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Quelle est la stratégie de Bart De Wever?

©Photo News

Le patron de la N-VA tente de se poser en porte-parole des électeurs du Vlaams Belang, tout en sachant que son parti est loin d’être acquis à l’idée de gouverner avec celui-ci.

Le président de la N-VA a entamé mardi ses consultations avec les présidents de Groen, du sp.a et du PVDA. Difficile pour l’heure de sonder la stratégie de Bart De Wever, que l’on devine contrarié après l’énorme charge encaissée sur son flanc droit du fait des troupes du Vlaams Belang dimanche dernier. Plusieurs questions se posent à ce stade.

Pourquoi lier la Flandre et le Fédéral?

Étrange en effet. Jusqu’à récemment, il défendait la constitution autonome et rapide d’un gouvernement flamand. "Aujourd’hui, il voit un intérêt avant tout tactique à lier les deux formations", estime le politologue Dave Sinardet (VUB, Saint-Louis).

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"C’est lui, le maître du jeu", confirme Bart Maddens, politologue à la KU Leuven et célèbre pour la doctrine qui porte son nom. "Sachant qu’il est contournable au Fédéral, De Wever va utiliser la formation flamande, où il est incontournable, pour peser sur la formation fédérale. Tant que la coalition flamande n’est pas constituée, il pourra mettre la pression sur les autres partis flamands impliqués dans les discussions fédérales." Ça et là en effet, l’idée d’un attelage arc-en-ciel (socialiste, libéral et écologiste) est évoquée.

Pourquoi ressortir le confédéralisme?

Le thème n’a pas ou peu été utilisé pendant la campagne et il ne semble pas y avoir de réelle assise populaire pour avancer dans cette direction. Alors pourquoi? Dave Sinardet avance une explication: "Bart De Wever confisque quelque part le scrutin à son profit. Tout le monde sait que la majorité des votes en faveur du Vlaams Belang ne sont pas motivés par des considérations communautaires. Mais De Wever a toujours joué avec l’image d’une Flandre à droite et d’une Wallonie à gauche pour souligner l’ingouvernabilité du pays. Il utilise cette fracture pour relancer la question communautaire."

Sachant qu’il est contournable au Fédéral, De Wever va utiliser la formation flamande, où il est incontournable, pour peser sur la formation fédérale.

Bart Maddens
Politologue à la KU Leuven

Bart Maddens ajoute ceci: "Si on veut éviter un déficit démocratique avec une participation fédérale minoritaire soit côté flamand soit côté francophone, le confédéralisme devient déjà plus défendable." Reste à voir comment mettre en œuvre techniquement le confédéralisme. "La Constitution est verrouillée. En plus, le confédéralisme n’a pas été évoqué depuis cinq ans, donc ça vient un peu comme une surprise pour l’opinion flamande. Une telle réforme demande de construire un momentum longtemps à l’avance, ce qui ne s’est pas fait", constate Maddens.

Le cordon tiendra-t-il?

"La N-VA n’a jamais souscrit au cordon, le parti et son arrière-ban ont toujours été contre", rappelle Maddens. Le cordon n’est pas non plus quelque chose d’hermétique. En 2004, le formateur flamand Yves Leterme a eu des discussions avec le Vlaams Belang, mais cela ressemblait fort à une mise en scène.

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Alors à quoi joue Bart De Wever? Dave Sinardet: "Il envoie le signal aux électeurs du Vlaams Belang qu’il les comprend et qu’il n’entend pas les écarter. Il se profile ainsi comme le porte-parole des électeurs du Belang, en plus de ceux de la N-VA bien entendu. C’est assez malin de sa part parce que cela renforce son propre poids. Mais je ne pense pas qu’il y ait à la N-VA une unanimité en faveur d’une coalition avec le Vlaams Belang. De toute façon, la question ne se pose pas vraiment à l’heure actuelle puisqu’il faudrait de toute façon un troisième parti pour faire l’appoint. Et je ne vois pas le CD&V ou l’Open Vld s’engager dans une telle direction. Bart De Wever peut donc se cacher derrière eux."

Bart Maddens confirme la position somme toute assez confortable du formateur flamand: "Je pense que Bart De Wever dira qu’il veut bien travailler avec le Vlaams Belang, mais comme les autres partis ont exclu cette hypothèse, il pourra s’en laver les mains. Il est dans une position nettement plus confortable qu’après les élections communales, où il aurait très bien pu constituer une majorité avec le Vlaams Belang à Anvers ou à Ninove."

Pourquoi pas une cure d’opposition?

En cas d’échec, la N-VA pourrait toujours se laisser tenter par une cure d’opposition au Fédéral. Bart Maddens: "Ce serait en effet assez confortable. Depuis les bancs de l’opposition, la N-VA aurait à affronter une coalition de quatre partis flamands (CD&V, Open Vld, sp.a et Groen), mais qui serait minoritaire, car le PVDA ne pourrait pas raisonnablement en faire partie. La N-VA pourrait également faire pression à partir du gouvernement flamand par le biais du comité de concertation."

Mais en attendant, elle se retrouverait quand même privée de leviers au Fédéral. "Chaque parti vise en fin de compte le pouvoir. Si l’opposition s’impose, ce ne sera certainement pas de gaieté de cœur dans le chef de Bart De Wever", estime Maddens.

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