Métiers en pénurie: un festival de mesures pour séduire les candidats
Pour inverser la tendance qui veut que la liste des métiers en pénurie s'allonge chaque année, les initiatives se multiplient.
Les listes de métiers en pénurie se succèdent et n'évoluent finalement qu'à la marge. Les mêmes secteurs restent particulièrement pénalisés par une situation dont on n'a aujourd'hui pas trouvé l'issue. Au contraire même. Le nombre de métiers à court de bras ne cesse de grimper.
Pourtant, les initiatives pour affronter le problème se sont multipliées. Au niveau politique, avec une batterie de dispositifs d'aides et d'incitants mis en place aux différents niveaux de pouvoir (lire plus bas). Le Forem souligne par exemple que 231 formations mènent aux 158 métiers qui cherchent des travailleurs en Wallonie.
Au niveau des secteurs d'activité et des entreprises aussi, on tente d'innover pour changer la donne.
Changer les perceptions
Le secteur de la construction est depuis longtemps en situation de pénurie. C'est d'ailleurs vrai dans l'ensemble de l'Europe occidentale.
En Wallonie, le vieillissement de la population et l'urgence à rénover le bâti liée au déréglement climatique vont engendrer d'ici cinq ans une pénurie quatre fois plus importante qu'aujourd'hui. De 7.000 paires de bras manquantes dans le secteur, on passera à 30.000, explique Gauthier De Vos, conseiller Emploi-Formation-Enseignement chez Embuild, la confédération de la construction.
"Nous devons donc gérer deux temporalités à la fois. Le court-terme, c'est pourvoir les métiers repris dans la liste du Forem, et cela passe par des primes, des formations courtes et l'activation du vivier de main d'œuvre. Sur le long terme, il s'agit de changer les perceptions, de démonter les clichés à propos des métiers de la construction."
"Les demandeurs d'emploi et les jeunes ont une perception négative de la construction. Ceci alors que les ouvriers actifs dans le secteur se montrent quant à eux positifs par rapport à leur métier."
Pour y parvenir, patrons et syndicats ont allié leurs forces pour lancer une initiative baptisée "Nous construisons demain". Lancée en 2022, l'opération est prévue pour durer jusqu'en 2030. Du travail de longue haleine, donc. Qui consiste essentiellement à changer l'image des métiers.
"Un sondage réalisé auprès de 2.000 Belges a montré que les demandeurs d'emploi et les jeunes ont une perception négative de la construction. Ceci alors que les ouvriers actifs dans le secteur se montrent quant à eux positifs par rapport à leur métier et aux avantages sociaux que propose le secteur, comme un plan de pension sectoriel ou des primes à la formation", pose Philippe Giot, porte-parole de Constructiv, le fonds sectoriel de la construction.
Aller au contact des jeunes
Il s'agit notamment de convaincre les jeunes, mais aussi leurs parents, que les filières techniques peuvent être épanouissantes. Autrement dit, que la construction, ce n'est pas forcément porter des parpaings et creuser des trous toute la journée.
Constructiv laboure donc les terrains de jeu favoris des jeunes, avec des challenges organisés dans le jeu vidéo Minecraft, des campagnes sur TikTok et Instagram et le recours à des influenceurs.
Et cet été, "Nous construisons demain" est présent dans les festivals de musique. Couleur Café fin juin, les Ardentes le week-end prochain: le secteur de la construction propose aux jeunes festivaliers des jeux en réalité virtuelle ou de découvrir les nouvelles technologies qui changent les métiers de la construction: drones, exosquelette, robots même, arrivent sur les chantiers.
Au passage, Constructiv récolte des données de contact du public qui lui rend visite. Une façon de tisser du lien qu'il s'agira de faire fructifier à l'avenir.
Objectifs: augmenter de 20% le taux d’insertion dans les filières de formation menant aux métiers de la construction, augmenter de 20% le taux de transition de l’enseignement vers les métiers de la construction (seuls 40% des jeunes formés rejoignent le secteur), diminuer de 20% le flux de travailleurs qui quittent le secteur de la construction.
Améliorer les conditions de travail
Convaincre que le métier en vaut la peine. C'est aussi l'ambition d'Olivier Simonart. Directeur des ressources humaines de la société de transports familiale Euro Trafic, basée à Heppignies (Hainaut), il ne peut que le constater: devenir chauffeur poids lourd, ça n'attire plus. "C'est un métier difficile, qui prend dix heures par jour. Les jeunes ne sont plus très vaillants, c'est un constat. Et il y a un problème de formation: des jeunes ont le permis mais ne savent pourtant pas conduire..."
Olivier Simonart prend donc son bâton de pélerin pour convaincre, en se rendant dans les écoles, les centres de compétences. "On ne fait pas des promesses en l'air. On propose de bonnes conditions de travail."
C'est la clé, estime-t-il, parce que "nos chauffeurs sont nos meilleurs ambassadeurs". Contrats à durée indéterminée, un accueil organisé pour les nouveaux engagés, avec une formation d'une à deux semaines organisée par l'entreprise... "On avait un gros turn-over. Désormais on a stabilisé la situation."
Le Fédéral et les Régions proposent différents incitants pour orienter les demandeurs d'emploi vers des métiers en pénurie.
Au niveau fédéral
• Un gel de la dégressivité des allocations de chômage est prévu moyennant certaines conditions pour un chômeur entamant une formation menant à un métier en pénurie.
• L’allocation métier en pénurie: depuis le 1er septembre 2022, un demandeur d’emploi inoccupé depuis plus d’un an peut conserver 25 % de son allocation pendant trois mois, s’il occupe un emploi en pénurie.
En Wallonie
• Une prime de 350 € est octroyée aux demandeurs d’emploi qui ont réussi une formation d'au moins un mois à temps plein menant à une fonction critique.
• Une prime "construction" pouvant aller jusqu’à 2.000 € brut cible spécifiquement ceux se formant aux métiers en pénurie du secteur du bois, de la construction et de l’électricité.
• Permis de conduire. Certains demandeurs d’emploi peuvent recevoir un financement pour l’obtention du permis B (auto) ou AM (cyclomoteur), dans le cadre d'une formation qualifiante de quatre semaines au minimum.
À Bruxelles
À Bruxelles, on ne compte pas de dispositif d'aide orientant en particulier vers les métiers en pénurie. On signalera cependant qu'un revenu formation de 2 euros par heure est octroyé en plus des allocations de chômage à tout demandeur d'emploi suivant une formation ou des études.
Les dernières infos et tendances sur l'évolution du marché de l'emploi en Belgique: taux de chômage, taux d'emploi, indexation des salaires, emploi des jeunes, insertion sur le marché du travail... Et un décryptage des politiques de l'emploi en Wallonie et à Bruxelles.
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