En Hongrie, Orban remporte les élections, mais le Fidesz (43,7%) perd 10 points de pourcentage par rapport à 2019, au profit d'un nouveau venu, l'opposant Peter Magyar, leader du parti Tisza (30,7%).

La coalition d'Olaf Scholz sanctionnée

En Allemagne, la CDU-CSU, le parti de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, arrive en tête du scrutin, avec 30,9%, ce qui lui permettrait d'envoyer 31 députés au Parlement européen, soit 2 de plus qu'en 2019.

La coalition dirigée par le chancelier allemand Olaf Scholz (SPD) est sanctionnée par les élections européennes. Les sociaux-démocrates affichent 14,6% des voix, ce qui ne leur permettrait d'obtenir que 15 députés européens, soit un de moins qu'en 2019. Les Verts sont les grands perdants du scrutin allemand, en chutant à 12,8% contre 20% en 2019.

L'extrême droite confirme sa percée aux Pays-Bas

Aux Pays-Bas, le PVV, grand gagnant des législatives de novembre 2023, n'obtient que la deuxième place des élections européennes. Mais, avec six députés, le parti d'extrême droite confirme sa très forte percée sur cinq ans.

La majorité européenne secouée

Constat important tiré de ces estimations : la poussée des partis d'extrême droite risque d'affaiblir la majorité européenne traditionnelle, axée depuis des décennies sur une coalition entre la démocratie chrétienne (PPE) et les sociaux-démocrates (S&D). Selon les premières projections, les deux groupes totaliseraient, dans le nouveau Parlement, 324 sièges. Or, il en faut 361 pour obtenir la majorité.

Les libéraux (Renew Europe), qui votaient le plus souvent avec le PPE et le S&D perdent 22 élus, ce qui fragilise encore plus les politiques européennes. Avec 404 députés sur les 720 de l'hémicycle, la majorité "PPE, S&D et RE" sera fragile, car beaucoup d'élus ne suivent pas la discipline de vote.

Toutefois, ce risque de déstabilisation est tempéré par les divisions entre les partis d'extrême droite européens qui les empêchent de s'unir. Ainsi, l'AfD et le FPÖ sont des partis pro-Poutine, tandis que Fratelli d'Italia, le parti de la première ministre italienne Giorgia Meloni, et le PiS polonais, eux aussi à l'extrême droite, soutiennent l'Ukraine.

Le Pacte vert en danger

Autre constat de ce scrutin, la vague verte qui avait déferlé sur l'Europe lors des élections de 2019 s'est tarie. Le recul des Verts européens, confirmé par le résultat plus faible des écologistes allemands selon les premières estimations, hypothèque la mise en œuvre des politiques climatiques et environnementales et l'objectif de décarbonation de l'industrie européenne d'ici à 2050.

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